LE MOUSSU Benjamin, Constant

Né à Séné (Morbihan) le 14 juin 1846 ; mort le 25 mai 1907 à Paris (XIVe) ; dessinateur ; membre de l’Internationale ; communard.

Le Moussu (parfois orthographié par erreur Lemoussu) était petit-fils d’un retraité des douanes qui aurait été soldat volontaire de la Première République, et fils d’un capitaine des douanes. Il vint travailler à Paris et habita, 80, rue de Clignancourt, XVIIIe arr. Il était célibataire.

Avant le 18 mars 1871, il appartenait, avec Th. Ferré, L. Michel et autres, au Comité de vigilance du XVIIIe arr. Il servit la Commune de Paris en qualité de commissaire de police du quartier des Grandes-Carrières (XVIIIe arr.), puis, avec des pouvoirs élargis, de commissaire aux délégations judiciaires.

Après la défaite, il réussit à fuir et gagna Londres. Par contumace, le 13e conseil de guerre le condamna à la peine de mort le 9 février 1872.
Dès son arrivée dans la capitale anglaise, Le Moussu entra au conseil général de l’Internationale et participa à la conférence de Londres, 17-23 septembre 1871, comme secrétaire-correspondant du Conseil pour les branches françaises des États-Unis. Marx a ainsi précisé ses fonctions dans une lettre à Bolte du 23 novembre 1871 :
« Eccarius a été, sur ma demande, nommé secrétaire pour toutes les sections des États-Unis (excepté les sections françaises, pour lesquelles Le Moussu est secrétaire) ».
Un an plus tard — 27 mai 1872 — Marx, qui a rompu avec Eccarius, écrit à Sorge : « Provisoirement, Le Moussu [est secrétaire] pour toute l’Amérique. »

Benjamin Le Moussu fut membre de la section de langue française de l’AIT à Londres, dont le secrétaire était Bourdeille.
Au 5e congrès de l’Internationale tenu à la Haye en septembre 1872, Le Moussu représenta « une section française à Londres » — Voir Serraillier. Il fut un des quatre secrétaires du congrès et, par la suite, un des membres de la commission chargée de la rédaction des procès-verbaux. Au titre de secrétaire-correspondant, il fut un des signataires des brochures Les Prétendues scissions de l’Internationale, Genève, 1872, et l’Alliance de la démocratie socialiste et l’AIT, rapports et documents publiés par ordre du congrès de La Haye, Londres, 1873. Au congrès, il vota pour l’expulsion de Bakounine, de James Guillaume et de Schwitzguébel, pour que les pleins pouvoirs soient accordés au conseil général et que celui-ci soit transféré à New-York.
Selon un rapport sans date et sans signature (Arch. PPo., B a/429), une section française d’une trentaine de membres se constitua à Londres après le congrès de La Haye, section qui comprenait entre autres les blanquistes Martin Constant et Vaillant. Étant donné ce que nous savons de l’histoire de l’Internationale et du conflit surgi entre les blanquistes et Marx vers la fin du congrès de La Haye à propos du transfert à New York du siège du Conseil général, il ne peut s’agir là que d’une section dissidente et qui ne dut pas avoir longue vie.
De toute façon, Le Moussu allait bientôt rompre avec Marx. Ce dernier écrivait en effet à Sorge le 4 avril 1874 :
« Les quelques Français (j’entends de ceux qui tenaient encore avec nous à La Haye) se sont pour la plupart révélés ensuite fripouilles, notamment M. Le Moussu, qui m’a filouté, ainsi que d’autres, pas mal d’argent et a ensuite cherché par d’infâmes calomnies à se blanchir en belle âme méconnue. »
Engels écrivait au même correspondant les 12 et 17 septembre 1874 :
« Celui qui s’est comporté le moins proprement est Le Moussu, qui s’est révélé escroc. »
Il convient, en cette circonstance, de faire la part des conflits habituels entre exilés, conflits avivés par les scissions et, sur le plan personnel, par la pauvreté, voire la misère. Engels nous apprend dans cette même lettre que de nombreux Français avaient fait — ou croyaient avoir fait — des inventions qu’ils cherchaient, pour vivre, à exploiter. D’où ces demandes d’argent... à fonds perdus. Ainsi s’expliquent, sans se justifier, les accusations d’escroquerie.
Deux années plus tard, Mme Marx, écrivant à Sorge, confirme (21 janvier 1877) :
« Des autres connaissances, je ne saurais vous dire que peu de chose, parce qu’il y en a quelques-uns que nous ne voyons plus, notamment plus de Français : pas de Le Moussu, pas de Serraillier, surtout pas de blanquistes. We had enough of them [Nous en avons eu assez d’eux]. »

