Par Jean Maitron
Né le 13 septembre 1835 à Tours (Indre-et-Loire) ; mort le 25 novembre 1878 à Ramleh près d’Alexandrie ; professeur, linguiste ; général de la Commune de Paris.
Le père de La Cécilia, prénommé Giovanni, était d’origine napolitaine. Sa mère était corse. Napoléon, de nationalité française, aurait eu pour parrain le chansonnier Béranger (Les droits de l’Homme, 4 juillet 1876).
Napoléon commença ses études au collège d’Ajaccio, puis, bachelier à dix-sept ans, il les poursuivit à Paris. En 1856, il eut la chance de tirer un bon numéro. Professeur libre de mathématiques, il aurait été renvoyé de deux institutions en raison de son caractère indiscipliné. Il se trouvait, en 1858, à Leipzig où il étudiait la philosophie. Il était un disciple de Charles Renouvier (1818-1903), néo-kantien.
En 1860, il rejoignit Garibaldi et participa à l’expédition des Mille. Nommé colonel du génie à Marsala, il contribua à la prise de Palerme. Mais il refusa l’offre de Victor-Emmanuel Ier, d’entrer dans l’armée italienne en conservant son grade. Il enseigna alors le sanscrit durant plusieurs années à Naples — il était, paraît-il, philologue remarquable — et se serait offert, en 1863, pour traduire en italien La Vie de Jésus de Renan. Puis il se rendit en Allemagne et fut professeur de mathématiques à Ulm. Il revint en France peu avant la guerre de 1870.
À Paris, La Cécilia habitait, 4, rue d’Amsterdam, IXe arr. Il se maria en septembre 1870 avec Marie David, le couple eut un enfant (né le 7 juillet 1872 à Londres). Il ne tarda pas à s’engager dans le 1er bataillon des Francs-Tireurs de Paris où il eut le grade de sous-lieutenant, puis de lieutenant. Après le combat héroïque de Milly-sur-Oise (Milly-sur-Thérain, Oise ?), il passa capitaine. Il devint colonel après la bataille de Coulmiers (Loiret).
De retour à Paris, vers le 12 ou 15 mars 1871, adhérant de l’AIT, il participa sans tarder à la Commune et, au début d’avril, était chef-d’état-major du général Eudes. Vers le 20 avril, il rencontra à Saint-Denis le général allemand de Médem. Le 24 avril, il fut nommé général.
Placé entre Dombrowski et Wroblewski à la tête de l’armée de la Commune dite armée du Centre, qui opérait entre la Seine et la rive gauche de la Bièvre, il prit ses quartiers à l’École militaire (VIIe arr.), alors sous le commandement d’Eugène Razoua. Leur cohabitation créa d’ailleurs quelques frictions.
La Cécilia lutta, dit un rapport de police (Arch. Nat.) « jusqu’à la dernière heure avec une énergie sans égale ». Et, « lorsque les dernières barricades furent tombées [...], il courut s’enfermer, avec quelques autres officiers, dans le fort de Vincennes. Il voulut faire sauter le fort, mais ses compagnons s’y opposèrent » (selon la notice contumax du 9 avril 1879, Arch. Nat.) Le fort de Vincennes, commandé par Faltot, capitula le 29 mai. Faltot et huit de ses officiers furent fusillés ce même jour dans les fossés du fort (Faltot semble plutôt avoir été déporté en Nouvelle-Calédonie). L’histoire de cette reddition reste à écrire.
La Cécilia réussit à fuir avec sa femme et à gagner l’Angleterre. Le 23 octobre 1872, le 17e conseil de guerre le condamnait par contumace à la déportation dans une enceinte fortifiée.
Delion, connu pour son hostilité aux Communards, a laissé dans son ouvrage Les Membres de la Commune et du Comité central un portrait de La Cécilia qui est en somme flatteur :
« Il était laid et maigre, portait des cheveux ras, avait le front presque totalement dégarni, les joues creuses, le nez recourbé et narquoisement pincé aux ailes, une moustache noire et dure sur une lèvre moqueuse. Il était affreusement grêlé de la petite vérole, était d’une nature chétive et ne se soutenait que par une sorte d’excitation nerveuse. Ses yeux, même derrière le lorgnon qui ne les quittait presque jamais, avaient un air d’indomptable énergie qui fascinait à force de volonté. »
Après s’être rendu en Angleterre en passant par la Belgique, peut-être La Cécilia fit-il, en 1872, un court séjour à New-York. Mais il est certain que, de 1871 à 1877, il séjourna le plus souvent à Londres. Il figura au nombre des collaborateurs de l’éphémère Qui Vive ! 3 octobre-10-11 décembre 1871, journal de Vermersch, publié par un groupe de réfugiés de la Commune, membres de la section française de l’Internationale à Londres qui ne fut jamais reconnue par le Conseil général. Le Qui Vive ! fut continué par le Vermersch Journal, mais La Cécilia n’en fut pas collaborateur. Cet épisode de la vie de La Cécilia est le seul qui puisse faire penser à des rapports avec l’Internationale, et nous ne savons sur quoi se fonde E. Lepelletier (cf. Histoire de la Commune de 1871, t. III, p. 395) pour affirmer que La Cécilia est « entré, à la fin de l’Empire, dans l’Internationale ». Par contre, il appartenait à la franc-maçonnerie dès 1865 ; il tenta même une unification des loges italiennes. Voir E. Thirifocq.
La Cécilia, qui se faisait, à Londres, appeler Paul Lacombe, enseigna les langues asiatiques et fit partie de la Philological Society of England. Il fut au nombre des fondateurs de l’école française destinée aux enfants des proscrits et appartint au conseil d’administration de l’école — Voir Huguenot. Il demeura à Londres jusqu’au début de 1877, puis gagna l’Égypte.
Il mourut le 25 novembre 1878 de phtisie pulmonaire. Son père, qui lui survécut un peu plus d’une année, s’éteignit à Naples, en janvier 1880, à l’âge de 79 ans.
Par Jean Maitron
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE : Arch. Nat., BB 24/865, n° 6980 — Arch. Min. Guerre, 17e conseil — Arch. PPo B a/434 (rapport du 25 juillet 1875) et B a/1005 — Edgar Monteil, Souvenirs de la Commune 1871, Paris, Charavay frères, 1883, p. 63-67, 71-72, 94 — Procès-Verbaux de la Commune de 1871, op. cit. — Bruhat, Dautry, Tersen, La Commune de 1871, op. cit. — Notes de Louis Bretonnière. — Patrice Vermeren, Le Philosphe communeux, Napoléon La Cécilia, néo-kantien, philologue et gébéral de la Commune de Paris, L’Harmattan, 2021.