MÉGY Edmond [MÉGY Léon, Guillaume, Edmond]

Par Notice reprise et complétée par Michel Cordillot

Né le 9 février 1844 à Paris, mort le 28 décembre 1884 à Colon (Panama) ; militant blanquiste ; communard, exilé aux États-Unis.

Edmond Mégy
Edmond Mégy

Né dans une famille ouvrière, Edmond Mégy fut mis en apprentissage à quatorze ans. Il travailla comme mécanicien à Châlons, puis sur les chantiers du canal de Suez et fut ensuite attaché comme chauffeur à la ligne de chemin de fer Paris-Lyon. Il était un homme de bonne taille, à la barbe et aux cheveux noirs et soyeux, à l’œil vif, à la physionomie intelligente, ayant une jolie figure, mais fatiguée, brisée, chargée de rides précoces, disent les rédacteurs du rapport établissant sa fiche signalétique.

En 1866, il arriva à Paris et fut embauché sur les chantiers de construction Gouin et Cie. L’année suivante, « le 10 messidor an LXXVII, ère républicaine » (28 juin 1870) il composait un chant révolutionnaire de cinq couplets intitulé « Les Barricades » dont le refrain était :

« Aux barricades ! feu ! levons-nous, prolétaires !

L’éclatant drapeau rouge enflammera nos cœurs.

Qu’on les détruise tous, bourgeois, propriétaires,

Car il faut qu’à tout prix nous en soyons vainqueurs. »

Collaborateur occasionnel de la Marseillaise, Mégy fréquenta assidûment les réunions publiques. C’est à cette époque que se produisit l’événement qui devait assurer sa notoriété. Alors qu’on venait l’arrêter, le 11 février 1870, pour avoir participé aux barricades édifiées à Belleville sur l’ordre de Flourens à la suite de l’arrestation d’Henri Rochefort, il tua le policier Mourot qui avait commis l’erreur de tenter de s’introduire chez lui avant l’heure légale. Mégy demeura toujours très fier de cet acte, comme l’attestèrent de multiples déclarations : « J’ai l’honneur d’avoir tracé avec un pistolet de quarante sous une ligne de démarcation entre le pouvoir arbitraire et le peuple » ; ou bien encore : « C’est moi qui, sous l’Empire, commençai la révolution sociale » (lettre à Yves Guyot du 28 avril 1877). Défendu par Protot, Mégy fut condamné, le 8 août 1870, par la Haute Cour de Blois, à vingt ans de travaux forcés pour homicide volontaire ; il fut amnistié le 8 septembre.

Pendant le siège, Edmond Mégy servit comme garde national dans le XVIIe arr. et fut élu porte-drapeau. Mais il fut condamné par défaut, le 20 décembre 1870, par le conseil de guerre permanent de la Garde nationale, à deux ans de prison pour avoir souffleté l’officier qui commandait le 91e bataillon. Ce dernier avait émis quelques critiques sur l’organisation de la boucherie dans le XVIIe arr., critiques que Mégy avait estimées blessantes à son égard. Il échappa aux poursuites en se réfugiant chez Tony Moilin, puis s’engagea sous un faux nom dans un bataillon du faubourg Saint-Germain et prit part aux journées insurrectionnelles des 31 octobre 1870 et 22 janvier 1871.
Membre de l’Internationale — il aurait adhéré en 1869 ou en janvier 1870, ou encore, selon une troisième source, le 30 octobre 1870, à la section des Batignolles — Mégy était présenté par Delion dans les termes suivants : « C’était un homme de bonne taille, à la barbe et aux cheveux noirs et soyeux, à l’œil vif, à la physionomie intelligente, ayant jolie figure, mais fatiguée, brisée, chargée de rides précoces. »

Au début du mois de mars 1871, Edmond Mégy se rendit à Bordeaux, mais y trouvant le terrain peu favorable, il repartit en direction de Marseille où il arriva le 8 mars. Dès son arrivée, il soutint le mouvement de grèves des docks, des chauffeurs, des employés du chemin de fer et des balayeurs. Le 23 mars, il fut l’un des premiers à entrer à la préfecture et se fit nommer commandant en chef du mouvement insurrectionnel. Il obtint la démission du préfet, le contre-amiral Cosnier qui se retrouva avec son secrétaire en état d’arrestation. Il menaça de mort les prisonniers à plusieurs reprises. S’adressant aux gardes en faction, il leur dit : « Ouvrez l’œil, si l’un de vos prisonniers cherche à s’évader, brûlez-lui la cervelle, où je vous la brûle à vous ». Du 24 au 27 mars, jour de l’arrivée de ses collègues de Paris, Mégy s’occupa de rassembler à la préfecture toutes les armes et munitions nécessaires à la résistance, en faisant piller la gare et les ateliers Taylor. Le 28 mars, il signa la proclamation annonçant que les délégués de Paris et la Commission départementale allaient s’entendre pour organiser des élections et le 30 mars celle qui destitua le préfet et prononça la dissolution du Conseil municipal. Lorsque la Commune de Marseille fut vaincue le 4 avril 1871, il s’enfuit et retourna à Paris.

