PIGERRE Élie, Jean-Baptiste

Né le 13 janvier 1818 à Paris (VIIIe arr. ancien) ; mort le 28 mars 1880 à Saint-Maurice (Val-de-Marne actuel) ; ébéniste dans la maison Pleyel et Wolff ; communard, déporté en Nouvelle-Calédonie.

Élie Pigerre (Le Siège et la Commune de Paris, Documents Photos, Collections Spéciales de la Northwestern University Library).

Fils d’un serrurier, Élie Pigerre s’engagea au 62e bataillon de chasseurs à pied en 1841 et fut libéré comme sergent de 2e classe en 1848. Il vint à Paris et travailla comme ébéniste dans plusieurs entreprises notamment chez Pleyel et Wolf, boulevard Ornano à Saint-Denis. Domicilié 23 bis, rue Labat (XVIIIe arr.), il était marié à une ouvrière, Madeleine Yung qui travaillait à la Compagnie des Omnibus. On disait de lui que c’était un « habitué des clubs et des cabarets » et qu’il « s’était fait une réputation de républicain avancé ».
Il cessa de travailler lors de l’investissement de Paris et entra comme lieutenant à la 1ère compagnie de marche du 169e bataillon de la Garde nationale. Éveillé de bonne heure le 18 mars 1871 et constatant l’agitation de la rue, il donna l’ordre de battre le rappel de son bataillon. Le rendez-vous se trouvait rue Doudeauville (XVIIIe arr.), et avec 300 hommes, il arriva boulevard Ornano en face de la rue Poulot où il se heurta à un détachement du 88e qui mit la crosse en l’air. Accompagnés de soldats, les gardes du 169e remontèrent la rue Marcadet puis la rue Lepic. Ils s’emparèrent du poste de la rue Sainte-Marie et Pigerre fit en sorte que les gendarmes qui s’étaient rendus ne soient pas en contact avec la foule. Il se heurta ensuite à un bataillon du 88e de ligne retranché dans le Moulin de la Galette, dont le colonel refusait de se rendre. Mais ce dernier chuta et un garde du 169e l’assomma d’un coup de crosse. Pigerre accompagna ensuite les prisonniers du Château-Rouge à la rue des Rosiers pour les protéger de la colère populaire. Dans l’après-midi, alors qu’il gardait les officiers prisonniers rue des Rosiers, il couvrit de son corps le général Lecomte mis en joue par un caporal de chasseurs. Le général fut toutefois fusillé peu après.

Nommé lieutenant de place par Bergeret, Pigerre fut ensuite élu capitaine en second de la 1ère compagnie du 169e fédéré et, quelques jours plus tard, il fut rattaché comme capitaine à l’état-major de Dombrowski. Blessé à Neuilly, il fut, après guérison, promu commandant du 35e bataillon fédéré sur proposition du colonel Henry. Il se mit en devoir de le réorganiser et refusa plusieurs fois de faire marcher ses hommes qu’il estimait insuffisamment préparés au combat. Le 22 avril il mena son bataillon à l’école des Frères, 36, rue de Courcelles. Il intervint dans son arrondissement pour faire rechercher les réfractaires, il aurait ainsi ordonné la fermeture d’un atelier de réparation de la Compagnie des Omnibus, rue Popincourt pour que les ouvriers rejoignent la Garde nationale. Les hommes de son bataillon se plaignant des pertes subies dans les combats, il se réunit plusieurs fois avec ses officiers et lors d’une réunion, boulevard Malesherbes (ou boulevard Haussmann car sa version fut fluctuante), il aurait été arrêté le 21 mai sur ordre de Jaclard, le commandant de la 17e légion fédérée sous l’accusation de détournements de fonds (il prétendit devant l’officier instructeur que « c’était parce qu’on craignait que je fasse obstacle à la défense dans l’intérieur de Paris »). Libéré le lendemain, il se serait rendu à son « domicile » (10, rue de Courcelles selon lui) pour se changer puis il serait allé le 22 au matin avec des gardes nationaux au parc Monceau jusqu’en début d’après-midi, puis à la mairie des Batignolles où il aurait passé la nuit. Le 23, il aurait défendu les barricades des Batignolles et se serait replié vers midi place Saint-Pierre puis aurait combattu boulevard de Rochechouart, puis, en réunissant une centaine de gardes se serait positionné à la barrière du Combat (place du Colonel Fabien actuelle) pour défendre la barricade puis se serait replié à la mairie du XIe avec 7 officiers et 20 gardes du 35e fédéré pour recevoir des ordres. Il aurait rencontré le capitaine Métivier qui leur aurait donné des vivres et une partie de leur solde. Selon lui, il aurait appris qu’on le recherchait « pour le tuer » (!). Il se serait réfugié avec deux officiers et une cantinière chez Métivier, 24, rue Sedaine où il quitta son uniforme. Le 25, il aurait participé aux secours pour éteindre un incendie dans une maison boulevard Voltaire. Ensuite, il serait retourné à la mairie pour imprimer une affiche annonçant les « décisions des Parlementaires » (?) mais il ne put le faire. Le 27, il serait allé à la prison de la Roquette pour rencontrer un membre de la Commune et lui demander « de faire cesser le feu ». Il fut arrêté le 28 mai, faubourg Saint-Martin (Xe arr.) en tentant de rejoindre son domicile.

