POURILLE Stanislas [POURILLE Jean-Baptiste, Stanislas, Xavier, dit BLANCHET] [BLANCHET-POURILLE] [PORILLE]

Par Notice revue et complétée par Michel Cordillot

Né le 26 avril 1833 à Troyes (Aube) ; mort le 17 décembre 1880 à Paris (Ve arr.) ; a exercé divers métiers dont ceux de brocanteur et journaliste, après avoir été moine ; élu membre de la Commune de Paris ; accusé, à tort ou à raison, d’avoir fait partie de la police impériale.

Les parents de Pourille étaient pauvres. L’enfant fit ses études au lycée de Troyes avec une bourse de la ville et manifesta des dons littéraires. Il vint à Paris en 1852 et fonda un journal d’étudiants, puis revêtit la robe de capucin (Brest, 1860 ; Laroche, 1862). Il vécut ensuite à Lyon (Rhône), donnant des leçons de français et d’allemand, puis, renonçant décidément à la vie conventuelle, servit d’interprète aux tribunaux de Lyon (1864-1867) et en fut renvoyé pour immoralité ; il dit, quant à lui, avoir démissionné parce qu’on ne l’acceptait pas pour commissaire spécial aux chemins de fer.

Il se fit marchand en bourre de soie et encourut six jours de prison pour faillite, à Lyon toujours, le 10 mars 1868 ; il revint alors à Paris, se mua en brocanteur et signa « Blanchet » des articles de journaliste ; après sa mise en faillite, il avait préféré changer de nom.

Durant le Siège, il fut garde national à la 5e compagnie du 60e bataillon et manifesta lors des journées du 31 octobre 1870 et du 22 janvier 1871 ; il s’occupa de créer la Légion garibaldienne.
Au 18 mars, il était membre du Comité central de la Garde nationale et il en signa toutes déclarations, proclamations et affiches du mois de mars. Le 18 mars, il fut rue Basfroi dès 8 heures du matin avec Assi, Gouhier et Rousseau, diffusant les consignes de prudence, optant pour la défensive quartier par quartier. Le 19, il signa les deux proclamations annonçant la libération de Paris, la levée de l’état de siège , les prochaines élections municipales, l’effacement du Comité central, et celles des 21, 22, 23, 24, 25, 28 mars, etc. Grâce peut-être à cela, fut élu membre de la Commune par le Ve arr., le 26 mars, par 5 994 voix sur 12 422 votants. Il appartint à la Commission de la justice dès sa formation et jusqu’au 21 avril ; ses interventions aux séances furent d’une efficacité et d’une violence purement verbales : il proposa, le 3 avril, d’arrêter les femmes des anciens mouchards ou agents de police et de les déférer au Comité de Sûreté générale ; il fit savoir, le 4 avril, qu’il avait fait réquisitionner des voitures pleines de vivres et de liquides, se trouvant dans des couvents de religieux du Ve arrondissement, prêtes à partir pour Versailles. Le 5, il participe à la discussion sur le droit de battre le rappel. Le 6, il proposa que tout réfractaire soit immédiatement déféré au conseil de guerre. Le 7, il se porta garant des idées républicaines de Dombrowski et le présenta comme un militaire consommé. Le 8, il participa à la discussion sur le secours à apporter aux veuves et aux orphelins des gardes nationaux tués. Le 9, il propose que “vu les mauvais traitements infligés aux prisonniers à Versailles, il soit usé de représailles contre les otages”. Il regretta que le décret contre les réfractaires ne fût pas plus radical contre les fuyards et les riches (15 avril). Les jours suivants, il prit part aux discussions sur la colonne Vendôme, sur l’incorporation des soldats dans la Garde nationale. Le 14, il vota pour que “toute arrestation soit immédiatement notifiée au délégué de la Commune à la Justice”. Le 18, à propos de la prise d’Asnières, il défendit Cluseret “qui donne des preuves de capacité, de républicanisme, de modestie”. Le 19, il vota pour la validation des élections complémentaires. Le 22, il demanda que la délégation scientifique soit “nommée sans dénomination et sans en parler”. Ce même jour il critiqua l’insuffisance de l’assemblée : « Je constate que, depuis quelques jours, la Commune se suicide en n’agissant pas assez et, si elle n’agit pas, la Révolution est perdue [...] Parlons moins, agissons plus... » (22 avril). Après son intervention, il s’attira cette réplique de Varlin : ”Ceux qui crient les plus forts ne sont pas ceux qui font le plus”. Le 23, il se plaignit de la désorganisation militaire, de l’absence de vivres et de souliers. Le 24, il dit ne pas comprendre la suspension d’armes de Neuilly “en faveur de gens qui nous trahissent peut-être” et protesta contre la décision de la Commune de pouvoir réviser les jugements de la Cour martiale. Le 26, il alla beaucoup plus loin : « Je propose que la Commune prenne plusieurs gendarmes dans les prisons [...]. Qu’on les fusille au petit jour ! » Il vota pour le Comité de Salut public Le 27, il proposa que tous les anciens soldats aient droit à une retraite. Le 28, il demanda que “les officiers d’état-major, dont les trois-quarts sont inutiles à Paris, soient envoyés aux avant-postes”. Il se plaignit de la désorganisation à la Guerre, la nourriture, la présence de bonapartistes, gardes de Paris, dans les bataillons, etc. “Si ce n’est pas de la trahison, cela arrive au même”.
Le 1er mai, il vota pour le Comité de salut public “attendu que, si la Commune a su se faire aimer de tous les honnêtes gens, elle n’a pas encore pris les mesures indispensables pour faire trembler les lâches et les traîtres...”. Il demanda ensuite la publication du vote nominal motivé. Le 3, il proposa un décret : “les édifices religieux étant biens communaux, ne doivent être utilisés que sur la proposition de la Commune auprès de chaque municipalité”. Au cours d’une de ses interventions, il s’attira une réplique de Delescluze “contre ceux qui trouvent qu’on ne fait jamais assez, et qui pour leur part ne font rien que de stériles récriminations”.

