JUNKER Charles

Né à Colmar (Haut-Rhin) le 28 décembre 1834, mort en Suisse, à Goldiwil près de Thun, le 29 août 1908. Charles Junker s’installa à Roubaix (Nord) en décembre 1865.

En 1869, il présida la commission pour la défense du travail national (contre le libre échange) créée à la suite de meetings réunissant ouvriers et patrons.
Cette même année il organisa la Société d’enseignement mutuel des travailleurs, qui se donnait pour objet « de réunir fraternellement les travailleurs, de les instruire, en leur fournissant les éléments nécessaires à cette instruction par l’achat de livres et l’abonnement aux ouvrages spéciaux à leur profession, de les aider à comprendre les bienfaits de l’instruction, de l’économie, de la mutualité, de la coopération par des lectures et des conférences ». Lui-même précisa ses intentions dans une lettre au maire de Roubaix, en décembre 1869 : « Le besoin se fait franchement sentir à Roubaix d’instruire, de moraliser la classe ouvrière. Si nous ne voulons pas revoir les grèves et les tristes perturbations qu’elles entraînent [allusion aux émeutes de mars 1867] il faut que nous entrions, résolument, dans une voie nouvelle ».
« Répandre l’instruction, la lumière, arracher l’ouvrier roubaisien à l’ignorance crasse, à l’immoralité dans lesquelles la plupart, hélas ! grouillent ; lui apprendre à lire, l’habituer à lire de bons livres, le moraliser par ses lectures, voilà notre but ».
Chargé d’importantes responsabilités dans une usine, il n’oubliait pas les intérêts de l’industrie : « En perfectionnant, en compliquant les machines, l’industrie a besoin, pour les conduire, d’hommes plus intelligents, plus aptes à comprendre la machine et la manière de la traiter, de l’entretenir, d’en tirer la quintescence... »
L’association reçut, à sa création, 250 inscriptions. Elle compta jusqu’à 900 membres, et les réunions hebdomadaires groupèrent une quarantaine d’auditeurs. Après la Commune, certains confondirent, volontairement ou non, cette association avec la section roubaisienne de l’Internationale fondée en 1867 — Voir Desaine, Lécluse, Philippe — qu’ils gratifièrent de 800 membres, alors qu’elle avait végété, et ils firent de Junker un adhérent de l’AIT (cf. notamment Testut, L’Internationale et Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars 1871). La confusion peut s’expliquer, dans une certaine mesure, par le fait que les deux associations eurent Philippe pour secrétaire. Mais, en définitive, la Société d’enseignement mutuel créée par Junker, organisme de culture ouvrière, fut, avant tout, une association destinée à maintenir la paix sociale. On le vit bien lorsque, le 17 avril 1871, après les grèves de mars, le ministre de l’Agriculture et du Commerce lui adressa « les éloges qu’elle méritait » étant donné « ses efforts pour le rétablissement de l’ordre » (Arch. Mun. Roubaix).
Membre de la Commission spéciale chargée d’administrer la ville de Roubaix après le 4 septembre 1870 (décret du 29 sept.), Junker fut élu conseiller municipal le 30 avril 1871. Il se prononça dans l’assemblée communale pour un meilleur fonctionnement des prud’hommes, pour l’instruction laïque, gratuite et obligatoire, pour l’organisation de cours du soir, pour la formation professionnelle des jeunes, pour la création de crèches, pour la séparation de l’Église et de l’État.

Par la suite, Ch. Junker devint directeur de la filature Cavrois-Mahieu. Il fut président fondateur de la Fédération des Amicales laïques de Roubaix, du 27 mars 1898 au 8 avril 1903 (il démissionna pour raisons de santé) et, en 1900, président de la délégation cantonale de Roubaix. Il exerça également les fonctions de juge au Tribunal de commerce.
Ch. Junker fut enterré au temple de Roubaix, et un des patrons roubaisiens, Eugène Motte, célébra son esprit créateur dans le domaine industriel. Il dit aussi : « Il fut de ceux qui préparèrent la République et surent la faire aimer. » Patron social, Ch. Junker ne fut jamais socialiste comme on eut tort de l’affirmer au lendemain de la Commune.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article62593, notice JUNKER Charles, version mise en ligne le 26 juillet 2009, dernière modification le 21 octobre 2019.

SOURCES : Arch. Dép. Nord, 222 M 1977 à 1980. — Arch. Mun. Roubaix BA 9270 et R IV C n° 1. — Journal de Roubaix, 6 octobre 1871. — Le Progrès du Nord, 16 mars 1872. — L’Écho du Nord, 17 mars 1872. — Testut, L’Internationale, p. 181.

ICONOGRAPHIE : Deux photographies retrouvées par M. Jean Piat qui a recueilli l’essentiel de la documentation utilisée pour la rédaction de cette biographie.

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