Né le 1er janvier 1841 à Châtillon-sur-Seine (Côte-d’Or) ; mort à Bruxelles le 29 août 1871 ; avocat, journaliste ; élu membre de la Commune de Paris ; blanquiste.
Fils d’un petit propriétaire de la Côte-d’Or, qui s’était enrichi en lotissant et revendant des biens nationaux, Tridon fit des études classiques, puis « monta » à Paris faire son droit et devint avocat. Orléaniste converti aux thèses proudhoniennes, il fut condamné à la prison en raison d’un article paru dans Le Travail pour outrage à la morale publique et religieuse. Il connut Blanqui à Sainte-Pélagie et cette rencontre devait transformer sa vie. Sorti de prison, il devint membre du noyau blanquiste, « embryon du Parti » (Voir Casse G.) et donna au Journal des Écoles deux articles intitulés « les Hébertistes », qu’il compléta et édita ensuite. Le 3 mai 1865, il participa avec Blanqui au lancement du Candide dont les rédacteurs étaient P. Vaissier , E. Villeneuve, L. Watteau, le baron de Ponnat, Losson, J. Viette, Sumino (docteur Onimus). Le journal connut le succès et le troisième numéro fut tiré à 10 000 exemplaires. Mais un procès, 11-18 août, mit fin à son existence et Tridon fut condamné à six mois de prison et 100 f d’amende. Il se rendit alors à Liège et assista au congrès international des étudiants, 29 octobre-1er novembre, puis accomplit sa peine de prison.
Libéré le 12 juillet 1866, il assista au 1er congrès de l’Internationale, à Genève, en septembre, mais en mandataire de Blanqui et pour interdire finalement à ses camarades blanquistes d’y participer. Protot, qui avait passé outre, comparut devant ses pairs le 7 novembre 1866, au café de la Renaissance, dans le VIe arr. La police, au courant, arrêta tous les assistants. Après quatre mois de prévention, Tridon fut condamné à quinze mois de prison et 100 f d’amende (mars 1867). Voir Levraud Ed.
En 1868, aux côtés de Blanqui, Tridon suivit des tribunes les débats du troisième congrès de l’Internationale tenu à Bruxelles (6-13 septembre).
Lors du procès de Blois, il put fuir en Belgique avec Blanqui, et c’est par contumace qu’il fut condamné, le 9 avril 1870, à la déportation simple. « Cet homme de vingt-neuf ans est déjà usé. Il est voûté au point qu’on le croirait bossu, sa figure est criblée de boutons, ses joues pendent. Sa constitution débile, sa santé délicate ne lui ont pas permis de surmonter la vie militante fiévreuse et les séjours prolongés en prison. Il est d’autant plus sérieusement atteint qu’il ne trouve, en dehors des camarades de son parti, aucune affection solide, pas même celle de sa mère, triste créature qui osa le chasser alors que, traqué par la meute des argousins, il lui demandait un refuge » (M. Dommanget, Hommes et Choses de la Commune, p. 125).
Rentré après le 4 septembre, il signa le 6 septembre la déclaration tirée en affiche La Patrie en danger, qui commençait par la phrase : « En présence de l’ennemi, plus de partis ni de nuances... » (Voir Eudes). Trop malade pour prendre une part active aux « journées » d’octobre 1870 et de janvier 1871, il aida de sa plume et de sa fortune la Patrie en danger (7 septembre-8 décembre 1870). Dès le 8 septembre, il crie son sentiment généreux : « À nous tout ce qui souffre et pense, tout ce qui travaille et gémit, et dont la poitrine se soulève au nom de liberté ». Il réclame l’élection pour les officiers supérieurs (12 septembre) ; il distingue les « Vive la France » des « sections pimpantes des quartiers bourgeois » et les « Vive la République » des « bataillons faubouriens » (18 septembre). Il redoute que le personnel bonapartiste ne se perpétue en province à la faveur des élections (27 septembre) tandis qu’on évite soigneusement celles-ci à Paris. Il stigmatise le gouvernement matant la manifestation du 8 octobre : « Les élus du scrutin révolutionnaire auront une tout autre consécration que les intrus de l’Hôtel de Ville, tripotiers de paix à tout prix. »
Il fut arrêté le 4 novembre, à la suite du soulèvement du 31 octobre ; un mois plus tard, il attendait encore un jugement — qui le libéra. En tant que délégué des vingt arrondissements, il fut un des signataires de l’Affiche rouge du 6 janvier 1871, proclamation au peuple de Paris pour dénoncer « la trahison » du gouvernement du 4 septembre et pour mettre en avant trois mots d’ordre : Réquisition générale, rationnement gratuit, attaque en masse. Elle se terminait par ces mots : Place au peuple ! Place à la Commune ! Voir Ansel.
