FORTIN Émile, Pierre, Justin, dit Pichon

Né le 2 décembre 1846 à Brulon (Sarthe) ; demeurant à Paris, où il mourut, rue du Faubourg-Saint-Antoine, n° 261, le 18 décembre 1906 ; ébéniste ou sculpteur sur bois ; secrétaire de Genton sous la Commune de Paris, déporté en Nouvelle-Calédonie.

En 1870, Fortin travaillait comme feuillagiste (certains rapports de police transposent en « fleuriste ») et habitait, 354, rue Saint-Denis, IIe arr. ; il était fiancé à la fille de Genton. Il s’était signalé parmi les blanquistes et avait subi deux condamnations : en mars 1869, pour infraction à la loi sur les réunions publiques, 100 f d’amende — et il refusa de signer le procès-verbal ; en mai 1869, quinze jours de prison pour outrages à agent. Pendant la guerre avec la Prusse, il appartint à la garde mobile et conserva son uniforme ensuite, mais nul témoin ne le vit en armes.

Le 6e conseil de guerre eut peine à établir sa participation au meurtre des otages, voire à la Commune. Fortin dit avoir travaillé dans son atelier jusqu’au 13 mai 1871 et alors, manquant de travail, avoir cherché à esquiver le service de la Garde nationale : « Je me suis promené, et j’ai fait la noce » ; ses voisins dirent qu’il n’avait appartenu ni à l’Internationale ni à la Garde nationale. D’après Da Costa, il fut nommé inspecteur des barricades par Ferré, avec Genton dont Fortin reconnaît : « J’ai dû épouser sa fille. » Le 24 mai, il assista, sans pouvoir l’empêcher, à l’exécution de Beaufort ; et, 48 heures plus tard, accompagnant Genton, il remit au directeur de la Grande Roquette l’ordre de livrer les otages. C’est lui qui retourna à la mairie du XIe arr. demander à Ferré plus de précisions, lui encore, qui remit à Sicard le sabre avec lequel celui-ci commanda l’exécution de l’archevêque et de ses compagnons ; lui enfin qui, à la mairie du XIe, rédigea et signa le procès-verbal de l’exécution.
Arrêté, traduit devant le 6e conseil de guerre, Fortin fut confronté avec Sicard : « Je tressaillis dans tout mon être, dit Fortin, quand je sentis sur moi le regard brûlant de Sicard. Qu’allait-il dire dans cette confession suprême ? Un mot de lui, un mot de vérité, c’était pour moi le poteau de Satory ». Mais Sicard, volontairement, ne reconnut pas Fortin ; et le jeune homme, bénéficiant du doute, ne fut condamné qu’à dix ans de travaux forcés, le 22 janvier 1872 ; compagnon de Maroteau, il fut dirigé sur le bagne de Toulon, puis sur l’île Nou.

Amnistié, rentré l’un des quarante derniers par le Tage en 1880, il est dit : « gros garçon, bon enfant réjoui [...] travaille ferme. Toujours sculpteur sur bois, à Montmartre ». Il s’était remarié civilement, en 1882, avec pour témoins Humbert et Rochefort. Ses opinions n’avaient pas changé puisqu’il écrivait, le 24 juin 1888, au vicomte de Hérisson : « En 1871, j’étais jeune et enthousiaste ; j’ai agi avec la conviction que je servais la bonne cause, et aujourd’hui, après dix-sept années, dont neuf passées en prison et au bagne, ma conviction n’a pas changé [...] Ces hommes étaient parfaitement dans leur droit. L’armée de Versailles fusillait tout sans merci ; il fallait bien faire un exemple : il fallait frapper un grand coup. » Ses déclarations de 1872, pour opportunistes qu’elles soient, ne mettaient personne en cause et représentaient, dans sa ligne de conduite, une parenthèse humainement très explicable.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article59322, notice FORTIN Émile, Pierre, Justin, dit Pichon, version mise en ligne le 26 juillet 2009, dernière modification le 9 juin 2019.

SOURCES : Arch. Nat., BB 24/762 et H colonies 160. — Arch. Min. Guerre, dossier Darboy. — Chincholle, Les Survivants de la Commune, op. cit. — Da Costa, La Commune vécue, op. cit. — M. Dommanget, Blanqui et l’opposition révolutionnaire, op. cit.

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