Par Léon Strauss, Françoise Olivier-Utard
Né le 25 août 1899 à Schiltigheim (Basse-Alsace, Alsace-Lorraine), mort le 27 août 1969 à Strasbourg (Bas-Rhin) ; ajusteur aux ateliers de chemin de fer de Bischheim (Bas-Rhin) ; syndicaliste CGT, communiste, résistant ; secrétaire administratif de l’Union des syndicats de cheminots CGT d’Alsace et de Lorraine de 1945 à 1955 ; membre du bureau régional du PCF de 1930 à 1939 puis responsable régional du Parti illégal en 1943-1944, membre du bureau fédéral de 1945 à 1952 ; conseiller municipal de Schiltigheim de 1945 à 1965, ;président de la Société des Libres penseurs et de l’Association nationale des anciens combattants de la Résistance.
Georges Mattern naquit dans une famille alsacienne de religion catholique, réintégrée française en 1918. Il n’était pas francophone. Son père, Georges Mattern, était tonnelier.
Ajusteur à la gare de triage de Hausbergen, puis aux ateliers de Bischheim, il aurait été mobilisé dans l’armée allemande à la fin de la guerre et aurait participé à la Révolution allemande de 1918. Militant de l’Union des Syndicats CGT de cheminots d’Alsace et de Lorraine, il fut l’un des promoteurs de son adhésion à la CGTU en 1922. Il avait adhéré au parti communiste en 1923 et était membre de son bureau régional au moins depuis 1930. En 1932 il était un des dirigeants de la cellule d’entreprise des ateliers de Bischheim. Il avait épousé Berthe Zeitz le 4 juin 1921, à Strasbourg, et, veuf en 1952, il se remaria le 2 décembre 1954 à Strasbourg, avec Françoise Iselé. Il eut deux enfants.
Selon un rapport préfectoral de 1955 il aurait suivi un cours à l’Ecole léniniste de Moscou (mais il ne figure pas dans la liste publiée dans Komintern : L’histoire et les hommes ? Paris, 2001). Il fut en 1935 candidat sur la liste communiste aux élections municipales à Schiltigheim. Collaborateur de Georges Wodli, il devint secrétaire administratif de l’Union des syndicats de cheminots après la réunification syndicale de 1935. En janvier 1937, au cours d’un voyage en Autriche, il fut arrêté par la police autrichienne pour avoir introduit illégalement un livre de Lénine et des tracts antinazis, condamné le 28 septembre 1937 par le tribunal régional de Vienne à un an de prison, et maintenu en détention durant onze mois, jusqu’à Noël 1937. Libéré par anticipation grâce à une intervention diplomatique qui faisait suite à une démarche du directeur du réseau d’Alsace et de Lorraine, Surleau, il fut réintégré à la SNCF à son retour. En 1939 il fut évacué à Périgueux ?
En 1940, il reprit son travail à Bischheim, et participa aux activités de résistance du parti communiste clandestin dirigé par Georges Wodli. Le 28 mai 1942 il échappa de justesse à une arrestation par la Gestapo en se camouflant dans les Ateliers de Bischheim, et, passant à la clandestinité, se cacha à Niederbronn (Bas-Rhin). Fin juin 1942, une réunion au sommet eut lieu chez Guillaume Schauly, à Vendenheim, en présence de Georges Wodli venu de Paris, pour mettre sur pied un réseau de résistance. Il ne put s’y rendre mais la responsabilité du Bas-Rhin lui fut confiée. Il échappa de justesse à une nouvelle arrestation alors qu’il se rendait à Duttlenheim, chez Ott, pour y chercher des tracts. Il vécut dès lors sous de faux noms, dont celui de Karl Jung (cf. sa fausse carte de la Reichsbahn reproduite dans L. Tinelli, L’Alsace résistante, p. 73). Après l’arrestation de Georges Wodli, le 30 octobre 1942, il devint l’un des chefs de ce qui restait du parti clandestin. Après la Libération, il fut conseiller municipal de Schiltigheim jusqu’en 1965.