Collaborateur de la République nouvelle et de l’Affranchi, il fut également promu colonel, se vit nommer, le 18, à la tête du fort d’Issy ; pour l’avoir abandonné le 30 avril en dépit des ordres reçus (le fort fut réoccupé par Cluseret), il fut arrêté par Rossel ; mais Eudes le prit comme chef d’état-major et Mégy le seconda dans la défense du faubourg Saint-Germain. Le 24 mai, il fit partie, selon Vuillaume, du peloton qui exécuta l’archevêque Darboy à la Roquette.

Le 2 décembre 1872, le 3e conseil de guerre condamna Edmond Mégy par contumace à la peine de mort. Semblable condamnation lui avait déjà été infligée par le conseil de guerre de Marseille le 22 janvier précédent.

Ayant réussi à s’échapper, Mégy gagna d’abord Genève où sa présence est signalée peu avant la mi-juillet. Puis il décida de partir pour les États-Unis, où un de ses oncles était installé dans la région de New York. Quoiqu’ayant des opinions politiques opposées, ce dernier acceptait de l’héberger jusqu’à ce qu’il eût trouvé un emploi.

Arrivé à New York au début du mois de septembre 1871, Mégy trouva immédiatement du travail, contrairement à nombre de réfugiés. Il fit partie, avec Simon Dereure, Galtier et les frères May du premier noyau blanquiste qui se constitua autour d’Edmond Levraud et de Jules Bergeret. Il ne tarda pas à entrer en conflit avec les frères May, allant jusqu’à échanger des coups avec Gustave en janvier 1872 (« J’ai le pouce foulé d’avoir foutu sur la gueule de Gustave May », écrivait-il alors dans une lettre adressée à Eudes). Durant toute cette période, les blanquistes new-yorkais se tinrent à l’écart de l’Internationale, envers laquelle ils n’éprouvaient que du mépris. D’une manière générale, à l’instar des autres blanquistes, Mégy pensait peu de bien des États-Unis. Dans une lettre à Eudes en date du 2 février, il disait en parlant de leur ami commun Caria « Je voudrais le voir ici quand Levraud, Dereure, le père Galtier (le marseillais) et moi, quand nous gueulons tous à la fois après les Américains. » Dans une autre missive en date du 4 octobre 1872, adressée à une correspondante parisienne anonyme (sans doute Mlle Sauvage, modiste, 166 rue Montmartre) on relève le passage suivant : « Je ne puis vous donner aucune nouvelle d’ici. Le pays est tellement ignoble et la population tellement crétine qu’il n’y a rien d’intéressant pour nous à en tirer, si ce n’est que tous les étrangers qui y viennent n’ont qu’un but : jeter, en passant le grand ruisseau, le peu d’honneur qui peut leur rester, et, par tous les moyens possibles, ramasser de l’argent, pourvu qu’ils ne se fassent pas prendre comme voleurs (…)

« Quant moi je ne vis que pour ma haine, je vous l’ai, sans doute, déjà dit, mais j’étudie dans ce moment les moyens de nous venger tous, et de faire par la ruse ce que nous n’avons pu faire par la force (…) J’ai toujours, jusqu’à ma crevaison, une tête et deux bras au service de la révolution sociale et pour ma haine à moi, qui ont cette devise : Tuons toujours nos ennemis, c’est toujours autant de moins. »

Il disait dans cette lettre que la correspondance devait être adressée à « Loreley poste restante, New York. » Trois points en triangle semblent indiquer que Mégy appartenait à la franc-maçonnerie.

À la demande des blanquistes de Londres, avec qui il était en contact, Mégy signa et fit signer en juin 1872 dans la proscription communaliste new-yorkaise la pétition contre la proposition de faire une contre-enquête officielle défendant les actes de la Commune. Les autres signataires furent S. Dereure, L. Crosse, A. Fort, Fleutiaux, A. Sauva, J. Thomas, J. Bedouch, L. Toureil, E. Regnier, A. Perrette, Lorin, Bergeron, L. Sauvage, Davoust, Claude Rochat et Saulnier (voir ces noms).

