Par Louis Botella, Claude Pennetier
Né le 9 janvier 1917 à Lyon (Rhône), mort le 15 mars 1999 à Montigny-les-Corneilles (Val d’Oise) ; employé administratif, puis agent de maîtrise, puis cadre ; membre de la Résistance ferroviaire ; secrétaire général de la Section technique nationale FO des Bureaux et magasins (1957-1968) ; secrétaire général de l’Union des Centraux (1957-1966) ; membre du bureau de la Fédération FO des cheminots (1957-1968) ; militant socialiste SFIO puis trotskiste.
Enfant naturel d’une employée de bureau de La Guillotière, Camille Hartmann ne connut jamais son père génétique mais il fut reconnu, quatre ans après sa naissance, lors du mariage de sa mère, par un cheminot de Lyon-Perrache et porta dès lors, le nom de Pallordet . Camille Pallordet a toujours considéré ce père « adoptif », pour qui il avait une grande estime et affection, comme son père, lequel l’a toujours considéré comme son fils. Dans sa vie militante il utilisa parfois son premier nom de famille. La famille de sa mère était venue d’Alsace en 1875. Son père légal, gazé pendant la guerre, mourut après un long temps de maladie, lorsque l’enfant avait quatorze ans.
Titulaire du certificat d’études primaires, doué pour les études mais dans l’impossibilité d’en suivre, Camille Pallordet se fit embaucher comme apprenti chez l’imprimeur Bleuse, puis comme facteur aux PTT. Il avait fréquenté les prêtres du Prado en participant notamment aux activités théâtrales. Il se maria religieusement à Lyon, le 25 avril 1936, avec une modiste. dont il eut deux filles. Réformé par l’armée, il entra à la compagnie PLM en 1937 en gare de Lyon-Guillotière (Rhône). Intelligent, soucieux de s’instruire et de progresser professionnellement, il franchit de nombreux niveaux pour terminer comme cadre de la SNCF.
Camille Pallordet débuta sa carrière dans les gares de la région lyonnaise et participa activement à la Résistance à Lyon et à Maçon. Nommé à Paris à la Libération, sa famille vint le rejoindre rue de Charonne en mars 1945, dans un appartement trop petit pour sa femme et ses deux filles nées en 1937 et 1942. La SNCF lui fit obtenir un HBM pavillonnaire à Goussainville (Seine-et-Oise) en 1948. Son petit pavillon ayant été détruite par l’accident d’un Tupolev en 1973, il vécut à Beauchamps où sa femme, couturière à domicile, mourut en 1983. Remarié, il reconnut un fils.
Militant de la CGT au sein des Services centraux de la SNCF, il fut parti prenante la création, le 7 décembre 1947, de la Fédération syndicaliste des cheminots (FSC), qui succéda au Comité d’action syndicaliste (CAS), fondé le 27 juillet de la même année. La FSC fusionna, au début de mars 1948, avec FO pour donner naissance à la nouvelle fédération Force ouvrière.
Camille Pallordet fut élu en novembre 1954 au comité technique national de la branche Bureaux et magasins de sa fédération, au titre du syndicat des Centraux. En novembre 1957, il fut choisi par la conférence nationale pour diriger cette Section technique nationale. Il conserva cette fonction jusqu’en septembre 1968. Au cours du mois d’avril précédent, il avait avisé le secrétariat fédéral de sa décision de résilier cette charge fédérale. Jean Cherbut, de Bordeaux, assura, dans un premier temps, l’intérim, puis il fut confirmé au poste de secrétaire général.
