LUCCHESI Fernand

Par Jacques Blin, Jean-Pierre Bonnet, Marie-Louise Goergen

Né le 20 mars 1905 à Marseille (Bouches-du-Rhône), mort le 26 novembre 1997 à Sète (Hérault) ; cheminot, révoqué en 1952 ; syndicaliste CGT.

Lucchesi Fernand (de face) lors d’une réception publicitaire (archives privées Jacques Blin)

Fils de Narcisse Lucchesi journalier d’origine italienne et de Léone Siméoni une journalière, Fernand Lucchesi fut abandonné à l’âge de quatre ans. Pupille de l’Assistance publique des Bouches-du-Rhône, il fut placé comme valet de ferme à sa sortie de l’école primaire. Las des mauvais traitements et des brimades qu’il subissait, il quitta son employeur pour revenir à Marseille (Bouches-du-Rhône) où il fut retrouvé par son autorité de tutelle.
Fernand Lucchesi commença à travailler comme manœuvre en mars 1921. Il partit en Ardèche où il travailla dans le bâtiment à Vallon-Pont-d’Arc, puis dans le Gard, où il fut embauché comme mineur à La Grand-Combe en 1924. Il devint membre du bureau syndical des mineurs de cette localité à dix-neuf ans.
Incorporé au 4e Régiment de Zouaves à Tunis le 10 mai 1925, Fernand Lucchesi fut envoyé au Maroc le 26 novembre 1925, en renfort dans la guerre conduite contre le nationaliste Abd-El-Krim. Cette participation à la guerre du Rif entraîna chez lui une prise de conscience qui devait nourrir un fort sentiment anti-impérialiste. Démobilisé en novembre 1926 avec certificat de bonne conduite et médaille coloniale avec agrafe vermeil, il revint à la Grand-Combe où il se maria. Pendant deux ans, il continua à travailler comme manœuvre.
Fernand Lucchesi entra au chemin de fer le 18 décembre 1928, comme homme d’équipe à Nîmes-Pont-Saint-Esprit, puis fut congédié en juin 1929. Réémbauché le mois suivant comme homme d’équipe à l’essai, puis commissionné en juillet 1930, il revint à La Grand-Combe en octobre 1930 et y accéda au grade de pointeur releveur en juillet 1937 ; il y prit la responsabilité du syndicat. Muté à Sète (Hérault) en 1938, il devint secrétaire du syndicat réunifié de Sète-Méditerranée.
Pendant la guerre, l’engagement militant de Fernand Lucchesi le rendit naturellement suspect aux yeux des autorités. D’avril 1940 à 1942, il fit l’objet de nombreux blâmes. Muté comme brigadier à Frontignan (Hérault) en novembre 1940, il fut arrêté à trois reprises, dont début juillet 1944 pour « tentative de reconstitution de groupement dissous », mais à chaque fois le dossier fut classé sans suite. Avec son équipe, basée à Frontignan (proche du poste Sète-Méditerranée) il désorganisait les convois de wagons destinés à l’armée d’occupation, en changeant les étiquettes des lieux de destination. Il sabotait les boites à vitesses des wagons, en mettant du sable à la place de l’huile afin de retarder la bonne marche des convois. Suite aux arrestations , en février 1941, de Georges Roussigné *, Chagnon, Santucci, Georges Badier *et Isoird, le PC fut privé d’une grande partie de sa direction à Sète. Pierre Laffite fut alors proposé comme responsable politique pour réorganiser le parti. Il fut assisté pour la branche syndicale de Georges Badier, Christophe Lambiris*, François Di Fasio et Fernand Lucchesi. Pour la propagande il eut le concours de Joseph Philippi, Élie Candelon et Victor Meyer*. Cette réorganisation fonctionnera jusqu’en février 1942. Fernand Lucchesi fut arrêté en 1942, puis relâché au bout de quelques jours.
