HÉLIGON Jean-Pierre

Né à Paris le 20 janvier 1834 ; ouvrier imprimeur sur papiers peints ; proudhonien ; libre penseur et franc-maçon (Voir Thirifocq E.) ; membre fondateur de l’Internationale ; adversaire de la Commune de Paris.

Dans ses déclarations, en 1871, à la Commission d’Enquête sur le 18 mars, Héligon explique ainsi son éveil aux idées sociales : « J’étais ouvrier tireur de châssis à dix ans, j’ai été dressé à entendre parler des émeutes de 1834, de 1835, de la barricade de la rue Saint-Merri, et nous disions : « Nous n’allons donc pas faire de barricades ? » (cf. pp. 415-416).
Nous le rencontrons pour la première fois au titre de militant lorsqu’il appartint à la sous-commission adjointe au 1er bureau de l’Internationale parisienne installé, le 8 janvier 1865, 44, rue des Gravilliers, et dont les secrétaires-correspondants étaient Tolain, Ernest Fribourg et Charles Limousin (Voir Tolain). Il avait la carte portant le n° 13 et la date d’adhésion était 8 octobre 1865 (et non 1869, comme il est écrit par erreur, Arch. PPo., B a/439, pièce 4824). Il figurait alors au nombre des collaborateurs de La Fourmi, numéro unique du 24 septembre 1865 publié à Bruxelles, continuation de La Presse ouvrière, organe publié par le bureau parisien de l’Internationale.
Après le premier congrès tenu à Genève en septembre 1866, congrès auquel Héligon n’assista pas, le bureau de Paris se donna un règlement qui institua, en octobre, une commission administrative de quinze membres dont fit partie Héligon qui remplit les fonctions de caissier.
Dans l’Enquête, op. cit., p. 414, il a donné, sur ses fonctions, les précisions suivantes : « J’étais le caissier de l’Internationale depuis 1865, je l’ai été jusqu’à la fin de 1868 ; je n’ai jamais eu 50 francs en caisse ; le plus que j’aie eu en 1865, c’était 200 francs, prêtés par B... père, pour envoyer des délégués à Londres. Je les ai eus à midi ; le lendemain je ne les avais plus. Aussi, chaque fois que nous entendions parler des millions de l’Internationale, cela nous faisait rire. »
Le bureau de Paris fut renouvelé après le second congrès qui se tint à Lausanne l’année suivante, en septembre. Héligon fut réélu (Voir Tolain). Les quinze membres de la nouvelle commission démissionnèrent le 19 février 1868, après que des poursuites eurent été engagées contre l’Internationale.
Le 20 mars, Héligon fut condamné avec chacun de ses camarades à 100 F d’amende, la durée de la contrainte par corps ayant été fixée à trente jours. La condamnation fut confirmée en appel le 29 avril, en cassation le 12 novembre. Héligon était alors membre de l’Internationale, sans appartenir à une section déterminée, et président de la Ménagère, coopérative de consommation qu’avait créée Varlin et dont le siège était, rue Larrey, Ve arr.
L’année suivante, en compagnie de dix-neuf autres citoyens, membres comme lui de l’Association Internationale des Travailleurs, Héligon présenta un programme d’inspiration républicaine et socialiste lors des élections générales du mois de mai 1869. Il habitait alors, 45, rue de la Grande-Truanderie, Ier arr.
En 1870, Héligon, dont la profession était alors celle de courtier en librairie, fut impliqué dans le troisième procès de l’Internationale, et, le 8 juillet, fut condamné, pour avoir fait partie d’une société secrète, à un an de prison, 100 F d’amende, quatre mois de contrainte par corps le cas échéant, et un an de privation des droits civiques (Voir Varlin). Ce même mois, il signa le manifeste contre la guerre adressé aux travailleurs de tous pays.
Au cours du troisième procès, Héligon eut l’occasion d’exposer ses idées qui, comme celles de nombreux fondateurs de l’Internationale, étaient d’adversaires de la grande industrie tout autant que du communisme. Ouvriers d’art ou, du moins, maîtres d’un métier très qualifié pour la plupart, ils ne manquaient que de crédits pour s’établir et s’affranchir. Aussi rêvaient-ils coopération, mutuellisme, crédit gratuit pour vaincre « ces grandes compagnies qui sont la plaie de notre époque, parce qu’elles reconstituent une féodalité bien plus terrible que celle qui fut détruite en 89 ; car il n’y a rien de plus égoïste que cet anonyme qui se cache derrière une majorité d’actionnaires qui ne connaissent rien autre chose que leurs dividendes ». Ils combattaient les grèves avant qu’elles ne surgissent, mais venaient au secours des grévistes « lorsqu’elles éclataient par une force supérieure ».

Devenu adversaire de l’Internationale et traité en renégat (cf. Lissagaray, op. cit.), Héligon demeura à Paris durant le Siège. Capitaine d’une compagnie du 14e bataillon de la Garde nationale, il résista lors de la journée populaire du 31 octobre 1870, puis fut nommé maire, le 5 novembre. Sous la Commune, maire adjoint du XIVe arr., il protesta contre les élections du 26 mars 1871 qu’il considérait comme illégales (cf. J.O. Commune, 23 mars). Ce jour-là, il se rendit d’ailleurs à Versailles où il effectua le dépôt des 54 605 F « qu’il avait pu soustraire aux rapines des factieux » (Gazette des Tribunaux) et ne revint que le 24 mai, au cours de la Semaine sanglante (21-28 mai). Il fit alors afficher une proclamation aux habitants du XIVe arr., proclamation qu’il signa au titre de maire : « Aujourd’hui l’Ordre est rétabli. » Testut l’ayant qualifié de membre de la Commune dans la 3e édition de son ouvrage L’Internationale, Héligon lui intenta un procès qu’il gagna.

Son fils Émile Héligon fut inspecteur général de l’éducation nationale (mort vers 1938). Il était également franc-maçon. Il est enterré à Quincy-voisins. Son petit-fils, Robert (1910-2001) fut agrégé de grammaire.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article61585, notice HÉLIGON Jean-Pierre, version mise en ligne le 26 juillet 2009, dernière modification le 7 septembre 2019.

ŒUVRE : Le Mouvement ouvrier de 1848 à 1870. — Discours prononcé à la loge les Trinosophes de Bercy dans sa tenue solennelle du 19 mars 1880, par le F... Héligon. Paris, impr. de N. Blanpain, 1880, in-8° 24 p. Bibl. Nat., 8° R, pièce 1403.

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE : Procès de l’Association Internationale des Travailleurs. 1re et 2e commission du Bureau de Paris. — Troisième procès de l’AIT à Paris, op. cit. — Lissagaray, Histoire de la Commune, op. cit. — O. Testut, L’Internationale, op. cit. — Foulon, Varlin. — Journal des débats politiques et littéraires, 12 mars 1868. — Gazette des Tribunaux, 27 juillet, 10 août 1871. — Enquête parlementaire, op. cit. — Minutes..., op. cit. et Arch. Nat., C 2876. — Murailles... 1871, op. cit., p. 579. — Notes de Jean-Paul Héligon, arrière-petit-fils de Jean-Pierre Héligon, 9 novembre 2011.

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