Par Gauthier Langlois
Né le 30 juin 1841 à Paris, mort le 19 juin 1901 à Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine) ; ancien élève de l’École des Mines ; architecte et ingénieur ; officier de la Commune, il se réfugia à Jersey puis Guernesey où il s’éloigna du socialisme pour devenir républicain progressiste.
Fils de Laurent Victor Gandin (1781-av 1861) et d’Aimée Girodz (1806-ap. 1862). Le père, propriétaire à Paris au moment de sa naissance, était un ancien officier du premier Empire : engagé volontaire comme simple soldat en l’an XII, il était déjà sous-lieutenant dans l’artillerie en 1807. Auguste Gandin avait épousé Anna Billerach, née en 1840 à Baixas (Pyrénées-Orientales). Fille d’un menuisier, elle avait été précédemment mariée, en 1858, à un employé du Trésor public à Alger.
Entre 1868 et 1869 Gandin fit paraître un livre et une pétition, adressés à Napoléon III, pour inciter la France à se créer un empire colonial en Océanie. Il s’y disait fils d’officier de Napoléon Ier et habitait alors à Paris, 5 rue des Écuries d’Artois (aujourd’hui rue d’Artois, VIIIe arr.).
Chef d’escadron de la Garde nationale pendant la guerre franco-prussienne, il fut attaché d’état-major fédéré sous la Commune de Paris, sous les ordres de Jules Bergeret. Après la défaite de la Commune il réussit à échapper à la répression versaillaise en se réfugiant à Londres puis à Jersey où il retrouva son ancien supérieur Jules Bergeret. Il y changea d’identité en se faisant appeler Auguste de Cluveaux, sans doute pour rompre avec son passé communaliste et se donner une apparence aristocratique. D’ailleurs ses rapports avec les autres communards proscrits de l’île semblent avoir été tendus comme le montre le fait-divers suivant. Pour vivre il fit passer une annonce se proposant de donner des cours de « chimie de ménage ». L’expression amusante inspira un article à un autre proscrit Gesner Rafina, qui le fit publier par Benjamin Colin dans son hebdomadaire satirique La Lanterne magique, par l’intermédiaire de Jules Bergeret. Bien que son nom ne soit pas cité dans l’article, Gandin s’estima offensé et, le 29 juillet 1872, agressa Colin en le frappant par derrière, en le terrassant et lui donnant des coups de pieds et de poings. Il ne s’arrêta que grâce à l’intervention d’un passant anglais. Traduit le lendemain devant la Cour royale de Jersey, il s’en tira avec une simple amende, payée selon la Gazette des tribunaux, par des personnes du public apparemment hostiles à Benjamin Colin et son journal.
En France le 3e conseil de guerre le condamna par contumace, le 17 avril 1874, à la déportation dans une enceinte fortifiée. Il fut amnistié en 1879 mais préféra rester dans les îles. Peut-être pour se refaire une réputation ou pour s’éloigner des proscrits, il émigra en 1876 à Guernesey, où il résidait Florence Palace, Valnord Hill Near Mount Durand and Victoria Road à Saint-Pierre Port.
Comme beaucoup de proscrits il dut diversifier ses activités professionnelles pour vivre. Dans The Star de Gernesey, il fit paraître, entre 1877 et 1880, des annonces où il proposait ses services soit de professeur de musique, soit de professeur de français, mathématique, géométrie et dessin architectural, notamment pour préparer des élèves à l’examen d’entrée des écoles militaires anglaises. Il proposait dans d’autres annonces ses services d’architecte et de géomètre arpenteur. Cette offre diversifiée de services ne suffisait apparemment pas à ses besoins. Entre 1879 et 1881 il fit passer, dans des journaux français, une annonce surprenante : il proposait d’aider les personnes honorables à se faire décorer par un gouvernement étranger ou à obtenir une distinction honorifique. Cette offre dont plusieurs journaux ont relevé le caractère douteux, peut être mise en rapport avec les antécédents judiciaires de Gandin. Il avait été condamné, en 1868, à six mois de prison pour escroquerie. L’offre de Gandin se limitait-elle à de simples conseils ou relevait-elle de de l’escroquerie ou du trafic d’influence ? Elle n’est en tout cas pas sans évoquer une affaire sur le même thème mais d’une autre ampleur, le scandale qui éclaboussa la IIIe République en 1887 quand la police découvrit que Daniel Wilson, gendre du président Jules Grévy, se livrait à la vente de décorations de la Légion d’honneur.