Il fut au nombre des 43 socialistes révolutionnaires présentés aux élections du 8 février par l’Internationale, la Chambre fédérale des sociétés ouvrières et la Délégation des vingt arrondissements de Paris. Élu par la Côte-d’Or, son département d’origine, il abandonna son siège avant le 18 mars 1871.
Il fut élu à la Commune, le 26, dans le Ve arr. par 6 469 voix sur 12 422 votants ; il recueillit également des voix dans le XVIIe (2 253 sur 11 394) et dans le XXe 1 304 sur 16 792).
Il était, le 29 mars, membre de la Commission exécutive, et passa à la commission de la Guerre, du 21 avril au 15 mai ; il vota contre le Comité de Salut public et signa le manifeste de la minorité : « La Commune de Paris a abdiqué son pouvoir entre les mains d’une dictature à laquelle elle a donné le nom de Salut public ». Voir Jourde F. Ses prises de position lors des séances de la Commune furent à la fois énergiques et libérales : il proposait de surseoir aux échéances pendant trois ans, avec au terme un intérêt de 2 % à payer par le débiteur, puis se rallia au projet de Beslay créant un comptoir servant d’intermédiaire (14 avril) ; il s’élevait contre le « chaos épouvantable » né des querelles autour de Cluseret (25 avril) ; il ne voulut pas du Comité de Salut public « où je crois voir poindre, dit-il, un comité de capitulation » (1er mai), et demanda avec énergie la publicité des séances (5 mai). Il poursuivait en même temps son activité de journaliste, dans la Montagne (2-25 avril) de Maroteau, et tout en fustigeant les pseudo-démocrates, il exaltait « les Hébertistes » (Voir les articles des 2 et 7 avril) : « Ils n’ont qu’une seule passion, l’idée. Ils s’abandonnent aux masses sans réserve comme sans mesure, ils ne travaillent point dans un but personnel, mais pour le triomphe d’un principe. La foi les guide, non le calcul ».
Épuisé, il mourut en exil, à Bruxelles, fin août 1871 ; sa tombe était, en 1873, un lieu de pèlerinage. Sa veuve habitait Châtillon-sur-Seine.
Il avait veillé à venir en aide à Blanqui en léguant sa fortune à Sophie Barrellier, sœur de Blanqui.
ŒUVRES (cotes de la Bibl. Nat.) : Les Hébertistes, plainte contre une calomnie de l’histoire, (avec une introduction, non signée, de Blanqui), Paris, 1864, in-8°, 48 p., 8° Lb 41/2149, 2e édit., 1871, 8° Lb 41/2149 A. — Gironde et Girondins, la Gironde en 1869 et en 1793, Paris (1869), in-8°, 32 p., 8° Lb 56/2157. — Du Molochisme juif, études critiques et philosophiques, Bruxelles, 1884 in-8°, 12 p.n, ch. et XXII, 232 p., A 20199. — œuvres diverses de G. Tridon, avec préface du Dr L. W. (Watteau), Paris, 1891, in-18, XXIV 300 p., 8° L 46/85.
SOURCES : Procès-Verbaux, op. cit. (voir les dates indiquées). — J.O. Commune, 31 mars et 3 avril. — Lissagaray, Histoire de la Commune, op. cit. — Vallès, l’Insurgé. — J. Clère, Les Hommes de la Commune, op. cit. — Dommanget, Hommes et Choses de la Commune, Blanqui et l’opposition révolutionnaire, op. cit., Blanqui... et la Commune, op. cit.