RAZOUA Eugène [RAZOUA Angel, Eugène, dit Marcas J., Martinez E., Mercutio, Meylan J., Radzine]

Né le 16 juillet 1830 à Beaumont-de-Lomagne (Tarn-et-Garonne), mort le 29 juin 1878 ; franc-maçon — Voir Thirifocq E. ; commandant de l’École militaire sous la Commune de Paris ; membre de l’Internationale.

Par sa mère, Razoua appartenait aux maisons aristocratiques des Raousset-Boulbon et des Cambyse. Son père le destinait à la prêtrise et l’enfant entra au séminaire avec son frère, tandis que sa sœur se faisait religieuse. Le frère devint prêtre, mais Eugène quitta le séminaire, entra dans la marine marchande et navigua durant quatre années à Lima, Rio de Janeiro, La Paz. À peine âgé de vingt ans, il s’enrôla dans un régiment de chasseurs à cheval, puis suivit les cours de cavalerie de l’école de Saumur, mais il en fut renvoyé en raison de ses opinions (il s’était affilié à une Marianne, société secrète républicaine). Il fut alors envoyé au 3e régiment de spahis en Algérie, y demeura quatorze ans et en revint avec plusieurs blessures et la médaille militaire (14 mars 1863). Il fut libéré cette même année ; il avait alors le grade de maréchal des logis. Tony Révillon l’a décrit ainsi à cette époque (cf. La Marseillaise, 19 août 1878) :
« De taille moyenne, maigre, les cheveux coupés ras dessinant les cinq pointes sur le front ; le visage bronzé, allongé par une barbe en pointe, le nez en bec d’aigle, de grands yeux bruns profondément enchâssés sous une arcade sourcilière nette comme l’arête d’une voûte, l’air grave, Razoua semblait porter l’Afrique française dans les plis de son manteau. »

Revenu à la vie civile, Razoua écrivit dans le Réveil de Delescluze. En juillet 1870, il comparut devant la Haute Cour siégeant à Blois pour complot contre la sûreté de l’État et contre la vie de l’empereur. L’accusation fut abandonnée, mais il avait fait six mois de prison préventive.
La République proclamée, Razoua devint chef du 61e bataillon de la Garde nationale. Ayant pris part à la journée révolutionnaire du 31 octobre 1870, il fut révoqué de son grade. Le 6 février 1871, il fut élu député de la Seine. Comme son ami Delescluze, il démissionna.

Sous la Commune de Paris, il retrouva son commandement au 61e bataillon. Les 3 et 4 avril 1871, il participa à la marche sur Versailles comme chef d’état-major du général Duval. Lieutenant-colonel, commandant l’École militaire, il fut désigné le 16 avril pour faire partie de la première cour martiale (ordre de Cluseret — cf. J.O. Commune, 17 et 18 avril). Il fut remplacé le lendemain. Un mois après, le 12 mai, il fut nommé juge titulaire à la seconde cour martiale (cf. J.O. Commune, 13 mai). Après avoir ordonné l’évacuation de l’École militaire le 22 mai, il se retira chez lui, puis chez un ami d’où il ne bougea plus jusqu’à son départ pour Genève le 23 juin au soir.

