MAST Pierre, Robert, René

Par Jean-Pierre Besse, Julien Cahon

Né le 8 octobre 1922 à Amiens (Somme), mort le 4 mai 2020, à Poitiers (Vienne) ; cheminot ouvrier professionnel (ajusteur) ; syndicaliste CGT et communiste de la Somme ; résistant ; membre du comité fédéral communiste (1948-1964 et 1971-1987), membre du bureau fédéral (1964-1966), secrétaire fédéral à l’organisation (1966-1971), trésorier fédéral (1971-1981) ; responsable syndical à l’UD-CGT et à la fédération CGT cheminots ; conseiller municipal de Longueau (1953-1971 au moins).

Le père de Pierre Mast, René Mast (né le 13 mai 1889 à Amiens), exerçait la profession de mécanicien auto : chauffeur chez monsieur et madame Maeght, joaillers à Amiens, René Mast ouvrit, en 1934, un garage en association au 180 rue Saint-Fuscien : « Mast et Gorenflos ». René Mast, mobilisé lors de la Première Guerre mondiale dans un régiment d’aérostiers, participa à la bataille de la Marne et aux convois de Verdun (il avait été reversé dans les transports-auto). Militant du Parti communiste (membre de la cellule amiénoise Kerivel, quartier Henriville), il avait adhéré au parti et aux Amis de l’Union soviétique en 1934 ou 1935 selon Pierre Mast, tandis que Le travailleur de la Somme du 22 juin 1963, qui lui consacrait un article nécrologique, indiquait que René Mast fut « jeune militant du Parti socialiste unifié puis du PCF dès sa formation ». La mère de Pierre Mast, Marie Félicité Albertine Boulanger (née le 23 juin 1887 à Dargnies, épouse René Mast le 13 mars 1913 à Dargnies) était profondément pacifiste : avec son mari, elle participa, au début de l’année 1914, à une manifestation contre la guerre à Amiens, et entre 1914 et 1918, repliée à Dargnies, elle refusa toujours de travailler pour les usines du Vimeu qui produisaient pour la guerre. Elle adhéra au PCF dans la clandestinité en 1942, par l’intermédiaire de Madeleine Vincent.

L’enfance de Pierre Mast fut marquée par les récits de la Grande Guerre : avec un père ancien combattant, des oncles également mobilisés, dont un dans l’infanterie et envoyé à Salonique après une blessure à la jambe, et une grand-mère paternelle ayant vécu l’occupation d’Amiens durant la guerre de 1870-1871 (un soldat prussien logeait chez eux) puis le passage des troupes allemandes en août 1914, « les conversations dans les rencontres familiales débouchaient inévitablement sur la guerre de 1914-1918 » (lettre de Pierre Mast à Julien Cahon, 2 juin 2009).

Pierre Mast, domicilié au 231 avenue Foy à Amiens, fit toute sa scolarité à Amiens. Après l’école Châteaudun, de 1927 à 1934, et l’obtention de son certificat d’études avec mention bien en juin 1934, il entra au cours complémentaire à l’école Beauvais (1934-1935) puis à l’école des métiers de la société industrielle d’Amiens en octobre 1935, où son père avait été élève dans les années 1900. Entre 1934 et 1936, « [il] suivai[t] en curieux les manifestations populaires qui avaient lieu de la gare du nord à la Hotoie pour le 1er mai, pour l’Espagne républicaine, celles du Front Populaire, celles organisées par le PCF » (lettre de Pierre Mast à Julien Cahon, 2 juin 2009). Adolescent, « [il] lisai[t] quelquefois L’Avant-garde, journal de la Jeunesse communiste vendu à la criée le samedi route de Rouen [à Amiens] par des jeunes dont Maurice Lemaire fils, et aussi Russie d’aujourd’hui, magazine mensuel des Amis de l’Union soviétique ». Il consacra également sa jeunesse à la lecture romanesques française et russe : Travail d’Émile Zola « qui [l]’avait impressionné », Victor Marguerite, Guy de Maupassant, Jules Verne, Alphonse Daudet, Victor Hugo (notamment Napoléon le petit, L’homme qui rit, Les misérables et Le dernier jour d’un condamné), Gorki, La mère, Fiodor Dostoïevski, Crime et châtiments.... Il s’intéressa aussi à Voltaire (Le siècle de Louis XIV, Histoire de Charles XII, L’ingénu), ainsi qu’à la littérature marxiste (Manifeste du parti communiste, La guerre civile en France) et léniniste (Que faire ?, L’État et la révolution, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme). En 1938, il avait également lu le traité d’histoire du PC(b) de l’URSS (lettre de Pierre Mast à Julien Cahon, 2 juin 2009).

