Né le 7 octobre 1841 à Bourg-en-Bresse (Ain) ; homme de lettres et publiciste républicain ; communard.
Marc-Amédée Gromier appartenait à une vieille famille protestante de tendances républicaines ; son grand-père Gromier de Coligny commandait, en 1793, le 1er bataillon des volontaires de la République ; son père, Joseph Horace, et sa mère, Félicité Veuillet, étaient « marchands libraires », et plus tard un frère de Marc-Amédée leur succéda ; ils faisaient partie de la bourgeoisie de leur ville.
L’enfant commença ses études au lycée de Bourg et, dès 1859, il était licencié ès lettres (Lyon) ; ses « vagabondages », comme il les intitula, l’amenèrent à Paris au collège Sainte-Barbe, et, en 1861-1862, il enseigna aux lycées de Besançon et Tournon, puis il voyagea : Bâle et Genève, Londres où il fut rédacteur en chef du journal la Colonie, New-York ; il fut aussi professeur de latin au collège de Nantua (Ain). Après avoir soutenu le candidat de l’opposition aux élections de 1863, il préféra s’expatrier, et on le retrouve en 1864-1865 à Soho (Londres), puis engagé parmi les volontaires garibaldiens ; il se retira après la campagne du Tyrol et, malade, fit une année de préceptorat dans l’Ain, à Ambérieu (1867-1868) ; en 1868-1869, à nouveau, après avoir publié le programme d’une « Union libérale », il voyagea en Angleterre où il dirigea la partie française d’un quotidien de Londres, le Glow-Worm and Evening News. Il se rendit également à New-York. De retour à Paris, il fut « sténographe » au Rappel qu’il fournit en comptes rendus de réunions publiques, et collabora à divers journaux. Il prit comme journaliste sa part de l’agitation politique à la fin de l’Empire ; il appartenait à l’équipe des rédacteurs de la Réforme et on le disait secrétaire de Félix Pyat, dont il était « presque l’enfant adoptif ». Le 31 décembre 1869, il fut condamné à un mois de prison et 200 F d’amende pour une réunion publique où Gambon prit la parole. C’est lui qui, dans l’hiver de 1870, lut au banquet de Saint-Mandé la fameuse « Ode à la petite balle » de Félix Pyat ; le 7 août 1870, la Haute Cour de Blois le condamna pour ce fait à cinq ans de prison ; le 4 septembre le délivra, à Beauvais, sur l’ordre d’E. Arago.
Durant le Siège, il fut élu chef du 74e bataillon de la Garde nationale et révoqué après le soulèvement du 31 octobre 1870 ; en novembre, il épousa la fille de Brunereau, mais passa sa lune de miel en prison ; en février, il fut blessé et déclina le grade de lieutenant-colonel offert par le général Clément Thomas. De même il avait refusé d’être candidat à l’assemblée de Bordeaux. Il écrivait dans le Combat de son ami F. Pyat des articles que lui inspirait sa connaissance de l’Europe : traductions de l’Evening Standard, de la Pall Mall Gazette, rubriques « la France vue de l’étranger ». Il posa dans le journal, sous forme de référendum, la question qu’il dit émaner de son 74e bataillon (10 octobre 1870) : « Demandez-vous, oui ou non, qu’il soit immédiatement procédé, par voie d’élection, à l’organisation de la Commune de Paris ? »
Lorsque en mars 1871, le Combat fit place au Vengeur, Gromier y continua sa collaboration en des termes analogues. Ses juges, plus tard, lui reprochèrent d’avoir opéré une sélection parmi les articles étrangers traduits ; citant le Daily News du 28 mars, il imprimait en effet le 31 : « Leurs élus, les conseillers communaux, n’auront pas seulement à s’occuper du gaz, de l’eau potable, et du pavage des rues ; ils décideront encore et régulariseront toutes les relations de la société, la condition du riche et la condition du pauvre. Ils veilleront à la distribution du travail, à la fixation des salaires, à la quotité des appointements, au taux des impôts. Paris est maintenant une République démocratique. »
Presque chaque jour il intervenait ; c’est cela que lui reprochèrent ses juges, plutôt qu’une activité officielle : le Comité de vigilance du IXe arr. l’avait porté sur sa liste en avril, puis remplacé par Chassin. Il aida Millière à administrer l’arrondissement, mais il nia avoir donné des conseils politiques ou militaires à la Commune ; sa prudence ressemblait à celle de Pyat ; aussi, arrêté à son domicile, ne fut-il condamné, le 2 octobre 1871, qu’à six mois de prison et 500 F d’amende pour outrage au chef du pouvoir exécutif (3e conseil).
