LEVRAUD Edmond [LEVRAUD Louis, Edmond, dit Le Grand Bison]

Par Notice revue et complétée par Michel Cordillot

Né à Paris le 16 ou 17 janvier 1837, mort le 15 août 1881 à Antibes (Alpes-maritimes) ; frère de Léonce Levraud ; représentant de commerce en vins ; marié ; commandant de bataillon et chef de service à la préfecture de police, sous la Commune de Paris.

Militant blanquiste dès 1864, Edmond Levraud appartint au noyau « embryon du Parti ». Voir Casse.

Il fut condamné à deux reprises, avant la Commune, pour son activité militante : le 16 février 1866, à Paris, trois mois de prison pour cris séditieux ; quinze mois de prison, le 14 mars 1867, toujours à Paris, pour participation à une société secrète : il avait tout simplement assisté à la réunion qui se tint, le 7 novembre 1866, au Café de la Renaissance, 1, boulevard Saint-Michel, réunion qui avait pour but de trancher l’affaire Protot, blanquiste qui était intervenu au congrès de Genève de l’Internationale, en septembre 1866, malgré la défense de Blanqui. La police, prévenue, arrêta 41 personnes au Café de la Renaissance. Dix-huit condamnations furent prononcées : Ed. Levraud, Protot et Tridon, quinze mois de prison, 100 F d’amende ; C. Bazin, Calavaz, Largillière, Meunier, Vaissier (et non Vayssier), H. Villeneuve, six mois de prison, 100 F d’amende ; Jeunesse, trois mois de prison, 500 F d’amende ; P. Dubois, A. Humbert, Jeannon, Landowski, Richet, Sornet, Stévenin, Subit, trois mois de prison (cf. Maurice Dommanget, op. cit.).

Le 4 septembre 1870, Ed. Levraud joua un rôle très actif avec Granger et Balsenq, et tous les trois furent parmi les premiers à entrer au Corps législatif. Après la proclamation de la République, Ed. Levraud fut rédacteur à La Patrie en Danger (cf. La Commune di Parigi, op. cit.). Il habitait alors, 12, rue Gît-le-Coeur, dans le VIe arr. (vers la fin de l’Empire, il avait habité 1, place Voltaire, XIe arr.)

Chef du 204e bataillon de la Garde nationale, il le demeura jusqu’au lendemain du 31 octobre 1870. Il fut alors destitué, puis condamné par contumace, le 11 mars 1871, à la peine de mort.

Sous la Commune de Paris, il fut chef de la 1re division à la préfecture de police. Par arrêté de Cournet en date du 9 mai, il fut désigné comme membre de la commission « instituée pour veiller aux intérêts de l’art musical et des artistes » — Voir E. Garnier. Quelques jours plus tard, par arrêté du Comité de salut public en date du 12, il était nommé juge titulaire à la cour martiale — Voir E. Gois.

Le 4e conseil de guerre le condamna par contumace, le 6 septembre 1873, aux travaux forcés à perpétuité (le 9 août 1872, la cour d’assises de la Seine l’avait déjà condamné à la même peine).

Après la Commune, Edmond Levraud parvint à s’enfuir et il se rendit à New York en passant par Liverpool. Arrivé le 22 août 1871 — un des tout premiers réfugiés à débarquer outre-Atlantique — il y fit très vite la connaissance de Constant Christenert (dont Benjamin Flotte lui avait apparemment donné les coordonnées) et de Claude Pelletier (Lettre à Eudes, 24 août 1871). Il tenta dans un premier temps de s’associer avec les frères May pour se lancer dans le commerce de l’article de Paris et de la bijouterie de pacotille. Mais cette expérience fut sans lendemain (non sans avoir toutefois donné à Levraud l’occasion de laisser libre cours à son antisémitisme virulent et de procéder à quelques règlements de compte politiques). Sans emploi, il dut vivre chichement de quelques rares leçons de violons (il n’avait en tout et pour tout que trois élèves en février 1872). Déçu et amer, Levraud critiqua implacablement la société qu’il découvrit en Amérique (« C’est un pays insensé, qui est gouverné par le prêtre et la femme. Je n’ai jamais de ma vie vu autant d’églises qu’à New York. Tout est mensonge et hypocrisie dans ce pays et les habitants n’ont qu’une pensée, le dollard (sic). Les libertés américaines !!! Quelle bonne blague !!! Il y a plus d’aristocratie ici qu’en Angleterre. » (Lettre à Eudes, 26 septembre 1871).

Il s’efforça pourtant de constituer un premier noyau de militants blanquistes avec E. Mégy, S. Dereure, J. Bergeret, Galtier, Lorin, les frères May, mais le petit groupe fut bien vite la proie de dissensions internes ; et ses offres de collaboration militante à Eudes, qui était le véritable chef du « parti », furent reçues avec froideur, si bien que l’on en resta là. En revanche il fit montre de beaucoup de mépris pour les Internationaux franco-américains (à l’exception de Flotte), tournant même en dérision leur décision de retarder d’une semaine la grande manifestation organisée en décembre 1871 à la mémoire de Ferré, Bourgeois et Rossel.

C’est donc sans regret qu’il quitta définitivement New York pour se rendre à Bruxelles où il arriva autour du 10 août 1872. Il en fut expulsé en 1876 ; il se trouvait à Genève dans les premiers mois de 1878, puis il revint à Londres où il était en septembre-octobre 1878 (cf. M. Vuillaume, Mes Cahiers rouges, op. cit., pp. 440-441). Il y aurait fréquenté « assidûment » les réunions de réfugiés et se serait livré « à une active propagande en faveur des doctrines socialistes ».

Il fut gracié le 29 mai 1879 et mourut peu après l’amnistie.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article64536, notice LEVRAUD Edmond [LEVRAUD Louis, Edmond, dit Le Grand Bison] par Notice revue et complétée par Michel Cordillot, version mise en ligne le 26 juillet 2009, dernière modification le 16 octobre 2020.

Par Notice revue et complétée par Michel Cordillot

SOURCES : Arch. Nat., BB 24/858, n° 3010. — Arch. Min. Guerre, 4e conseil. — Gazette des Tribunaux, 10 mars 1871. — Correspondance E. Levraud / Eudes, IFHS, 14 AS 99 bis. — P.V. Commune, op. cit., t. II, p. 320, n. 1, et pp. 413-414, n. 3. — J.O. Commune, op. cit., 8 avril, 10 et 13 mai. — L. Descaves, Philémon..., op. cit., p. 191. — M. Dommanget, Blanqui et l’opposition révolutionnaire..., op. cit., Blanqui... et la Commune, op. cit. — Jean Maitron, « En dépouillant les archives du général Eudes », L’Actualité de l’Histoire, n° 6, janvier 1954. — A. Zévaès, Histoire des Partis socialistes en France, t. VI, Les Blanquistes par Ch. Da Costa, Paris, 1912, p. 42. — Lissagaray, Histoire de la Commune, op. cit. — Arch. Gén. Roy. Belgique, dossier de Sûreté n° 145 339 (en 1880) : selon les données de ce dossier, Levraud serait arrivé en Belgique le 11 décembre 1872 et en aurait été expulsé le 5 juillet 1873. — Blanqui et les blanquistes, SEDES, Paris, 1986, p. 148-167, 240-250. — M. Cordillot, « Les Blanquistes à New York », art. cit. — Michel Cordillot (coord.), La Commune de Paris 1871. L’événement, les acteurs, les lieux, Ivry-sur-Seine, Les Éditions de l’Atelier, janvier 2021.

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