Dès lors, conformément aux consignes venues de Londres, les blanquistes commencèrent à faire de l’entrisme dans les sections francophones de l’AIT et à s’impliquer dans les actions militantes lancées par les socialistes franco-américains. Dans une lettre datée de New York, 25 novembre 1872, Mégy s’éleva violemment contre l’élection de Gustave May au poste de trésorier national de la souscription lancée par les Internationaux au bénéfice des veuves et des orphelins des combattants de la Commune. Soutenu par Crosse et Jules Thomas, puis par J. Baron, Constant Christenert, Mourot et Benoît Hubert qui démissionnèrent de la commission new-yorkaise, il convoqua aussitôt une réunion de tous les communeux présents à New York. Cette réunion allait être à l’origine de la fondation de la Société des réfugiés de la Commune. Il mit son point d’honneur à collecter personnellement de l’argent pour ladite souscription en compagnie de Lauer.

En octobre 1872, dans le cadre de l’offensive des blanquistes pour s’assurer le contrôle des sections francophones de l’AIT, Mégy fut élu membre de la commission de contrôle du Socialiste (il fut reconduit dans ses fonctions au début de l’année 1873). Il démissionna de ce poste peu après, officiellement pour protester contre l’apologie de Rossel par Loisel, mais cette démission était aussi le signe que l’influence des Blanquistes commençait à marquer le pas. De la même façon, le fait qu’il se soit volontairement mis à l’écart de la Société des réfugiés en janvier 1873 pour prendre la tête d’une éphémère association des Combattants de la Commune doit être lu comme un signe d’échec relatif. Cela ne l’empêcha pas d’assister et de prendre la parole lors du banquet organisé à New York pour célébrer le 2e anniversaire du 18 mars pour porter un toast à Blanqui.

En 1874, sans doute du fait de sa rivalité avec les frères May (qui avaient été très en pointe dans le mouvement révolutionnaire de l’hiver 1873-74), Mégy resta en retrait. Il tenta pourtant de rejoindre le mouvement en cours de route en faisant paraître début février, assisté d’un petit noyau de fidèles (L. Crosse, Édouard David, Jules Mazeau, Jules Thomas et Joseph Olivier), une publication intitulée la Revue sociale. Cette feuille disparut au bout de quelques numéros, laissant ses fondateurs tellement désargentés qu’ils ne furent pas en mesure de participer au banquet annuel de commémoration du 18 mars. Entre-temps, le 14 janvier 1874, malgré des recherches faites à Paris même, la commission d’enquête désignée pour trancher de la véracité des accusations proférées par Mégy à l’encontre des frères May avait conclu négativement, estimant qu’il n’existait aucune preuve pour justifier les accusations.

En octobre 1875, Mégy fit un premier voyage à Londres, ne s’y plut guère, parla d’aller s’installer en Suisse pour y trouver du travail, puis retourna finalement à New York, sans doute pour aller y chercher sa femme. Il repartit en effet peu après pour l’Angleterre, où il résida du début 1876 à fin 1877. Il vécut d’abord à Londres, puis pendant 16 mois à Birmingham. Cédant aux instances de son épouse, dont les parents habitaient New York, il se décida à retourner aux États-Unis, et embarqua à Liverpool en compagnie d’un mécanicien nommé Ravet durant la deuxième quinzaine de novembre 1877. Il était en tout cas de retour à New York le 31 décembre, puisqu’il fut élu vice-président de l’assemblée des communistes new-yorkais qui, au nombre de 54, signèrent la lettre de soutien adressée aux membres de la Vieille Icarie à la demande d’Arsène Sauva (voir Joseph Olivier).

En 1878, Edmond Mégy présida le comité chargé par la Société des réfugiés de la Commune de préparer la cérémonie anniversaire du 18 mars à New York. Il prononça à cette occasion un discours qui exaltait les principes de la Commune. Quelques mois plus tard, au cours d’une réunion tumultueuse de la Société des réfugiés dont les échos, bien qu’elle se soit tenue à huis-clos, filtrèrent à l’extérieur, il se heurta à Henri Hanser, avec qui il avait accepté de collaborer pour lancer un hebdomadaire de tendance blanquiste intitulé la Centralisation. Pour une fois, il semblerait que la faconde naturelle de Mégy n’ait pas suffi à lui faire emporter l’adhésion des présents. Deux années plus tard pourtant, il était de nouveau vice-président des manifestations commémorant le 18 mars à New York en présence de 3000 personnes.

Rentré à Paris peu après Edmond Mégy ne séjourna que deux mois dans cette ville, où il résida 116, avenue de Clichy, du 16 septembre au 18 octobre. Faute d’avoir trouvé du travail à des conditions satisfaisantes, il repartit pour New York où, en 1881, il figura de nouveau parmi les orateurs appelés à prendre la parole lors la célébration du 18 mars. En 1883, il fut nommé secrétaire du comité new yorkais pour l’érection d’un monument à Blanqui.