Il fut libéré de Sainte-Pélagie le 2 avril 1872. En 1873, une « lettre d’un bon rouge » lui valut deux ans de prison et 3 000 F d’amende, pour outrage à un culte reconnu ; de même, en 1878, il fut expulsé de Suisse pour avoir critiqué dans un article le caractère germanique du pays et le mauvais état des finances de Genève.
Gromier mourut en avril 1913.
OEUVRES : Outre des oeuvres variées, plus ou moins autobiographiques, et des ouvrages de musicographie, Gromier publia des pamphlets politiques :
Programme d’une Union libérale en vue des élections prochaines chez Gromier aîné, Bourg-en-Bresse, 1868. — Un Centenaire, actualités en trois parties, chez tous les libraires, 1869. — En prison : le Salut, suivi de Préliminaires historiques du Mémorial d’un roman contemporain, Paris, imprimerie de Rodière, 1872. — La Solidarité, 1873 (rééditions ultérieures), et surtout : Lettres d’un bon rouge à la Commune de Paris, librairie André Sagnier, 1873, in-16, (10)-108 pp.
Il y rassemblait dix articles donnés à la Vérité, plus un épilogue, un appendice, une adresse et une épitaphe d’allure protestante publiée dans la Sociale. Dans cet ouvrage, il portait sur ses collègues un jugement robuste : « Les membres de la Commune sont des travailleurs, des ouvriers, non des économistes, des organisateurs et des administrateurs à l’esprit primesautier [...] Il faut encore bâtir solide et du premier jet. Or vous marchez à tâtons et à soubresauts, au lieu d’avancer fermes, rigides, inflexibles, immuables et, de plus, logiques et précis ! »
En même temps il voyait plus haut et plus loin :
« L’organisation intégrale de la Commune est en effet une institution de la période sociale supérieure à la civilisation, comme la République démocratique et sociale est une forme de gouvernement supérieure à la monarchie [...] Cette commune a la souveraineté populaire pour base, la solidarité pour bien, la fraternité pour but [...] Dans la Commune fédérale, républicaine, la section est la base de la pyramide sociale, l’État en est le sommet » (Lettres d’un bon rouge, appendice, p. 78).
Il puisait ses opinions et ses exemples à l’étranger : dans les démocraties anglaise, américaine, dans la confédération helvétique, et vingt ans plus tard évoquait une « Union méditerranéenne » qui élargit la Commune aux dimensions d’un Zollverein entre nations méridionales.
La Commune. Journal d’un vaincu, recueilli et publié par Pierre de Lano, Paris, 1892, in-16, (4)-293-(1) pp.
COLLABORATION À DES JOURNAUX (ou direction) : La Réforme (Voir par exemple, un article du 21 janvier 1870). — Le National (septembre-décembre 1870). — Le Siècle (1870).
Le Salut de Paris, s.d. (21 janvier 1871) n° 1. — s.d. n° 4. — Le Salut, Journal des conciliateurs-républicains, paraissant deux fois par semaine, Paris, s.d. (7 mars 1871) n° 12 — s.d. (15 mars 1871) n° 14. Il continue La Patrie en deuil (mars 1871, six numéros) et La République sauvée. — Le Vengeur (30 mars au 4 avril, et 12-21 mai 1871). — La Sociale (Lettres d’un bon rouge).
SOURCES : Arch. PPo., B a/1101. — Gazette des Tribunaux, 2 octobre 1871. — Journaux cités. — Lettre d’un bon rouge, op. cit. — La Commune di Parigi (G. Del Bo), op. cit. — Le Rappel, 20 avril 1913.