Pourille fut dénoncé le 5 mai par Raoul Rigault comme ayant fourni sous l’Empire des renseignements à la police de Lyon ; à l’interrogatoire que lui fit subir Ferré, il reconnut être Pourille, secrétaire du commissaire de police à Lyon et avoir été capucin durant huit ou neuf mois ; il démissionna, fut arrêté et enfermé à Mazas. Dès le soir de son incarcération, il protesta : “Je n’ai pas été interrogé par la commission d’enquête... Je suis prêt à répondre à la commission de Sûreté générale qui a cru devoir m’interroger sans la commission d’enquête, me faire arrêter et donner ma démission que la Commune ne peut accepter dans les circonstances actuelles d’après sa décision, à moins qu’après m’avoir entendu elle croie devoir me chasser de son sein”. Il souhaitait être jugé par l’Assemblée communale, et contesta la validité de sa démission. Ses efforts furent vains. Deux semaines plus tard, il renouvela sa protestation dans un billet adressé à plusieurs membres de la Commune, toujours sans résultat. Il ne sortit de Mazas que le le 25 mai, lorsque les fédérés ouvrirent les portes.

Le 3e conseil de guerre, le jugeant en tant que membre de la Commune, le condamna, le 30 décembre 1872, à la peine de mort ; par contumace, car il s’était réfugié à Genève. Après Genève, il s’exila en Amérique du Sud, et on le retrouve en 1875 à Buenos Aires (Argentine) à la tête d’un journal de langue française, Le Révolutionnaire (qui parut du 9 juillet 1875 au 24 janvier 1876), de tendance républicaine et très anticléricale. Il s’y présentait comme le continuateur de Rousseau, Robespierre, Saint-Simon, Cabet, Leroux, Edgar Quinet et Garibaldi. Il y défendait la mémoire de la Commune et y parlait de la “lutte des classes” opposant “la classe bourgeoise” et la “classe prolétaire”. Cette feuille disparut après avoir tenté de se transformer en édition bilingue, et la trace de Pourille se perd ensuite.

Ni les suspicions des fédérés ni la sévérité du conseil de guerre ne suffirent tout à fait à prouver l’appartenance de Pourille à la police impériale ou, au contraire, son innocence ; aucune trace probante non plus, en un sens ou en l’autre, dans les archives. N’était-il pas tout simplement un homme faible, emporté par les remous d’une époque violente ? Il abandonna tour à tour les professions les plus diverses et pour des raisons parfois étranges — ne lui aurait-on pas reproché au couvent de caresser les chats ? — et son œuvre d’écrivain ne semblait pas avoir plus de relief que sa vie elle-même.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article68901, notice POURILLE Stanislas [POURILLE Jean-Baptiste, Stanislas, Xavier, dit BLANCHET] [BLANCHET-POURILLE] [PORILLE] par Notice revue et complétée par Michel Cordillot, version mise en ligne le 26 juillet 2009, dernière modification le 30 juin 2020.

Par Notice revue et complétée par Michel Cordillot

ŒUVRE : Dans sa jeunesse, il fonda un journal d’étudiants, le Sans le Sou, devenu l’Appel, puis le Rabelais. — À Napoléon III, La France et l’Italie (signé S. Pourille), Mulhouse, J.-P. Risler, 1859 : il célébrait le grand souverain libérateur de l’Italie et architecte de Paris. — La critique européenne, ou Chansons nouvelles sur la guerre d’Orient, par Stanislas Pourille, Paris, Gauvin, 1854. — Vingt et un mois de vie monastique, par Saint-Alespol (Stanislas Pourille), Paris, A. Lacroix, Verbœckhoven, 1868. — De 1848 à 1870, abrégé historique, Causes de la défaite de la Commune de Paris, Genève, 1872.

SOURCES : Arch. Nat., BB 24/859 B. — Arch. Min. Guerre, 3e conseil. — Arch. PPo., listes de contumaces et listes d’exilés. — P.V. Commune, op. cit. — J. Clère, Les Hommes de la Commune, op. cit. — Vérecque, Dictionnaire du Socialisme, Paris, 1911. — Georges Laronze, Histoire de la Commune de 1871. D’après des documents et des souvenirs inédits. La justice, Paris, Payot, 1928. — Ricardo Falcón, Los Orígenes del movimiento obrero (1857-1899), Buenos Aires, Bibioteca politica argentina, 1984, p. 92-93. – Notes de L. Bretonnière, D. Chérouvrier et M. Cordillot. — Michel Cordillot (coord.), La Commune de Paris 1871. L’événement, les acteurs, les lieux, Ivry-sur-Seine, Les Éditions de l’Atelier, janvier 2021.

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