Promu sous-chef de manœuvre en mai 1945 et muté à Nîmes pour une durée de huit mois, Fernand Lucchesi revint à Sète en mars 1946. Toujours secrétaire du syndicat de Sète, il était délégué titulaire du comité mixte local et régional, délégué à la sécurité, délégué titulaire de la catégorie 3 auprès du directeur général. Homme de terrain, il fut l’animateur de toutes les actions qui eurent lieu à Sète de 1947 à 1952. Dans le contexte de l’époque, une telle attitude l’exposait aux sanctions, en dépit des qualités professionnelles qui lui étaient reconnues.
À la suite des grèves de juillet et octobre 1948, il subit de lourdes sanctions financières. Ses prises de parole sur les lieux de travail lors de la grève du 17 février 1950 lui valurent un nouvel et dernier avertissement. Enfin, au lendemain de la grève du 4 juin 1952, il fut suspendu pour abandon de poste, manifestation et incitation à la manifestation, puis rayé des cadres le 21 juillet. Renouant avec l’une de ses activités de jeunesse, il travailla pendant quelques mois comme manœuvre du bâtiment, avant de déménager à Marseille. Embauché par la société Inter-Provence Publicité , branche publicitaire du journal La Marseillaise il y travailla à l’agence de Sète , il y travailla comme publiciste jusqu’en 1973.
Dans le cadre de la campagne conduite en faveur de sa réintégration, la presse communiste locale avait publié de nombreux témoignages permettant de mesurer la popularité de Fernand Lucchesi. Comme tous les syndicalistes de la base, il apparaissait comme courageux et désintéressé. Les difficultés de sa jeunesse ne l’avaient ni abattu, ni rendu amer puisque chacun soulignait chez cette personnalité équilibrée un mélange constant d’ardeur et de bonhommie.
Il fut conseiller municipal en 1953 dans la municipalité de Gaston Escarguel *. En 1959, à la suite de l’élection de la municipalité communiste dirigée par Pierre Arraut* il occupa le poste de 5e adjoint. En 1965, l’équipe municipale sortante affirma une volonté d’union et s’ouvrit au Parti socialiste. Fernand Lucchesi fut réélu mais il demeura désormais conseiller municipal. Il n’en déploya pas moins son activité au sein du comité des fêtes présidé par le communiste Pierre Marqués qui l’avait remplacé au poste de 5e adjoint. Parallèlement il accompagna les manifestations de l’Orphelinat des cheminots qui organisait chaque année des spectacles devant la gare de Sète. De nombreux artistes y firent leurs premières armes.
Une fiche non datée (des années 1970 ?) dans son dossier du personnel précise qu’il fut conseiller municipal et adhérent du syndicat des cheminots retraités, ainsi que membre du Comité de défense des cheminots.
Marié en mai 1926 à La Grand-Combe avec Constance Laffarre, Fernand Lucchesi était père de quatre enfants nés entre 1927 et 1940, et fut dans les années 1970 grand-père de dix petits enfants. L’enfant abandonné de 1909 avait pris sur la vie sa revanche de tendresse. En 1941, son épouse apparut dans l’action politique sétoise. Elle avait adopté son deuxième prénom, Denise. Elle était membre de la branche féminine du PCF sous la responsabilité de Claire Isoird*.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article6166, notice LUCCHESI Fernand par Jacques Blin, Jean-Pierre Bonnet, Marie-Louise Goergen, version mise en ligne le 30 juin 2008, dernière modification le 8 mars 2012.

Par Jacques Blin, Jean-Pierre Bonnet, Marie-Louise Goergen

Lucchesi Fernand (de face) lors d’une réception publicitaire (archives privées Jacques Blin)

SOURCES : Arch. SNCF de Béziers. — Arch. Fédération CGT des cheminots. – Édouard Martin, Le Parti communiste dans la Résistance 1939-1945, mémoire de maîtrise sous la direction de Raymond Huard, UFR III, Université de Montpellier, octobre 1992). — Interview de Fernand Lucchesi par Rose Blin-Mioch dans La Marseillaise d’août 1984.

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