Né le 17 mai 1820 à Nancy, mort au début de juin 1887 à Bâle (Suisse) ; major commandant la place Vendôme sous la Commune de Paris, déporté en Nouvelle-Calédonie.
Son père se nommait Salomon Mayer et sa mère Charlotte Wolff : lui se présentait comme homme de lettres : « Comme mon père, je me suis particulièrement voué aux arts et à la littérature auxquels j’ai consacré une partie de mon existence et de ma fortune » ; il ignorait quelque peu l’orthographe, mais disait avoir fondé la « Société des Artistes Réunis », et des publications : la Réforme douanière, le Monde des Arts. En 1862, il tenait un café ; le tribunal de la Seine le déclara en faillite le 2 mai de la même année. Il dirigea le théâtre de Passy.
En 1870, il était veuf et habitait Vanves avec ses quatre enfants : un fils de vingt-deux ans qui avait remporté les premiers prix à l’école Turgot et était appelé à l’armée en 1870 ; deux filles de dix-neuf et seize ans, un fils de quinze ans et demi. Lui-même avait été exempté de service parce qu’il avait un frère sous les drapeaux ; à la guerre, il s’engagea pourtant dans un bataillon « de vétérans » : il servit au 169e bataillon de la Garde nationale. Il y était capitaine et montait la garde le 18 mars 1871 à Montmartre, au Château-Rouge, lorsqu’on y amena le général Lecomte fait prisonnier. Que se passa-t-il exactement ? Simon Mayer eut tendance à minimiser son rôle, le réduisant à celui d’un simple exécutant qui tenta vainement d’arrêter le drame. Il dit avoir reçu du Comité central un ordre écrit de livrer les généraux et l’avoir exécuté, mais ne pas l’avoir conservé. Il avait prévenu Clemenceau, maire du XVIIIe arr., et celui-ci lui avait conseillé de ne pas exciter le peuple. Mayer, si on l’en croit, avait donné tous ses soins aux officiers commis à sa garde, et après le meurtre des généraux avait fait libérer les survivants.
Ensuite il dit avoir été expéditionnaire jusqu’au 25 avril. On lui objecta des rapports et des ordres signés de lui antérieurement à cette date ; on rappela qu’il avait pris son fils comme aide de camp ; et le 16 mai il aurait fait un discours place Vendôme avant de substituer le drapeau rouge au drapeau tricolore. Si l’on consulte le J.O. Commune, on peut du moins affirmer qu’à la date du 27 avril, il était colonel chargé de l’organisation des légions (cf. J.O. de ce jour) ; qu’à celle du 1er mai, il apparaissait comme major commandant la place Vendôme (cf. J.O. 1er mai) ; que le 4 mai, il était nommé sous-directeur des mouvements au ministère de la guerre (cf. J.O., 5 mai). Mayer affirma n’avoir pris aucune part aux combats de rue : « Quatre fois j’ai été arrêté, on voulait me forcer à prendre part au combat qui se préparait dans les rues de Paris, quatre fois j’ai su résister énergiquement. » Puis il demanda un sauf-conduit au chef du pouvoir exécutif, par Glais-Bizoin à qui il avait rendu service, avec « engagement formel de ne pas m’occuper de politique ».
Arrêté le 7 juillet sur le champ de courses de Longchamp, il fut déféré au 6e conseil de guerre et inculpé d’avoir pris part à l’assassinat des généraux. Sa défense manqua de fermeté, de dignité ; il écrivit au préfet de police, le général Valentin, protesta de son innocence, affirma ses « sentiments maçonniques », argua d’une confusion de noms, etc. Il fut cependant condamné à la peine de mort le 18 novembre 1871. Franc-maçon depuis 1868, M... de l’O... de Montpellier, affilié à la Loge L’Union parfaite de la Persévérance, O... de Paris — Voir E. Thirifocq, il s’adressa au Grand-Orient pour être secouru. Le 6 février 1872, un Vénérable de la Loge affirmait : « Nous pouvons tenir cette famille pour digne d’intérêt et faire le possible en faveur du père » (Arch. Grand-Orient). La peine fut commuée, le 21 février 1872, en travaux forcés à perpétuité, et le 3 mars Mayer fut évacué sur le bagne de Toulon d’où la Virginie l’emmena en Nouvelle-Calédonie. De l’île Nou, jusqu’en 1880, il « a fait toutes les bassesses possibles pour pouvoir sortir du bagne ». En 1875 sa peine fut à nouveau commuée, en déportation dans une enceinte fortifiée cette fois.
Amnistié en 1879, il rentra par la Picardie et publia en 1880 dans le Petit National ses Souvenirs d’un déporté, Étapes d’un forçat politique. En 1879, dit-il, l’administration le classait parmi les douze déportés les plus dangereux. Il envisageait de se fixer à Nouméa et, refusant la direction du théâtre, signait un contrat avec un restaurant le jour même où il apprenait sa grâce, le 12 juin. Il était infirme, pour avoir eu le pied écrasé en déportation par un tombereau de terre ; il devint aveugle — non sans avoir été décoré pour le sauvetage de huit personnes lors de l’incendie du théâtre de Nice ; en 1882 il avait demandé une autorisation pour « exhiber un jeune phénomène ». Au total donc, un personnage remuant, contrasté, sur lequel on peut porter des jugements bien différents.
ŒUVRE : Souvenirs d’un déporté. Étapes d’un forçat politique, Paris, Dentu, 1880, (6), 460 p. (B.N. 8° Lb 57/3777).
SOURCES : Arch. Nat., BB 24/731 et H colonies 101. — Arch. Min. Guerre, 6e conseil. — Arch. PPo., B a/1177. — Arch. du Grand-Orient (Bibl. Nat.), cote 1632, vol. III. Suppliques au G... O..., 1870-1872. — Gazette des Tribunaux, 6 novembre 1871. — La Liberté, 8 novembre 1871. — Patrice O’Reilly, Dictionnaire des Calédoniens, op. cit.