Le fait d’avoir « lâchement abandonné son poste dès le 22 mai » lui valut des critiques (cf. Johann-Ph. Becker à Sorge, 31 août 1871, Correspondance F. Engels, K. Marx et divers, Costes, Paris, t. I, 1950). Notons toutefois qu’il avait la réputation d’être « très brave » (cf. Lepelletier, Histoire de la Commune, op. cit., t. I, p. 116).
Par contumace, le 3e conseil de guerre le condamna, le 30 août 1872, à la peine de mort. Il était à Genève depuis le 24 juin grâce au baron Ezpeleta, un ancien compagnon d’armes, officier de l’Empire, qui lui avait fourni un passeport au nom de Esteban Martinez et avait tenu à l’accompagner lui-même en Suisse. Le 17 juillet, Razoua fut arrêté, mais relâché six semaines plus tard, le gouvernement français n’ayant pu prouver qu’il était « un pillard, un assassin, un incendiaire ».
En Suisse, Razoua fut un des fondateurs et administrateurs du restaurant coopératif pour réfugiés, « la Marmite sociale ». Membre de la Section de propagande et d’action révolutionnaire socialiste de Genève constituée le 8 septembre 1871 sur initiative de proscrits français — voir Dict., t. IV, p. 80 — il fut également président, en avril 1873, de la société de secours mutuels « La Parisienne ». D’une façon générale, il prit une part active à toutes les manifestations de l’Internationale « antiautoritaire » et des réfugiés de la Commune. En février 1874, il assista à la première réunion d’une Loge maçonnique constituée par des éléments révolutionnaires. Il vivait pauvrement lorsqu’il aurait hérité de son frère curé, récemment décédé, une rente annuelle de 1 200 F (mais l’abbé Louis Razoua, curé de Puylaroque (Tarn-et-Garonne) est décédé le 6 janvier 1890, bien après son frère).
Lorsque Razoua mourut, le 28 juin 1878, aux Eaux-Vives (près de Genève), il allait avoir quarante-huit ans. Il fut enterré civilement. La bière était recouverte d’un drapeau rouge, celui du 22e bataillon fédéré (IVe arr.) « parsemé de branches d’acacia, symbole maçonnique ». Des discours furent prononcés par A. Arnould, Joukovsky, G. Lefrançais et Rochette.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article69391, notice RAZOUA Eugène [RAZOUA Angel, Eugène, dit Marcas J., Martinez E., Mercutio, Meylan J., Radzine], version mise en ligne le 26 juillet 2009, dernière modification le 7 février 2020.

ŒUVRES : (cotes de la BN) : Aventures de guerre et de chasse. Souvenirs d’un spahis (sic). Préface de Tony Révillon, Paris, 1866, in-18, 280 p., 8° Lk 8/792. — Demande de mise en accusation du gouvernement du 4 septembre, déposée à l’Assemblée nationale, le 6 mars 1871, par les citoyens Ch. Delescluze, F. Cournet et Eug. Razoua, Paris, s.d., in-4°, 3 p., 4° Lb 57/1511. — Les Grands Jours de la République, précédés de notices biographiques par Léon Cladel, Tony Révillon et Arthur Arnould, Paris, 1878, in-12, XLIX-331 p., 8° La 39/16.
E. Razoua aurait également fait paraître Le Fusillé (en Suisse) et un recueil de nouvelles : La Morte, mais ces œuvres ne se trouvent pas à la Bibl. Nat.
COLLABORATIONS : (liste alphabétique non exhaustive) : Les droits de l’Homme, 1876-1877, (il signe J. Meylan, Mercutio et Radzini). — L’Émancipation (Toulouse), article contre Vermorel, décembre 1871. — La Lanterne, 1877-1878. — La Marseillaise.Le Mot d’ordre, 1877 (il signe R.). — Le Nain Jaune, 1865. — Le Petit Journal (Suisse), 1876. Le Radical ; Le Républicain, 1878. — Le Réveil de Delescluze, Paris, 2 juillet 1868-23 janvier 1871. — Le Réveil, 1878 (il signe J. Marcas). — Le Réveil du peuple, 18 avril-22 mai 1871. — Le Réveil International (Genève) 1-9 octobre 1871. — La Révolution sociale, 26 octobre 1871-4 janvier 1872. — La Revue politique.Le Travail (Genève) 21 août-13 septembre 1873. — Le Travailleur (Genève), 1877. — La Vie Parisienne.Les Dernières Dépêches, dont il fut rédacteur en chef.

SOURCES : Arch. Nat. BB 24/859 B, n° 3258. — Arch. Min. Guerre, 3e conseil. — Arch. PPo., B a/1237 (avec deux lettres autographes datées Mazas, 6 juillet et 7 novembre 1870). — P.V. Commune, op. cit.,...La Marseillaise 19 août 1878 (articles de Léon Cladel et Tony Révillon. — L. Descaves, Philémon..., op. cit., pp. 72-74, 78, 79, 312. — M. Vuillaume, Mes Cahiers rouges, op. cit. — M. Vuilleumier, « Le gouvernement de Versailles, les autorités suisses et les proscrits de la Commune en 1871 », Le Mouvement social, n° 38, janvier-mars 1962. — Notes de Jean Pierre Bonnet.

ICONOGRAPHIE : On trouve plusieurs photographies de Razoua, dont une le montrant sur son lit de mort, dans son dossier des Arch. PPo., B a/1237. — Voir également [Bourgin G.->17590], La Commune, 1870-1871, op. cit., p. 304.

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