Par Renaud Poulain-Argiolas
Née le 30 avril 1845 à Paris (Ier arr.), morte le 24 février 1882 à Paris (IXe arr.) ; modiste ; communarde.
Marie Ferré était la fille de Laurent Ferré, cocher, et de Marie Rivière, née à Lagrange (Territoire de Belfort). Elle vit le jour au 24, passage Tivoli, au domicile de ses parents. C’est son père qui déclara sa naissance à l’état civil du Ier arrondissement, assisté de Simon Rivière, domestique âgé de quarante quatre ans, oncle maternel de l’enfant.
Marie Ferré était la sœur des communards Théophile et Hippolyte Ferré.
Au lendemain de la Commune de Paris, elle se dépensa pour secourir les prisonniers.
Dans ses Mémoires, Louise Michel consacre un chapitre à Marie Ferré à laquelle elle était liée par une amitié profonde. Lors de la répression de l’insurrection parisienne, les autorités perquisitionnèrent chez les parents Ferré à Levallois-Perret, rue Fazilleau, dans le but de retrouver leur fils Théophile. Elles ne trouvèrent que la mère Ferré veillant Marie, alitée et gravement malade. Tentant de faire avouer à la mère l’endroit où son fils se cachait, on l’intimida en menaçant d’emmener sa fille, qui n’y aurait probablement pas survécu. Épouvantée, la mère pleura et supplia, malgré les tentatives de sa fille de la rassurer. Prise de panique, elle prononça « rue Saint-Sauveur ». On cerna donc la rue en question pour arrêter Théophile Ferré, qui fut fusillé quelques mois plus tard. Marie Ferré fut relâchée au bout de huit jours, tandis que leur mère perdit la tête et mourut peu après à l’« asile d’aliénés » de Saint-Anne.
Au sujet de l’engagement de son amie, Louise Michel écrivait encore : « Ceux qui avaient leur père ou leur frère en Calédonie ou en exil savent quels étaient son dévouement et son courage infatigable. » A Londres, où elle avait fait un séjour, Marie Ferré était devenue plus populaire parmi les proscrits que Louise Michel elle-même (op. cité).
Pendant la déportation de Louise en Nouvelle-Calédonie, ce furent deux de ses amies, dont Marie Ferré, qui prirent soin de sa mère en lui rendant visite quotidiennement.
Marie Ferré mourut le 24 février 1882 à Paris chez Camille Bias au 27, rue Condorcet (IXe arr.), où elle logeait dans une chambre rouge qui ressemblait à une lanterne. Elle serait morte d’une affection cardiaque. Ce fut à nouveau son père qui fit la déclaration à l’état civil, accompagné de son fils Hippolyte. Elle était célibataire. On enveloppa son corps dans un grand châle rouge de Louise Michel qu’elle appréciait.
Le 26 février, ses funérailles civiles au cimetière de Levallois-Perret rassemblèrent une foule considérable. Le Figaro, journal conservateur, et Le Droit Social, organe socialiste révolutionnaire de Lyon, s’accordent sur le chiffre d’environ 1 500 participants. Parmi eux il y avait une majorité de révolutionnaires de Paris et des environs, dont Jules Allix, Alfred Breuillé, Jean-Baptiste Clément, l’ancien général de la Commune Emile Eudes, les docteurs Paul Dubois et Victor Jaclard, Emile Gautier ; des militantes connues : Hubertine Auclert, Camille Bias, Herminie Cadolle, Louise Michel ; mais aussi : Courapied, Crié, Dereure, Hémery-Dufoug, Hoffman, Josselin et Kapt.
Quelques membres de la « bourgeoisie radicale » (selon les termes du journal Le Droit Social) étaient là, comme Henri Rochefort, Alphonse Humbert, Amouroux et Clovis Hugues.
Avant la levée du corps depuis la chambre mortuaire, on distribua aux assistants des bouquets d’immortelles, ce qui provoqua des sarcasmes du journaliste du Figaro couvrant l’événement, les communards n’étant pas à ses yeux supposés croire à l’immortalité de l’âme. Huit couronnes de roses blanches et trois couronnes d’immortelles rouges furent déposées sur le cercueil, ces dernières provenant du Cercle d’études sociales du XVIIIe arrondissement et de la Libre-Pensée de Levallois-Perret.
Le cortège, conduit par Laurent et Hippolyte Ferré, Camille Bias et Louise Michel, se gonfla de plusieurs centaines de personnes en traversant le boulevard des Batignolles, la rue de Levie [il doit s’agir de la rue de Lévis] et la rue de Tocqueville (XVIIe arr.) pour se diriger vers la porte d’Asnières.
Plusieurs discours furent prononcés par des délégués de groupes révolutionnaires, des cercles d’études sociales, de la libre-pensée et du comité de vigilance du XVIIIe arrondissement, dont Edmond Chamolet, Jules Allix, Dereure, Émile Gautier et Louise Michel.
Dans Le Droit Social du 19 mars 1882, le groupe révolutionnaire Louise Michel de Lyon saluait en Marie Ferré « une révolutionnaire fermement convaincue, énergique et dévouée », précisant qu’« on la trouvait toujours au premier rang lors d’une manifestation, ou d’un mouvement révolutionnaire. » Sur la proposition de Louise Michel, le groupe se rebaptisa Groupe Marie Ferré.
Marie Ferré fut enterrée aux côtés de son frère Théophile et de leur mère dans le caveau familial du cimetière de Levallois-Perret.
Par Renaud Poulain-Argiolas
SOURCES : Archives de Paris, 9e arrondissement, Décès (V4E 3606), Acte n°373. — État civil reconstitué de la Ville de Paris, entrée du 1er juillet 1873, Acte de naissance de Marie, Françoise Ferré. — Le Droit Social n°4, organe socialiste révolutionnaire, 5 mars 1882 ; n°6, 19 mars 1882 (1ere année). — Le Figaro, 27 février 1882. — Louise Michel, Mémoires, François Maspero, 1979 (2e partie, chapitre 15). — Michèle Audin, « Vie et mort de Marie Ferré », 10 juin 2017. — Données du site Généanet. — Notes de Marianne Enckell et de Julien Chuzeville.