Il fut condamné, le 13 septembre 1871, par le 3e conseil de guerre, à la déportation dans une enceinte fortifiée.

Puis on lui attribua un rôle décisif dans l’exécution des six otages de la Roquette (dont l’archevêque Darboy), le 24 mai 1871 comme ayant commandé le peloton d’exécution ; mais, lors des audiences du 6e conseil de guerre, il apparut de bonne foi en soulignant les contradictions des témoignages. De plus un témoin, Jarraud, cita nommément Benjamin Sicard qui lui ressemblait, comme celui qui dirigeait le peloton. Ce dernier très malade, fut sorti de sa prison pour témoigner mais confus, il n’apprit rien d’important mais il disculpa Pigerre qui fut acquitté au bénéfice du doute.

Il fut transporté à bord du Calvados, qui quitta Rochefort le 18 mai 1873 puis Sainte Catherine le 28 juillet pour arriver à Nouméa le 1er octobre 1873. Sa peine fut commuée en déportation simple le 22 juillet 1876, et en huit ans de détention le 12 décembre 1878 ; il « n’a plus alors des idées politiques absurdes comme autrefois » selon un rapport de déportation ; il revint en France par le Var. Sans ressources et veuf, il mourut à l’asile national de Vincennes à Saint-Maurice (Seine) le 22 mars 1880.

Pour des raisons inconnues, on a écrit qu’il était marié à Louise Gimet surnommée par certains « capitaine Pigerre », mais le lien entre eux n’a jamais été établi.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article68395, notice PIGERRE Élie, Jean-Baptiste, version mise en ligne le 26 juillet 2009, dernière modification le 28 novembre 2021.
Élie Pigerre (Le Siège et la Commune de Paris, Documents Photos, Collections Spéciales de la Northwestern University Library).

SOURCES : Arch. Min Guerre, GR 8 J 3e conseil 7 (32), Ly 136 (6e conseil) — Arch. Nat., BB 24/756. — Arch. Paris, D1R1 48, D2R4 215 et V4E 5022 (1526). — ANOM, COL H 96. — Arch. PPo., listes d’amnistiés. — Le Pays : journal des volontés de la France, 15 septembre 1871. ⸺ L.P. Guénin, L’assassinat des otages : Sixième Conseil de Guerre ; compte rendu in extenso, 1872 — Michel Cordillot (coord.), La Commune de Paris 1871. L’événement, les acteurs, les lieux, Ivry-sur-Seine, Les Éditions de l’Atelier, 2021. — Notes de Louis Bretonnière et P.-H. Zaidman.

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