Après avoir suivi une formation d’ajusteur, il sortit de l’école des métiers en juin 1938 avec le certificat d’aptitude professionnel et le brevet de l’école, mention assez bien. En août 1938, Pierre Mast fut embauché aux ateliers Liné (machines outils) à Albert comme apprenti ajusteur. En octobre 1938, il demanda sa carte syndicale (syndicat des métaux d’Albert). En novembre 1938, à Amiens, il participa à sa première manifestation contre les décrets-lois Daladier-Raynaud, et assista au meeting communiste organisé au cirque municipal avec Jean Catelas et Gabriel Péri.

Domicilié à Amiens (Somme), Pierre Mast adhéra au Parti communiste en janvier 1939. Agé de seize ans, il était membre de la JC. Son habitation ayant été détruite dans le premier bombardement d’Amiens (18 mai 1940), il quitta la ville le lendemain, évacué à Roscoff (Bretagne). De retour à Amiens en août 1940, il retrouva ses camarades de la JC à la fin du mois : ils décidèrent de reconstituer un groupe de jeunes communistes. Pendant l’occupation, Pierre Mast suivit des cours de dessin industriel et obtint un CAP de dessinateur industriel-calqueur, puis se maria à Amiens. Il travailla à l’atelier Dollé en 1942, puis au garage Lephay (quartier du Petit-Saint-Jean) en 1943.

Membre des Jeunesses communistes clandestines, en liaison avec Charles Abbegg et Armand Duvivier du Parti communiste clandestin à Amiens, et en contact avec la JC parisienne via « Mariette » (Madeleine Vincent), il participa à des distributions de tracts à l’automne 1940, et fut à l’origine du premier acte de résistance anti-allemand dans la Somme, puisqu’il fut l’auteur, avec Charles Lemaire – qui constituait avec André Lalou et lui un « groupe de trois » – de l’attaque de la librairie allemande à Amiens rue de Noyon (un pavé jeté dans la vitrine). La JC avait organisé au niveau national une campagne de destruction des librairies allemandes dans les villes pour combattre la propagande nazie. Pierre Mast fut arrêté une première fois en mars 1942, sans conséquences. En janvier 1943, il fut arrêté et incarcéré plusieurs semaines à l’hôtel de ville d’Amiens (commissariat central) puis interné à la citadelle de Doullens (Somme) en février 1943. En avril 1943, il fut transféré à Pithiviers (Loiret). Appartenant à la classe 42, Pierre Mast fut envoyé en Allemagne, à Vietz (Brandebourg, Pologne actuelle) pour le STO. Il bénéficia d’une permission en novembre 1943, pour revenir se marier le 24 novembre, avec Josiane Marie Barré, à Amiens, où il resta ; le FN lui avait procuré des certificats médicaux pour l’exempter du STO.

Après la libération, Pierre Mast intégra la SNCF comme ajusteur. En 1944, il adhéra au syndicat CGT et à la JC, en reconstitution. Appartenant à la section d’Amiens (cellule du dépôt SNCF), il fut membre du comité départemental de l’UJRF formé en mars 1945 et présidé par Léon Dupontreué. En 1945, il suivit une école fédérale du PCF à Amiens. Repéré par le syndicat CGT des cheminots d’Amiens-Longueau, animé par Augustin Dujardin et André Lalouette, Pierre Mast fut propulsé responsable des comités mixtes SNCF d’Amiens-Longueau et membre du bureau de l’UD-CGT remise sur pied en septembre 1944 – il était archiviste de l’UD. Lors des grèves de 1947, il fut élu, en assemblée générale, responsable du comité de grève du dépôt d’Amiens. En décembre 1947, pour s’être opposé verbalement à un chef d’arrondissement SNCF qui voulait déclencher la reprise le travail, il fut suspendu avec proposition de révocation jusqu’à sa comparution au conseil de discipline de la SNCF (région nord) en mars 1948. Il fut finalement réintégré, et travailla désormais à l’atelier du matériel de Longueau, où il établit résidence. Pendant ses trois mois de suspension, il fut embauché par la coopérative « la Renaissance » (fabrication de parpaings) dirigée par Jean Arrachart* et Honeste Lagny.