D’après Paul Martinez, Le Moussu se maria en exil (Paris Communard refugees in Britain, 1871-1880, thèse, University of Sussex, 1981, p. 538).
Nous manquons d’informations sur la fin du séjour de Le Moussu en Angleterre, comme d’ailleurs sur la fin de sa vie. Aussi retiendrons-nous les quelques lignes d’un rapport de police sans date (Arch. PPo., B a/429) qui concerne le séjour en Angleterre :
« A travaillé dans des revues d’agriculture, etc., bon ouvrier demandant l’égalité des salaires, tant que la mesure n’est pas mise en pratique. Doctrines ultra-révolutionnaires ; dans l’intimité, très doux. »
Les parents de Le Moussu firent de nombreuses démarches pour le faire amnistier, mais comme pour les autres condamnés, surtout contumaces, ce fut en vain. Sa mère et son père moururent. Une de ses sœurs mourut aussi « qui avait puisé le germe de sa mort en allant le soigner dans une maladie grave sur la terre d’exil ». Deux sœurs demeuraient, l’une institutrice libre à Auray (Morbihan), l’autre épouse d’un professeur au lycée de Pontivy. Elles poursuivirent les démarches et, le 14 février 1880, le docteur Le Maguet, député du Morbihan, plaidait à son tour pour Le Moussu. J’ai eu en main, écrivait-il, « une lettre intime du fils au père datée d’avril 1879 [le père mourut le 9 avril], admirable de patriotisme et de sentiment filial » et je considère qu’en 1871, Le Moussu fut « un républicain de 23 ans égaré par son patriotisme ». Témoignage intéressé certes, mais qu’il convenait néanmoins de relever, compte tenu de ce que l’on sait par ailleurs des sentiments qui animèrent souvent les Communards.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article64202, notice LE MOUSSU Benjamin, Constant, version mise en ligne le 26 juillet 2009, dernière modification le 30 juin 2020.

ŒUVRES : Le dossier des Arch. Nat. renferme une notice de deux pages sur les travaux et découvertes diverses de Le Moussu, « dessinateur-graveur pour les sciences, l’industrie et les arts mécaniques ».

SOURCES : Arch. Nat. BB 24/863, n° 6268. — L. Michel, La Commune, Paris, 1898, p. 140. — La Première Internationale (J. Freymond), op. cit. — M. Molnar, Le Déclin de la Première Internationale. La Conférence de Londres de 1871, op. cit. — Correspondance F. Engels — K. Marx et divers publiée par F. A. Sorge, dans Œuvres complètes de F. Engels, Costes, Paris, t. I, 1950. — Notes de Julien Chuzeville. — Une lettre de B. Le Moussu à Jenny Marx du 31 décembre 1871 est publiée en traduction allemande dans Jenny Marx, die Briefe, Dietz Verlag, 2014, p. 458 (l’original se trouve au RGASPI, Moscou, cote 6/1/155). — Michel Cordillot (coord.), La Commune de Paris 1871. L’événement, les acteurs, les lieux, Ivry-sur-Seine, Les Éditions de l’Atelier, janvier 2021.

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