MARTINIAUX Joseph

Par Jacques Omnès

Né le 8 juin 1875 à Chalons-du-Maine (Mayenne), mort le 9 octobre 1960 à Laval (Mayenne) ; cheminot ; syndicaliste et socialiste.

Fils d’un « garçon maréchal » et d’une ouvrière, Joseph Martiniaux fut élu en 1910, secrétaire de la section de Laval de la Fédération des mécaniciens, chauffeurs et conducteurs électriciens des chemins de fer de l’État dont le siège se situait à Paris (XVIIe arr.). Fondée le 1er janvier 1906, cette organisation s’intitulait à l’origine Fédération des mécaniciens et chauffeurs des chemins de fer de l’Ouest. La section de Laval avait été créée dans le courant du premier trimestre de 1907.
À la suite de la grève des cheminots d’octobre 1910, Joseph Martiniaux et Hogrel, secrétaire adjoint de la section syndicale, furent révoqués. Martiniaux fut choisi comme secrétaire général de la fédération par le congrès de Thouars (24-26 avril 1913) qui fit transférer le siège fédéral de l’organisation à Laval.
En avril 1918, Joseph Martiniaux signa un appel du syndicat des cheminots de Laval déclaré depuis le 10 juin 1917 et affilié désormais à la Fédération nationale des travailleurs des chemins de fer de France, des colonies et pays de protectorat (CGT), avec laquelle avait fusionné la Fédération des mécaniciens. Tiré à mille exemplaires, partiellement censuré, ce texte invitait les cheminots lavallois à rejoindre massivement le syndicat, qui compta rapidement plus de sept cents membres.
Durant quelques semaines, début de 1920, Martiniaux fut secrétaire du syndicat. C’est alors qu’éclata la grève du 1er mars, consécutive à la mise à pied d’un militant syndical de la compagnie PLM. Elle fut ultra-minoritaire à Laval (une trentaine de grévistes sur un effectif total de 850). Le comité directeur du syndicat, dirigé par Martiniaux, se réunit le 5 mars et fit placarder sur les murs de la ville une affiche qui annonçait un contrôle draconien de l’attitude de chaque syndiqué et des mesures de rétorsion (exclusion du syndicat et de l’orphelinat national).
Quelques jours plus tard, le 11 mars 1920, Martiniaux prit la parole au cours d’une réunion publique pour soutenir l’utilité de la nationalisation des chemins de fer. Devant un auditoire de quatre cents personnes Martiniaux fit l’historique des chemins de fer et dénonça les bénéfices empochés par les actionnaires. Il opposa deux remèdes à apporter à la situation : l’un, préconisé par la CGT : la nationalisation des chemins de fer et « l’administration des transports », qui constituent en outre un moyen de lutte contre la vie chère ; l’autre qu’il qualifia d’« extrémiste » : la révolution. La nationalisation des chemins de fer fut précisément l’une des revendications essentielles de la CGT au cours de la grande grève des cheminots de mai 1920. Martiniaux, qui avait été remplacé au secrétariat du syndicat par André Leneutre en avril, y joua un rôle essentiel.
Le 29 avril au soir, au cours d’une réunion à la Bourse du Travail qui rassembla une centaine de personnes — dont une trentaine de postiers — il reprocha aux cheminots leur manque de combativité et les exhorta à suivre l’exemple des mineurs et des inscrits maritimes. Mais, sur cinquante votants, vingt-six seulement se prononcèrent pour la grève le 1er Mai (quatorze contre, dix bulletins blancs ou nuls).
Le vendredi 30 avril, Martiniaux donna connaissance aux cheminots du télégramme de la Fédération appelant à la grève à partir de minuit. La participation très restreinte à cette réunion — trente et un présents — laissait présager un échec du mouvement à Laval, approuvé seulement par dix-huit votes. La déception de Martiniaux fut encore plus grande le lendemain matin, lorsque seulement quinze cheminots se présentèrent comme prévu à la Bourse du Travail. Les quelques grévistes n’eurent plus qu’à se faire porter présents au service et à attendre les événements.
Le 3 mai, au cours d’une réunion à laquelle participaient une centaine de cheminots, Martiniaux essaya avec d’autres camarades, dont un délégué de la CGT venu de Paris, de redresser la situation. Il tenta de stimuler la combativité de ses camarades sans grand succès : le lendemain matin, 4 mai, on comptait vingt-deux grévistes. Le 5 mai, en fin de matinée, la majorité des grévistes (cinquante-quatre) assista à une nouvelle réunion, en présence de deux délégués venus de Paris. Martiniaux tenta de remonter le moral de ses camarades en vue de ce baroud d’honneur en gonflant un peu les chiffres de grévistes.
Le 6 mai on comptait cinquante-neuf grévistes. La troupe réquisitionnée depuis la veille, surveillait les gares de Laval et de la Chapelle-Anthenaise ainsi que les voies. Le 10 mai le mouvement commença à refluer : cinquante-six grévistes. C’est le moment que choisit la direction pour frapper. Martiniaux fut révoqué le premier. La grève prit fin le 25 mai. Les conséquences en furent catastrophiques : les effectifs chutèrent de six à sept cents environ (au début de 1920) à une soixantaine, tandis que le syndicat corporatif né au lendemain de la grève de mars pour faire pièces à la CGT voyait ses effectifs croître.
Profondément affecté par l’échec de la grève, Martiniaux laissa libre cours à sa rancœur et à son amertume. Le 2 juin 1920 au cours d’une réunion, il mit en cause le manque de courage des cheminots.
Joseph Martiniaux était également membre du Parti socialiste SFIO. Dans son intervention, le 1er mai 1919, devant quatre cent cinquante personnes réunies à la Bourse du Travail, il avait protesté contre l’envoi de soldats français en Russie. En novembre 1919 il avait pris une part active à la campagne électorale de la liste socialiste pour les législatives. Son intense activité syndicale et politique le recommandait tout particulièrement à l’attention du commissaire de police de Laval qui le soupçonnait de vouloir « se rendre incessamment à Paris pour s’y rencontrer, paraît-il, avec M. Marcel Cachin* et Vaillant-Couturier*, députés communistes, et aussi Marcel Bidegaray... ».
En réalité, depuis sa révocation Joseph Martiniaux travaillait dans les assurances, ce qui suffit à expliquer ses déplacements, et il semble qu’il n’ait plus eu d’activités militantes.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article6434, notice MARTINIAUX Joseph par Jacques Omnès, version mise en ligne le 30 juin 2008, dernière modification le 13 décembre 2011.

Par Jacques Omnès

SOURCES : Arch. Dép. Mayenne, 1 W 2879, 2893 ; M 3054, 3055 ; 10 M 3059. — Témoignage de Madame Grandière.

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