Par Pierre Schill
Né le 11 août 1908 à Metz (Lorraine annexée), mort le 3 octobre 1950 à Merlebach (Moselle) ; sous-chef de gare à la Société des chemins de fer d’Alsace-Lorraine à Béning (Moselle) ; syndicaliste CGT ; secrétaire de la cellule communiste de Merlebach (Moselle) ; résistant ; maire de Merlebach.
Issu d’une famille cheminote de dix enfants, Jean Matz fut employé à la Société des chemins de fer d’Alsace-Lorraine dès l’âge de ses quinze ans après sa réussite à un examen qui lui permit de travailler dans les bureaux. Il fut ainsi employé à Creutzwald et Saint-Avold, en gare de Béning et à Rémilly (Moselle).
De septembre 1939 à octobre 1940 il travailla pour la SNCF à Pommérieux-Verny (Moselle) où il s’installa avec sa famille. C’est là que naquit son dernier enfant. Il revint ensuite dans le bassin houiller pour travailler en gare de Béning où il occupa les fonctions de sous-chef de gare alors que la Moselle était une nouvelle fois annexée à l’Allemagne et ses chemins de fer administrés par la Reichsbahn. Il résidait alors à Merlebach (Moselle).
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il fit partie du groupe de résistance « Mario », le plus important du département de la Moselle annexée. Ce groupe, affilié au mouvement de résistance communiste Front national, avait été mis sur pied, au cours de l’été 1941, par l’instituteur messin Jean Burger, aidé des cheminots Charles Hoeffel et Georges Wodli. Jean Matz fut responsable, à partir de juin 1942, du Groupe dans l’ensemble du bassin houiller sous le nom d’Auguste. Il assurait la coordination des actions résistantes dans le bassin houiller et notamment celles des cheminots. Il joua un rôle important dans le transfert des prisonniers évadés vers la France et participa aussi à des actes de sabotages de voies ferrées. Son domicile à Béning était une des caches utilisées par Jean Burger lorsqu’il sillonnait le département pour organiser la résistance.
Il fut activement recherché par la Gestapo à partir de décembre 1943. Après l’arrestation de Jean Burger en septembre 1943, Jean Matz était devenu un des responsables du Front national en Moselle annexée. Sentant la vigilance des Allemands redoubler, les arrestations de membres du Groupe Mario se multipliant, Jean Matz décida au début du mois de ne plus se rendre à son travail en gare de Béning. Pour que son absence n’éveille pas les soupçons il voulut être déclaré en congé de maladie ce qui nécessitait une visite au médecin de contrôle installé à Sarrebruck (Sarre, Allemagne). À son retour par le train, il sortit du dernier wagon et aperçut plusieurs hommes de la Gestapo entourant une jeune collègue de la gare. Lorsqu’elle aperçut Jean, son regard fit comprendre à ce dernier qu’il était déjà recherché et que sa collègue avait été choisie par la Gestapo pour l’identifier à la descente du train. Faire marche arrière aurait éveillé les soupçons, Jean Matz fit semblant de réajuster son chapeau et réussit à se coller discrètement une fausse moustache qu’il conservait avec lui. La collègue détourna son regard vers l’autre côté de la voie faisant mine de chercher Jean Matz parmi les passagers en train de descendre des wagons. Cet épisode chanceux l’obligea à entrer dans la clandestinité.
Sa sœur Marguerite fut quant à elle arrêtée à Paris en mars 1944 puis transférée au Fort de Queuleu, principal centre de torture de la Gestapo en Moselle annexée, dans l’espoir qu’elle leur permettrait de trouver Jean Matz. Il ne fut finalement pas arrêté, contrairement à la plupart des membres du Groupe, car il réussit à se cacher chez des amis à Merlebach ou chez ses parents où il avait aménagé une cachette sous une meule de foin.
Jean Matz se présenta aux élections municipales des 23 et 30 septembre 1945 à Merlebach sur la liste formée par les partis républicains et la Résistance. Il obtint au premier tour 895 voix sur 2 032 suffrages exprimés. Au second tour, il recueillit 941 voix sur 2 011 suffrages exprimés et fut élu. Il fut élu maire de Merlebach le 6 octobre 1945 par 13 voix contre 9 à Joseph Bourger qui avait été nommé maire à la Libération.
Jean Matz reversait ses indemnités de fonction à l’orphelinat des enfants de cheminots morts pendant la guerre.
Il dirigeait la rédaction de Merlebach de La Voix de la Moselle, l’organe de presse de la fédération communiste de Moselle. Il participa à la campagne du PC pour le « oui » au référendum du 5 mai 1946. Il anima notamment le 3 mai 1946 à Saint-Avold (Moselle) un meeting avec le maire socialiste de Forbach Édouard Waghemaecker.
Il mena aux élections municipales des 19 et 26 octobre 1947 à Merlebach la Liste d’Union républicaine et résistante dominée par le Parti communiste. Il fut réélu dès le premier tour en obtenant 1 204 voix sur 2 181 suffrages exprimés. La liste qu’il conduisait fut battue par les démocrates-chrétiens.
Jean Matz décéda à l’âge de quarante-deux ans des suites d’un cancer. Le maire MRP de la ville, Émile Engel, appela la population à rendre un dernier hommage à cette figure populaire de la ville enterré le 5 octobre 1950 en présence de nombreux élus, de représentants de la SNCF et de délégations de la CGT et du Parti communiste.
Marié le 13 juillet 1933 à Merlebach avec Catherine Bonhomme, il était père de trois enfants.
Par Pierre Schill
SOURCES : Arch. Com. Freyming-Merlebach (Moselle), fonds Merlebach 1 D 12 ; 1 K 13. — Arch. personnelles de Lucien Tutenuit. — La Voix de la Moselle, 19 octobre 1945. — Le Républicain lorrain, 4 et 6 octobre 1950. — Le Courrier de Metz, 5 octobre 1950. — France Journal, 6 octobre 1950. — Union des Syndicats des cheminots A.-L. CGT, Heimat unterm Hakenkreuz, Strasbourg, 1953, 196 p. — Léon Burger, Le Groupe « Mario », une page de la Résistance lorraine, Metz, Imprimerie Louis Hellenbrand, 1965, 194 p. — Numéro spécial de L’Humanité d’Alsace et de Lorraine : Resistance im annektierten Elsass und Lothringen, Strasbourg, janvier 1965, 64 p. — Gérard Diwo, Les formations politiques en Moselle (21 octobre 1945-17 juin 1951), thèse de doctorat d’histoire sous la direction d’Alfred Wahl, Université de Metz, 1992, 2 tomes, 423 et 157 p. —Renseignements fournis par Marguerite Smolkowski, née Matz et Joséphine Nicolay, née Matz, ses sœurs et par Henri Dopichay, son gendre.