TAURINYA Mathilde, Rose, Thérèse [épouse PÉRI, dite GABRIEL-PÉRI Mathilde]

Par André Balent, Jean Risacher, Claude Pennetier

Née le 7 juin 1902 à Canet (Pyrénées-Orientales), morte le 16 décembre 1981 à Boulogne-Billancourt ; ouvrière ; militante communiste ; résistante ; députée de Seine-et-Oise (1946-1958).

Assemblée nationale, Notices et portraits, 1946

Fille d’ouvriers agricoles, ouvrière elle-même et militante de Parti communiste, Mathilde Taurinya était la sœur de Pauline Marty (elle était donc la belle-sœur d’André Marty et d’Albert Taurinya). Elle avait épousé à Paris en 1927 Gabriel Péri, qui fut arrêté quelques mois plus tard, le 27 mai 1927, pour ses articles dans l’Humanité et emprisonné un an à la prison de la Santé, ce qui perturba vite leur vie commune. Mathilde Péri fut une militante de base du PCF. La liaison de Péri avec Sofia Jancu l’éloigna des milieux dirigeants du parti, d’autant que sa sœur Pauline avait quitté Marty en 1937. Domiciliée à Maureillas (Pyrénées-Orientales) avec sa mère, elle militait au PCF.

Après 1937, date de la séparation de sa sœur Pauline Marty avec André Marty Mathilde Péri éleva une jeune Espagnole avec sa sœur qui en était la mère et dont le père était son compagnon, un républicain espagnol, fusillé par les franquistes en 1939.

Mathilde Péri qui avait été internée administrative le 21 mai 1940 au camp de Rieucros, commune de Mende, (Lozère) puis libéré le 31 décembre 1941. Elle avait signé le 25 décembre 1941 une déclaration "sur l’honneur, à ne pas me livrer, dans l’avenir, à aucune activité politique ou anti-nationale et d’observer un loyalisme parfait à l’égard du Gouvernement". Elle vécut ensuite à Chateaurenard (Bouches-du-Rhône) où elle apprit l’exécution de son mari.

C’est à son avocate, Odette Moreau que Gabriel Péri fit communiquer sa dernière lettre qui contenait ces mots :
« C’est vous qui annoncerez à Mathilde que je suis mort la tête haute. Dites-lui que j’ai eu un repentir : celui de ne lui avoir pas toujours fait la vie sérieuse qu’elle méritait. Mais dites-lui de porter fièrement le voile de veuve.
 
Qu’elle élève ma petite nièce dans l’esprit où son oncle a vécu.
Voyez très rapidement mon amie [Sofia Jancu]. Qu’elle soit la dépositaire intellectuelle de ma mémoire comme elle a été ma grande conseillère. Je la supplie de me continuer. »
 
Mathilde écrivit de Chateaurenard à sa soeur Pauline Taurinya, internée à Rieucros, le 15 janvier 1942 :
Ma petite Pauline,
La confirmation de la mort de mon pauvre Gabriel m’est arrivée brutale et douloureuse. Je suis accablée de Chagrin et je ne puis réaliser envore que je ne le reverrai plus. Sa disparition est plus déchirante après l’espoir du mois de septembre.
Le renvoi de mes cartes m’avait bien angoissée mais je m’étais surtout accrochée à l’idée du transfert.
Ce sont les allemands qui l’ont fusillé le 15 Décembre avec 94 de ses amis, quelle atrocité. Il est mort courageusement, digne jusqu’à sa dernière minute de sa fidélité à son idéal. Aucun châtiment ne peut atteindre une telle grandeur d’âme tandis qu’il avive le ressentiment des autres.
Son avocate a pu lui dire adieu et l’embraser. Pendant ses dernières heures sa pensée a té constamment près de moi et il me demande d’élever notre Pepete à son image.
On m’a dit qu’il m’avait écrit et on m’a promis de me faire parvenir cette lettre et on a recueilli ses effets personnels.
Ma pauvre chérie, nous sommes frappées douloureusement l’une et l’autre mais nous puiserons dans notre épreuve atroce beaucoup de courage pour exaucer son voeu et celui de Vincent.
Je te serre dans mes bras avec toute ma tendresse profonde.
Mathilde
Transmets à nos amies mes pensées affectueuses."

En dépit de son rôle discret avant guerre, le PCF demanda à Mathilde de porter haut le nom de Gabriel Péri et en fit une de ses figures de proue en région parisienne. Elle fit partie de la commission politique désignée par le Comité central tenu à Ivry-sur-Seine les 21-23 janvier 1945. Mathilde Péri fut déléguée à l’Assemblée consultative provisoire en 1944, députée aux deux assemblées constituantes en 1945-1946 puis élue députée de de la 1re circonscription de Seine-et-Oise (Argenteuil-Bezons) en 1946, 1951 et 1956. Elle fut vice-présidente de l’Assemblée nationale en 1946-1947 et présidente de l’Association des familles de fusillés.

Contrainte, à contre-cœur, de condamner son ancien beau-frère André Marty et Charles Tillon fin 1952 et en 1953, elle en souffrit, d’autant qu’un de ses frères, Albert Taurinya, aida Marty puis livra sa correspondance au Parti. Son siège de député fut perdu en novembre 1958 et reconquis le 18 novembre 1962 par Léon Feix*. Mathilde Péri très dépressive, n’était pas en état d’assister aux cérémonies en l’honneur de Péri en décembre 1960 ; la police croyait savoir qu’elle était hospitalisée en région parisienne après avoir refusé de se faire soigner en URSS. Elle mourut le 16 décembre 1981 à Boulogne-Billancourt.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article73138, notice TAURINYA Mathilde, Rose, Thérèse [épouse PÉRI, dite GABRIEL-PÉRI Mathilde] par André Balent, Jean Risacher, Claude Pennetier, version mise en ligne le 3 août 2009, dernière modification le 13 novembre 2022.

Par André Balent, Jean Risacher, Claude Pennetier

Assemblée nationale, Notices et portraits, 1946

SOURCES : Notices Dora Dutriévoz, Marius Fabre, Léon Feix, Raymonde Louvatière, Jean Marcenac, Pauline Marty, Gabriel Péri, Louis Porte, Albert Taurinya. — Arch. Dép. Pyrénées-Orientales, versement du cabinet du préfet (13 septembre 1951), liasse 169, liste des suspects du point de vue national. — Le Monde, 18 décembre 1981. — Service de censure du camp de Rieucros., communiqué par Michèle Descolonges.

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