MOREAU Jean, Hugues, Amédée (dit Moreau-Montéléon),

Né le 21 janvier 1838 à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), mort à Paris XXe arrondissement le 10 mai 1920, notaire, puis publiciste et employé de presse, communard, socialiste guesdiste, puis anarchiste

Son père était étudiant en droit à sa naissance et devint notaire à Vic-Le-Comte. Moreau prit le chemin de son père et s’établit notaire 63 rue Marbeuf, Paris VIIIe arrondissement Il était le frère de Jacques Philippe Prosper Moreau (voir ce nom). Il aurait été membre de l’Association Internationale des Travailleurs (« on le croit, mais sans en avoir la certitude »). Pendant la Commune, il fut sergent dans son 167e bataillon, puis détaché comme officier d’ordonnance au cabinet du ministère de la guerre. Il fut aussi délégué municipal dans le Xe arrondissement.
Il fut condamné par contumace, le 2 août 1872, par le 5e conseil de guerre, à la déportation dans une enceinte fortifiée ; un mois plus tard, le 19 septembre, il était déclaré en faillite. Moreau s’était un temps réfugié à Strasbourg, peut-être à Bruxelles, puis il s’installa à Londres où il se maria avec sa compagne, « une pays », et eut un enfant. Il conserva des liens toute sa vie avec Londres ville où il fit de fréquents séjours. Il rentra à Paris en 1880 et ajouta à son nom le nom d’origine de sa mère Montéléon pour éviter désormais toutes confusions avec les nombreux Moreau ayant participé à la Commune. Sa femme mourut en 1884 alors qu’il habitait 1 avenue de Saint-Germain à Asnières.
Moreau-Montéléon s’employa ensuite à des métiers divers (représentant de commerces etc.) mais pour l’essentiel dans la presse en y occupant des fonctions de comptable, d’administrateur et beaucoup plus rarement de publiciste. S’il travaillait volontiers pour la presse républicaine ou ouvrière, il fut aussi un temps rédacteur en chef du Journal des Chambres de commerce. En 1893, il créa un Bulletin ouvrier de correspondance spéciale des syndicats et groupes corporatifs. Il se proposait aussi pour réaliser toutes études documentaires ou aménagement de bibliothèques.
Dès son retour Moreau-Montéléon se lança dans l’action socialiste. Il fut le 26 octobre 1880 un des 19 signataires du manifeste créant l’Alliance socialiste-républicaine (avec Jourde, Avrial, Arnould, Landrin, Longuet, Theisz etc.). Dans cette mouvance, il fut encore signataire en avril 1891 du manifeste du comité d’action socialiste républicain pour la défense du Travail national et de la liberté d’échange. Le texte s’opposait au protectionnisme qui entrainerait un recul de la production et une hausse des prix pour le travailleur.
Mais il adhéra aussi pendant quelques années au Parti ouvrier. Il participa à son 10e congrès national en 1892 comme délégué du groupe L’Action, cercle d’études sociales des ouvriers et employés de chemins de fer, sur la base de l’affranchissement du prolétariat et de l’expropriation politique et économique de la bourgeoisie capitaliste. Il était encore délégué au congrès de l’agglomération parisienne du POF en octobre 1893.
Cependant Moreau-Montéléon quitta rapidement le Parti guesdiste et se rapprocha du milieu anarchiste. Il ne participa à aucune action violente, se situant plutôt dans le cadre d’un anarchisme intellectuel, proche de celui dont il fut ami, Sébastien Faure. Au début de 1894, Moreau-Montéléon fut victime des persécutions qui suivirent la vague d’attentats anarchistes. On lui reprocha sa proximité avec Fortuné Henry (le père d’Émile Henry) qui datait de leur action commune dans le Xe arrondissement pendant la Commune ou son amitié avec Charles Malato. Sa maison à Colombes, rue de la Nation, fut plusieurs fois perquisitionnée et, menacé d’arrestation, il s’exila quelques semaines à Londres.
Moreau-Montéléon collabora ensuite au Journal du Peuple (1899). Il fut nommé par Pouget administrateur de La Révolution (février-mars 1909). Dans La Lutte syndicale, Monatte regretta cette nomination considérant Moreau-Montéléon comme un « pauvre vieux qui n’était plus de taille ».
Moreau-Montéléon fut ensuite administrateur à l’école libertaire La Ruche, fondée en 1904 par Sébastien Faure à Rambouillet (Seine-et-Oise) où il vécut jusqu’à la fermeture de l’école en 1917. Il fut ensuite comptable à l’imprimerie coopérative La Fraternelle, également fondée par Faure. Il y travaillait encore tous les jours en 1919 à plus de 80 ans.
Moreau-Montéléon suivit Sébastien Faure dans son action pacifiste pendant la Première Guerre mondiale. Il fut membre des Amis de Ce qu’il faut dire en 1917. Ce qu’il faut dire publia, le 30 avril 1916, une lettre de Moreau-Montéléon, envoyée de Rambouillet, où l’ancien proscrit évoquait ainsi la Commune : « Il ne faut voir dans ce grand mouvement ni une convulsion du vieux jacobinisme autoritaire, ni une révolte du patriotisme indigné » mais « une vraie révolution populaire, premier mot de la solution cherchée par le XIXe siècle à travers tant de secousses et de bouleversements. »
Moreau-Montéléon mourut pauvre, toujours visité par quelques amis fidèles à l’hospice Debrousse, rue de Bagnolet, dans le XXe arrondissement. Selon Le Libertaire, il resta jusqu’à ses derniers jours « plein de foi en la prochaine délivrance de l’humanité. »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article66675, notice MOREAU Jean, Hugues, Amédée (dit Moreau-Montéléon), , version mise en ligne le 26 juillet 2009, dernière modification le 7 mars 2022.

Œuvre
"Une infamie", l’affaire Sébastien Faure, les dessous d’une odieuse machination... [Avant-propos de Moreau-Montéléon.], Paris, la Fraternelle, (s. d.). In-16, 32 p.

SOURCES  : Arch. Nat., BB 24/861, n° 4603. — Arch. PPo., E a/104-9. — Archives du Service historique de la Défense : 8J 194. — Le Cri du Peuple, 26 janvier 1884. — L’estafette, 4 avril 1891. — Le socialiste 4 octobre 1892. — La petite république, 8 octobre 1893 . — L’Intransigeant, 15 octobre 1893 et 5 janvier 1894. — Le Matin , 15 mars 1894. — L’Action, 7 septembre 1909. — Le Libertaire, 28 novembre 1909. — Ce qu’il faut dire, 30 avril 1916. — Ce qu’il faut dire, 8 décembre 1917. — Le libertaire, 16 mai 1920. — Charles Malato, « Mémoires », Le Peuple, 11 et 12 février 1938. — Pierre Monatte, La lutte syndicale, réédition, Paris, François Maspero, 1976. — État-civil de Clermont-Ferrand. — État-civil de Vic-le-Comte. — État-civil d’Asnières. ؙ — État-civil de Paris XXe arrondissement

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