Né le 5 septembre 1848 à Franvillers (Somme) ; mort en 1929, officier de la Légion d’honneur ; professeur de mathématiques ; commandant fédéré en 1871, déporté en Nouvelle-Calédonie ; il fut par la suite directeur de l’école communale d’Oran et prit sa retraite en 1910.
Renard enseignait les mathématiques en 1870 à l’institution Fleury à Lagny (Seine-et-Marne). Le 1er avril 1870, il s’engagea volontairement au 17e bataillon de chasseurs à pied et fut démobilisé à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) le 7 mars 1871. Il avait passé l’année précédente à Douai (Nord), obtenu le grade d’adjudant, fréquenté des réunions publiques et écrit dans les journaux locaux. Le 25 mars, il obtint du sous-préfet un ordre de mission qui lui permettait de rentrer à Lagny, mais, après mûre réflexion, il vint se « mettre au service des forces gouvernementales de Paris » (sic). Il avait voulu s’adresser à Delescluze, on le mit en présence de Rossel qui incarna très vite à ses yeux l’idéal patriotique et républicain qui était le sien, et celui-ci le prit pour secrétaire dès le 7 avril, puis l’attacha à l’état-major du ministère de la Guerre et le chargea, avec titre de commandant, d’organiser les légions de la Garde nationale (5 mai). Il partageait les opinions de son chef (lettre du 17 mai 1871, à son dossier du 5e conseil de guerre) : « Les armées permanentes ne servent et ne peuvent servir que le despotisme [...] Les citoyens que l’on abrutit dans les casernes ne produisent rien, consomment et deviennent des éléments démoralisateurs [...] Donc, plus d’armée permanente, plus de régiments homicides et fratricides qui méconnaissent les besoins et les droits du peuple [...] La République n’a pas besoin d’armée pour la sauver ; la République ne saurait périr. L’ombre sociale peut bien se faire un instant ; on peut déchirer la charte de l’humanité [...] mais qui ira arracher au fond des âmes les idées de liberté et d’égalité que la Révolution y a déposées ? »
Le 12 mai il écrivait à Delescluze : « Aucune considération ne saurait m’arrêter lorsqu’il s’agit de l’accomplissement d’un devoir [...] Je n’ai aucune ambition. Je ne sers pas les hommes, car les hommes sont fragiles, mais des principes, car les principes sont impérissables. »
Néanmoins, le 22 mai, il jugea la cause suffisamment compromise pour se cacher auprès d’amis parisiens ; il réussit à gagner la Belgique, Londres, et même, dès le 15 septembre 1871, à rentrer à Paris où il trouva un poste à l’institution Delahaye, boulevard des Batignolles ; mais lorsqu’il apprit l’exécution prochaine de Rossel, il se constitua prisonnier au commissariat, revendiquant ses responsabilités. « Cet acte, je le sais, paraîtra étrange à la génération ramollie et débilitée qui a vécu sous l’Empire [...] Ma conscience m’approuve... et c’est assez » (lettre écrite à Rossel).
Aux Chantiers où il était détenu, il organisa des cours de physique pour ses compagnons. Le 5e conseil de guerre le condamna, le 1er avril 1872, à la déportation dans une enceinte fortifiée ; il fut transporté à Oléron, au fort des Saumonards, puis la Garonne l’emmena en Nouvelle-Calédonie. En 1875, il confia au jeune fils d’un compagnon décédé un mémoire sur la déportation, pour le faire parvenir en France, mais tous deux furent envoyés en prison. En 1876, sa peine fut commuée en déportation simple ; il fut amnistié en 1879 et rentra par le Calvados en France, rapportant de l’exil la matière de deux livres à l’expression élevée, sans hargne ni grandiloquence : « Qu’est-ce qui a fait que je suis resté à la Commune ? C’est que je n’étais en rapport qu’avec d’honnêtes gens. Rossel et Delescluze furent mes chefs directs ; c’étaient deux nobles caractères. »
Son fils Édouard fit carrière dans l’administration et devint préfet de la Seine ; il trouva la mort en 1935 dans un accident d’avion, en AEF dont il venait d’être nommé gouverneur général.
ŒUVRES : Outre des ouvrages sur l’Algérie destinés aux enfants (histoire et géographie), deux publications concernent les suites de la Commune : Le Retour d’un amnistié, Paris, Muret, 1879, 72 p., Bibl. Nat., Lb 57/7246. — Lettres inédites d’un amnistié, Notes et impressions d’un passager du « Calvados », Amiens, 1880, 302 p., Bibl. Nat., Lb 57/7275.
SOURCES : Arch. Min. Guerre, 5e conseil de guerre (cartons 336 à 350). — Arch. PPo., E a/103/23 et listes d’amnistiés. — Actualité de l’histoire n° 6, note rectificative envoyée par M. Mouret à propos des archives du général Eudes.