Au congrès syndical des 6 et 7 juillet 1945, qui se tint à Bischheim, il fut reconduit dans ses fonctions de secrétaire administratif. En novembre 1950, il fut délégué au Congrès mondial de la Paix à Varsovie. Le 1er janvier 1951, la SNCF cessa de le rétribuer, comme tous les permanents de la CGT : son salaire (35 000 francs par mois) fut pris en charge provisoirement par l’Union d’Alsace et de Lorraine. Il assurait en 1952 la direction de la Caisse mortuaire. Avant le congrès de l’Union des 28 et 29 mars 1952, et pour faire pièce au projet prêté à la direction d’éliminer les membres non communistes du Conseil d’administration sous couvert de « rajeunissement », certains des membres de cet organisme attaquèrent Mattern, auquel ils reprochaient « ses manières un peu hautaines et prétentieuses ». Il rédigea en 1953 la préface de l’ouvrage collectif Heimat unterm Hakenkreuz, destiné à faire connaître le drame de la résistance des cheminots, en particulier des Mosellans et des Haut-Rhinois, mais Alphonse Boosz, secrétaire fédéral du PC du Bas-Rhin, refusa que le livre soit imprimé par la SEDAL, société d’édition du parti. C’était l’époque de l’exclusion d’Albert Erb. Georges Mattern trouva un autre imprimeur, Zetzner, à Schiltigheim, et le livre parut à 1 500 exemplaires en mars 1953. Georges Mattern fut chargé d’exposer dans l’organe syndical, Le Cheminot de mai 1953, les raisons de l’éviction d’Albert Erb. Au 8e congrès de l’Union, en novembre 1954, Mattern, cédant aux pressions de la Fédération, ne présenta plus sa candidature au poste de secrétaire général adjoint et il fut remplacé par Charles Werling. Il était entendu qu’il prendrait rapidement sa retraite et qu’en compensation de son départ de l’Union, la Fédération lui verserait la différence entre son traitement d’activité et sa pension en lui confiant provisoirement le service des « liaisons syndicales internationales ». Sur le plan régional, il restait secrétaire permanent aux relations internationales et aux activités sociales. Erb attaqua pourtant Mattern en 1955 au sujet du logement qu’il s’était fait aménager dans l’immeuble de l’Union et de la vente d’une voiture de l’Union à sa fille. Il démissionna en juin 1955, en même temps qu’Émile Schmitt à la suite de la venue à Strasbourg de Raymond Tournemaine et Robert Hernio.
En 1951, il avait fait partie de la délégation française du congrès pour la Paix qui devait se tenir à Sheffield en 1949 mais qui eut finalement lieu à Varsovie, le train ayant été interdit de circulation en Grande-Bretagne.
Il fut aussi président de la Société des Libres penseurs de Strasbourg et environs, et du comité bas-rhinois de l’Association nationale des anciens combattants de la Résistance.
Par Léon Strauss, Françoise Olivier-Utard
SOURCES : AN F7 13130. — ADBR, 102 AL47, 544D10, 544D40, 544 D 152. — Archives confédérales CGT. — Maitron, t. 36, 1990, p. 100. — Nouveau Dictionnaire de Biographie Alsacienne, n°26, Strasbourg, 1995, p.2565-2566. — Bulletin quotidien de l’Office régional d’information du 1er octobre 1937. — L’Humanité d’Alsace et de Lorraine, 28 décembre 1952. — Le Cheminot, janvier 1951, mai 1953. — Heimat unterm Hakenkreuz, 1953. — Le Cheminot, janvier 1951, février 1953, mai 1953. — Humanité, Strasbourg, du 11 mai 1935, 11, 14, 23/24 janvier 1938. — Numéro spécial de l’Humanité d’Alsace et de Lorraine : Résistance, décembre 1960. — L’Humanité 7 jours, Strasbourg,29 août 1969. — Charles Béné : L’Alsace dans les griffes nazies, t. 4, Raon-l’Étape, 1976.. — Léon Tinelli, L’Alsace résistante, Strasbourg, 2002.