À partir de mars 1957, il remplaça Jean Brunon comme secrétaire général du syndicat des Centraux (ce syndicat fut transformé, au début de l’année 1960, en une union de syndicats). C’est André Mons qui le remplaça en 1966 à la tête des Centraux.Lors de la réunion du 25 septembre 1959 du bureau fédéral, il s’abstint en raison de ses « conceptions propres à la création de la SNCFA » lors de la désignation des deux représentants de FO au sein du conseil d’administration de la SNCFA (SNCF d’Algérie). Cette position entraîna une réaction de Robert Degris, alors secrétaire fédéral, qui lui rappela que le conseil national de la fédération avait voté à l’unanimité (donc avec la voix de Camille Pallordet), en novembre 1958, en faveur du rattachement des Chemins de fer algériens (CFA) à la SNCF. Lors du congrès fédéral de 1961 à Puteaux, il se présenta simultanément aux postes de secrétaire général de la fédération (contre Fernand Laurent) et de secrétaire fédéral. Il fut battu à chaque fois.
Sa fréquentation des loges maçonnique fut très discrète et sans doute limitée dans le temps. Elle est avérée par les objets (tablier maçonnique) et les courriers au frère trois points qu’il laissa. Dans ce contexte l’entrée d’un de ses filles, Monique, en religion dans la congrégation des "Petites Sœurs de l’Ouvrier" fut pour lui une épreuve, une souffrance. Si, au départ en septembre 1964, il ne voulait pas venir la voir, il ne lui a jamais fermé sa porte : son respect de la liberté des choix de ses enfants étant pour lui une valeur importante. En novembre 1965 il lui exprimait sa souffrance : « je suis malheureux parce que je pense que tu te trompes… mais il m’aurait encore plus déplut d’avoir une fille qui ne vive que pour le beefsteak ». En 1968, il acceptait l’invitation de venir prendre un repas à la communauté de Sarcelles, où était sa fille qui par ailleurs avait fait le choix de travailler en usine. De là s’en est suivie une relation chaleureuse, dans le respect des choix de chacun, non seulement avec sa fille mais également avec toutes les sœurs de la congrégation.
Camille Pallordet, lié à la minorité trotskiste, s’opposa très souvent à la « ligne » fédérale et confédérale. Ce fut notamment le cas lors du congrès confédéral d’avril 1966. Il présenta, au nom d’une partie de la minorité confédérale, une motion dans le cadre de la discussion sur la résolution générale. Sa motion obtint 1 601 voix contre 10 675 pour celle présentée au nom de la majorité confédérale par Jean Rouzier, et 1 292 pour celle de Langlet (ou Lenglet) pour l’autre partie de la minorité confédérale. La motion Pallordet ne recueillit chez les cheminots que les mandats des syndicats d’Arras, Clermont-Ferrand, Marseille, Reims et de treize syndicats de la région parisienne sur les vingt-cinq représentés à ce congrès.
Lors de la conférence nationale des retraités des 21 et 22 avril 1982, il fut élu au bureau, au titre de l’Union des Services centraux.
Il avait été membre de la SFIO avant de rejoindre les rangs de l’organisation lambertiste au début des années 1960. Il y milita activement contre la guerre d’Algérie. Il a participa activement au « Mouvement pour un Parti des Travailleurs », puis aux débuts du « Parti des Travailleurs ».
Lors de son décès, Pierre Lambert vint, à Montigy-les-Cormeilles, à ses obsèques sans être autorisé par la famille à faire un discours militant. La commission des cheminots du Parti des travailleurs lui rendit un vibrant hommage dans l’hebdomadaire du parti Informations ouvrières : « ...Tête de mule et avec des difficultés pour te déplacer, tu as tenu à te réunir régulièrement avec les camarades cheminots actifs du parti. Tu as tenu à manifester notamment pour l’abrogation du traité de Maastricht... »
Par Louis Botella, Claude Pennetier
SOURCES : Arch. Fédération CGT-FO des cheminots. — Le Rail syndicaliste. — Informations ouvrières (hebdomadaire du Parti des travailleurs), 24 mars 1999. — Comptes rendus des congrès confédéraux FO de 1950 et de 1959 à 1969. — Notes d’Yves Barbarin, de Marie-Louise Goergen et d’André Mons. — Informations communiquées par Louis Buonaccorsi et Robert Poulet. — Entretien de Claude Pennetier avec sa fille Monique.