Autre facette de la personnalité de Mégy, si son itinéraire politique fut suffisamment tumultueux pour être assez facile à suivre, il fit personnellement en sorte qu’il en aille de même pour sa vie sentimentale. Annoncée publiquement, sa mise en ménage avec Maria Lauer (mai 1873) ne dura que quelques mois, puisqu’en décembre il faisait paraître dans les journaux français de New York un avis comminatoire « ordonn[ant] à tous les citoyens d’Amérique de reconnaître la citoyenne Houet pour [s]a femme. » Quelques semaines plus tard, nouveau communiqué de presse : « Le citoyen Mégy entend que la citoyenne Jacqueline Moisson soit considérée comme sa femme, et qu’elle soit respectée par chacun en cette qualité. » En mai 1873 enfin, il épousa officiellement une demoiselle Mary Gants.

Au terme de quinze années d’errance, Mégy mourut le 28 décembre 1884 à l’hôpital de Colon (Panama), où il avait été admis le 22 suite à un accident cardiaque. il était arrivé dans cette ville le 14 octobre, venant de New York où il était sans travail, et où il avait laissé sa femme et ses deux enfants. Lissagaray lui consacra un article élogieux dans la Bataille du 29 janvier 1885 ; un article lui fut également consacré par Ernest Roche dans l’Intransigeant du 27 janvier et un hommage fut publié par la Revue icarienne dans son numéro de mars 1885.

Il était marié et père de deux enfants.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article6573, notice MÉGY Edmond [MÉGY Léon, Guillaume, Edmond] par Notice reprise et complétée par Michel Cordillot, version mise en ligne le 30 juin 2008, dernière modification le 16 septembre 2022.

Par Notice reprise et complétée par Michel Cordillot

Edmond Mégy
Edmond Mégy

ŒUVRE : Collaboration à diverses publications : La Marseillaise, en 1870. — La République Nouvelle et l’Affranchi, pendant la Commune.

SOURCE : Arch. Nat., BB 24/858, n°3099 ; IFHS, 14 AS 99bis ; Arch. Min. Guerre, 3e conseil ; Arch. PPo., Ba/435 (rapport du 28 mai 1876), Ba/1177 et Ea/49-15 (lettre à Yves Guyot du 28 avril 1877 ; Haute cour de justice. Procès contre Flourens et autres. Paris, autog. Eug. Huré, nd [1870], p. 252 et suiv. pour copie des procès verbaux relatifs à l’arrestation de Mégy le 11 février 1870 ; Archives Départementale des Bouches-du-Rhône, côte 2R.322-3223, rapport de police du 21 décembre 1871 ; Le Socialiste, 22 juin, 1er décembre 1872, 2 février, 23 mars 1873 entre autres ; Bulletin de l’Union républicaine, 16 février 1874 entre autres ; Le Pays (Paris), 12 septembre 1878 ; L’Égalité (Paris), 18 mars 1880 ; Labor Standard, 3 avril 1880, 26 mars 1881. Paul Delion, Les Membres de la Commune et du Comité central, Paris, Lemerre, 1871 ; Georges Bourgin, Gabriel Henriot, Procès verbaux de la Commune, Paris, Leroux et Lahure, 1924-1945, passim  ; Antoine Olivesi, La Commune de 1871 à Marseille et ses origines, Paris, Rivière, 1950 ; Jean Maitron, « En dépouillant les archives du général Eudes », L’Actualité de l’Histoire, n° 6, janvier 1954 ; Paul Martinez, « Amis éprouvés et sûrs. Les réfugiés blanquistes en Angleterre, 1871-1880 », in Blanqui et les blanquistes, Paris, Sedes, 1986 ; Michel Cordillot, « Les Blanquistes à New York », Bulletin de la Société d’Histoire de la Révolution de 1848, Paris, 1990 ; CDRom Maitron ; notes de Roger Vignaud ; Michel Cordillot (coord.), La Commune de Paris 1871. L’événement, les acteurs, les lieux, Ivry-sur-Seine, Les Éditions de l’Atelier, 2021.

ICONOGRAPHIE : Plusieurs photographies sont conservées par les Arch. PPo., Ba/1177 ; Georges Bourgin, La Guerre de 1870-1871 et la Commune, Paris, Éd. nationales, 1939, p. 330 ; Jean Bruhat, Jean Dautry, Émile Tersen, La Commune de 1871, Paris, Éditions sociales, 1970, p. 311.

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