Par Pierre-Henri Zaidman
Né le 11 octobre 1833 à Brest (Finistère) ; papetier, ouvrier lithographe, dessinateur lithographe ; célibataire ; commandant fédéré ; fusillé à Satory le 22 février 1872.
Fils d’Emile-Louis-Thomas Herpin-Lacroix et de Célestine-Marie-Charlotte Sénard, déposé à l’hospice, il a d’abord été déclaré enfant trouvé « avec un billet ainsi conçu : On prie de nommer cet enfant Armand, il n’est pas baptisé » avant d’être reconnu le 11 août 1837.
Sa profession était assez vague ; papetier, ouvrier lithographe, dessinateur lithographe.
Il servit comme caporal au 28e de ligne, et passa fusilier au 86e de ligne. Il participa à la campagne de Crimée de 1854 à 1856 où il fut blessé. Il reçut ce titre la médaille de Crimée (Angleterre) puis la médaille militaire par décret du 4 août 1860. Condamné à Brest le 8 mars 1861 à 16 fr d’amende pour port d’armes prohibées et à Tours, le 17 décembre 1866, à 6 mois de prison et 50 fr d’amende pour bris de clôture, il fut suspendu pendant un an de la médaille militaire et interdit de porter ses décorations par décret du 26 mars 1867. Après avoir habité Paris en 1870, il rejoignit sa famille dans le Loir-et-Cher où il s’engagea dans les francs-tireurs de Loir-et-Cher dont il commanda une compagnie rattachée à la 4e brigade de l’Armée des Vosges sous le commandement de Ricciotti Garibaldi.
Licencié, il revint à Paris le 17 mars 1871 à la recherche de sa famille ; au matin du 18 mars, la foule l’entraîna vers les buttes Montmartre et son uniforme de capitaine de francs-tireurs, la médaille militaire dont il était décoré lui firent offrir le commandement du 87e bataillon fédéré. Le bataillon resta auprès des canons ; son chef improvisé, prévenu de ce qui se passait rue des Rosiers, XVIIIe arr., y accourut, « par humanité », dit-il, et essaya de temporiser en suggérant à la foule la création d’une Cour martiale qui jugerait les généraux. On accusa Herpin-Lacroix devant le 6e conseil de guerre d’avoir donné à Lagrange l’ordre de fournir un peloton d’exécution, mais Lagrange ne reconnut pas Herpin-Lacroix et celui-ci objecta à ses juges : « Vous avez décimé la population de Montmartre ; dans la rue des Rosiers vous avez fusillé 42 hommes, trois femmes et quatre enfants [...] il fallait les réserver pour l’audience [...] et vous sauriez la vérité aujourd’hui ».
Herpin-Lacroix semble avoir été un personnage populaire sous la Commune ; il était surnommé « Corpo di Baccho » et on le prenait quelquefois pour Menotti Garibaldi ; il est photographié en uniforme avec la médaille militaire et le grand cordon de franc-maçon. Il était en effet M... de l’O... de Bordeaux de la Loge « Les Chevaliers de la Fraternité » depuis une dizaine d’années — Voir Eugène Thirifocq. À Paris, il reçut le diplôme de M... le 6 décembre 1870.
Non sectaire, il défendit trois religieux, Frères des écoles chrétiennes, qui l’avaient soigné en facilitant leur départ de Paris. Il écrivit au commissaire du quartier de Ménilmontant :
« Mon cher ami,
« L’affection que vous m’avez témoignée jusqu’ici me donne l’occasion de venir vous réclamer un service.
« Vous connaissez le décret qui met les Frères des Écoles chrétiennes à la porte des ambulances et des écoles ; s’il ne m’est pas permis de le discuter, il me semble que je suis dans le droit de réclamer. La plupart des Frères que l’on chasse aujourd’hui sont sans ressources et ne peuvent, par conséquent, vivre dans la capitale. Je vous prie donc, au nom de l’amitié que vous m’avez toujours montrée, de faire sortir sans encombre les citoyens Paul Anselme, Barthélemy Urbain et Gustave Gay. Vous vous acquitterez, pour moi et pour tous les malheureux blessés, d’une dette de reconnaissance que nous avons contractée envers eux.
« Dans l’espoir que je serai exaucé dans ma demande, je me dis toujours votre sincère ami.
« ... Herpin-Lacroix. »
« J’oubliais de vous dire que ces trois jeunes citoyens se sont distingués en tout et partout par leur dévouement. »
Cette lettre produisit son effet. Le commissaire délivra les laissez-passer nécessaires pour quitter Paris. Il força même un des Frères, qui portait l’habit civil quand il fit cette démarche, à déjeuner avec lui. Les trois protégés reconnaissant sortirent sans accident de la ville.
Il comparut devant le 6e conseil de guerre qui le condamna à la peine de mort le 18 novembre 1871. Détenu à Versailles, il écrivit, le 7 décembre, en même temps que Simon Mayer, au Grand Orient de France pour demander qu’on veuille bien organiser une souscription en leur faveur. Il ajoutait : « Nous rendrons à Dieu une âme pure ; car, nous pouvons le dire, nous n’avons pas trempé dans le crime odieux dont on nous demande aujourd’hui un compte si sévère. »
Herpin-Lacroix fut exécuté avec Lagrange et Verdaguer le 22 février 1872. Ce jour-là, à 3 heures 1/2 du matin, il écrivait au Grand Orient :
« Dans deux heures au plus j’aurai vécu. Je meurs innocent du crime qui m’est imputé. Je n’ai jamais dérogé aux devoirs qui m’étaient imposés par nos statuts, c’est vous dire que j’ai vécu et que je meurs en honnête homme.
« Salut fraternel,
« A. Herpin La Croix [en deux mots].
« Au moyen d’une souscription, faites-moi élever une tombe. »
Par Pierre-Henri Zaidman
SOURCES : Arch. Nat., BB 24/731 n° 5228. — Arch. Min. Guerre, 6e conseil. — Arch. Dép. 41 4 R 80. — Archives du Grand Orient (Bibl. Nat.), cote 1632, vol. III, Suppliques au G... O..., 1870-1872. — Gazette des Tribunaux, 8 novembre 1871. — Da Costa, La Commune vécue, op. cit., (t. I). — Vérecque, Dictionnaire du Socialisme, Paris, 1911. — État civil de Brest.