Gandin avait en effet une famille nombreuse à nourrir. Selon le recensement de Guernesey de 1881, il résidait Doyle road à Saint-Pierre Port avec sa femme Anna, son neveu Henri Normand, né à Paris en 1865, sa fille Jeanne née à Saint-Hélier en 1874 et deux enfants du premier mariage de sa femme, Jules Baldit né à Oran en 1859 et Louise Baldit née à Bagnères-de-Luchon en 1864.
Il semble avoir séjourné ensuite en famille en Algérie où sa fille Jeanne résidait encore au début du XXe siècle. Revenu à Paris avant 1886, il était, dans les années 1890, l’un des collaborateurs réguliers des hebdomadaires Le Petit Assureur, Journal Financier et Le Monde économique. Ce dernier, dirigé par le républicain progressiste Paul Beauregard, défendait les principes du libéralisme économique contre le socialisme. Gandin y publia des articles visant à développer l’économie de l’Algérie, notamment sur ses ports et sur l’élevage des moutons. Il s’intéressait aussi au progrès social. Avec Henri Nadault de Buffon, il avait présenté, en 1886, un projet de loterie pour financer la construction de logements à bon marché pour les ouvriers. Il avait publié également un article de réflexion sur la mise en place d’une assurance chômage.
Parallèlement, grâce à ses bonnes relations dans les milieux d’affaire et aristocratiques il s’était investi dans des activités commerciales et financières. Il avait fondé début 1893, avec le marquis de Guiry et le comte de Beaurepaire, la Banque de l’Union populaire dont le siège était situé 39 rue Lafayette à Paris. Cette banque lança un hebdomadaire, L’Union populaire. Journal politique, financier, industriel et artistique, dont Gandin était certainement le principal rédacteur. L’affaire ne fut cependant pas une réussite puisque le journal s’arrêta au bout de deux mois, en mars 1893. En 1900 il fonda, avec un associé résidant en Algérie, une société dite Le Mérinos algérien qui obtint la location de 2040 hectares domaniaux dans la région de Sétif, pour y pratiquer l’élevage du mouton.
Il mourut dans sa villa du 1, ruelle du Val-Content à Fontenay-aux-Roses. Sur son acte de décès il était appelé Gandin de Cluveaux et était qualifié de journaliste.
Par Gauthier Langlois
OEUVRE : sous le nom d’Auguste Gandin : De la possibilité d’une vaste colonisation dans l’Océanie, Paris, Impr. de Morris, 1868. — Pétition relative aux moyens de procurer à la France une situation coloniale dans l’Océanie, Paris, Impr. de Morris, 1869. — sous le nom d’Auguste de Cluveaux : Nouveau petit guide du touriste à Jersey. — « L’assurance contre le chômage », Monde économique, août 1894. — Les Communications postales et les transports entre la France et l’Algérie, Paris, Impr. de A. Davy, 1895.
SOURCES : Recensement de Guernesey, 1881. — Arch. Nat., BB 24/852 et BB 27. — Arch. Min. Guerre, 3e conseil (n° 1633). — Arch. PPo., listes de contumaces. — La Gazette des tribunaux, 5 février 1862, 9 août 1872. — The Star of Guernsey. — Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, « Gandin – Auguste », Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier - (Université de Bourgogne/CNRS), [En ligne], mis en ligne le 27 août 2013. — Le Gaulois, [2 juin 1881]. — Le Courrier du Finistère, 3 mars 1883. — Gil Blas, 8 juillet 1882. — Le Droit financier : jurisprudence des valeurs mobilières..., 5 mars 1893. — Le Pays : journal des volontés de la France, 29 octobre 1879. — La Justice, 24 mars 1886. — Procès verbaux du Conseil général du département de Constantine, 1900, p. 137-140.