Membre du comité fédéral du parti à partir de la IXe conférence fédérale de mai 1948, il accéda au bureau en mai 1964, où il fut responsable des questions de paix, et au secrétariat fédéral en décembre 1966, en tant que responsable de l’organisation. En 1967, il remplaça, le premier secrétaire fédéral, Maxime Gremetz, pendant son école de formation à Moscou, puis il resta secrétaire fédéral à l’organisation jusqu’en novembre 1971, et réintégra le bureau fédéral ensuite. Trésorier fédéral de 1971 à mars 1981, il demanda à être déchargé de cette responsabilité pour des raisons personnelles – Jean-Claude Laniel lui succéda au poste de trésorier – mais il resta membre du comité fédéral jusqu’en 1987.

Il milita par ailleurs à la CGT jusqu’en 1962, et au Mouvement de la paix ensuite. Pierre Mast fut membre du secrétariat du syndicat des cheminots d’Amiens-Longueau (Somme) dans les années 1950. En avril 1951, il était délégué suppléant du 4e degré, au titre de la Région Nord. En 1956, il était membre du conseil national de la fédération CGT des cheminots. Membre de la commission administrative de l’Union départementale CGT de la Somme à partir de juin 1948, il accéda au secrétariat de l’UD en 1955. Il y resta deux ans mais demeura membre du bureau et de la CA jusqu’en 1962 au moins.

En 1961, il fut délégué de la Somme au XXXIIIe congrès national CGT avec Armand Duvivier, Camille Tellier, René Sauval, Marcel Sinoquet et Michel Poiret.

Conseiller municipal de Longueau élu en 1953, il était adjoint au maire (Michel Couillet) de cette commune en 1964 et toujours en 1967. Pierre Mast fut candidat sans succès aux élections cantonales partielles du 8 janvier 1967, et il exerçait alors le métier de chef visiteur principal à la SNCF.

En 1966, Pierre Mast était membre de l’Association départementale des élus républicains, municipaux et cantonaux, d’obédience communiste, membre de la commission exécutive fédérale de l’ADERMC et fut délégué au congrès national de la FNERMC des 15-17 avril 1966, en Avignon. En 1966, il fit aussi partie du bureau départemental du Mouvement de la paix.

Du 28 avril au 6 mai 1967, il faisait partie de la délégation de l’UD-CGT invitée par la FDGB (confédération des syndicats libres d’Allemagne) en voyage d’études à Görlitz (RDA) avec Paul Hédé et Georges Collas (secrétaire départemental du syndicat CGT des PTT) notamment, afin de nouer des lieux avec la section FDGB de Görlitz.

En septembre 1983, il était secrétaire de la cellule Marcel Cachin* dans le quartier Saint-Acheul d’Amiens et siégeait toujours au comité fédéral du PCF (depuis 1948). Président départemental de l’Amicale des vétérans du PCF en 1984, il avait été élu à ce poste par le CF en septembre 1983.

Remarié en secondes noces à Amiens le 11 juin 1980 avec Françoise Denise Georgette Poindron, Pierre Mast vivait avec son épouse à Saintes (Charente) en juin 2009. Agé de quatre-vingt-six ans, il continuait à nourrir sa pensée de lectures diverses (dernière en date : L’histoire socialiste de la révolution), et avait créé avec des militants communistes de Saintes l’Association saintaise des amis de l’Humanité.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article6480, notice MAST Pierre, Robert, René par Jean-Pierre Besse, Julien Cahon, version mise en ligne le 30 juin 2008, dernière modification le 21 juillet 2022.

Par Jean-Pierre Besse, Julien Cahon

SOURCES : Arch. Fédération CGT des cheminots. — Arch. comité national du PCF. — Arch. Dép. Seine-Saint-Denis, 261J21/77 (Arch. SMC PCF). — Arch. Dép. Somme, 21W372, 21W391, 21W393, 23W364, 26W108, 1124W10, 1471W16. — Le travailleur de la Somme, 1944-1987. — Correspondance de Pierre Mast avec Julien Cahon, mai-juin 2009. — Notes de Jean-Pierre Bonnet. — État civil.

ICONOGRAPHIE : Photographie de Pierre Mast dans le numéro du 31 décembre 1966 du Travailleur de la Somme.

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