Par Justinien Raymond, Madeleine Rebérioux
Né le 2 janvier 1871 à Brest (Finistère), mort le 25 octobre 1944 à Paris ; tour à tour professeur, avocat, journaliste ; se singularisa dans le mouvement socialiste avant 1914 par un antimilitarisme violent et une négation totale de la patrie pour verser, aux approches de la Première Guerre mondiale, et le conflit venu, dans un nationalisme exalté qu’il continua à la prôner par la suite.
Gustave Hervé, qui devait s’illustrer dans l’antimilitarisme et dans l’irrévérence à l’égard du drapeau, était le fils d’un militaire et le petit-fils d’un « pavillonneur ». Son père, sergent-fourrier, remplissait les fonctions de maître-marinier à l’arsenal de Brest et son grand-père avait été fabricant d’emblèmes et de fanions dans le port. Sa mère, Anne Le Goualch, étant issue d’une famille de paysans du Finistère, Gustave était, par toute son ascendance, un Breton de Bretagne bretonnante. Si l’opiniâtreté et l’entêtement en sont vraiment les traits caractéristiques, l’ardeur que Gustave Hervé mit à conquérir une position sociale, la passion exclusive et l’outrance avec lesquelles il s’attacha à ses convictions et les défendit, en font un type représentatif de sa province.
Il naquit dans un foyer aux ressources très modestes dont la situation devint plus précaire à la mort du chef de famille laissant quatre enfants en bas âge. Gustave en était l’aîné : il avait dix ans. Il ne pouvait donc être d’un grand secours pour sa mère, à laquelle, heureusement, ne manquaient ni l’intelligence ni l’énergie et dont il a pu recueillir la leçon. Élève remarqué à l’école communale, il attira sur lui l’attention bienveillante d’un voisin. Ce dernier, adjoint au maire de Brest, lui fit allouer une bourse et lui ouvrit ainsi les portes du lycée où il fut élève de 1882 à 1889 et où il brilla surtout en anglais et en histoire (cf. Palmarès du lycée). Esprit frondeur, rebelle à la règle, il eut souvent maille à partir avec une discipline exigeante, sans que sa formation intellectuelle en souffrît, puisque, à dix-huit ans, il était bachelier avec mention « Bien » et admis en classe de Lettres au lycée Henri-IV à Paris.
Il n’y passa qu’un an. Les exigences matérielles, personnelles et familiales, le contraignirent à chercher un gagne-pain. Il trouva celui de l’étudiant pauvre : il se fit « pion ». Pendant deux ans, surveillant au lycée de Laval, au traitement mensuel de cinquante-cinq francs, il put secourir les siens. Sa situation s’améliora quelque peu quand, imposé par l’État, il occupa la chaire d’histoire au collège privé de Lesneven, seul laïque de tout le personnel avec lequel l’anticlérical qu’il était déjà entretint les meilleures relations. Son enseignement l’ayant rendu suspect, il fut remercié au bout d’un an et redevint « pion » à Saint-Brieuc en 1894, puis au lycée Lakanal à Sceaux, enfin au lycée Henri-IV, après avoir été quelques mois chargé de cours à Sens. Durant ces années difficiles, Gustave Hervé, stimulé par la médiocrité de sa condition, prépara l’agrégation d’histoire avec la persévérance têtue d’un Breton et l’obtint en 1897. Il fut alors nommé professeur au lycée de Rodez.
Sa vie politique commença en même temps que sa carrière professorale et, dès le début, attira sur lui le scandale. L’affaire Dreyfus agitait déjà l’opinion. Après avoir passé les vacances d’été à Brest où il côtoya les milieux révisionnistes, il gagna Rodez et se jeta dans la lutte, fixant sans doute par ce premier combat antimilitariste son orientation future. Ses écrits, ses discours lui attirèrent l’hostilité de l’opinion et des autorités universitaires. Il quitta Rodez pour Alençon, tranquille petite cité normande où il ne pouvait pas davantage trouver d’écho. Grâce à une permutation, il retourna au lycée de Sens en 1899 et joua aussitôt un rôle important à l’Université populaire. Un mouvement socialiste déjà assez solidement implanté dans le département allait l’accueillir et lui servir de tremplin.
Les groupes socialistes de l’Yonne, épars, d’esprit et d’obédience allemanistes, s’étaient d’abord ralliés à la fédération de l’Est, du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire (POSR), couvrant plusieurs départements. Depuis 1897, ils constituaient une fédération qui s’étendait à l’ensemble du département. À son arrivée à Sens, Gustave Hervé lui donna son adhésion et, bientôt, avec elle, s’affilia au Parti socialiste français naissant. Au sein de ce parti jauressiste, avant le congrès de Tours où il devait, en mars 1902, parachever son organisation et fixer son programme électoral, Gustave Hervé fut un des animateurs de la campagne dirigée contre le ministérialisme et contre la prétention des députés à régenter le parti. Mis en minorité, il s’inclina. Mais, au lendemain du congrès de Bordeaux (avril 1903), où il avait tenté, en vain, de faire exclure Millerand, il s’en sépara et poussa la fédération de l’Yonne à reprendre sa liberté, ce qu’elle fit en s’érigeant en fédération socialiste révolutionnaire autonome. En août, quelques-unes de ses sections la quittèrent pour former une fédération adhérente du Parti Socialiste de France (USR) : Hervé, en 1904, préconisa cette adhésion, mais il ne fut pas suivi par la majorité de la fédération. Les militants de l’Yonne, lorsque l’unité se réalisa, n’étaient pourtant séparés que par des divergences minimes. Gustave Hervé fut un de leurs cinq délégués au congrès unitaire de la Salle du Globe à Paris (avril 1905). Il signa, au nom des fédérations autonomes, la déclaration de la commission d’unification qui servit de charte unitaire, aux côtés de J.-B. Lavaud pour le POSR, de Louis Dubreuilh pour le Parti socialiste de France et de Albert Orry pour le Parti socialiste français. Il fut élu à la première CAP de la SFIO où il siégea jusqu’au congrès de Saint-Quentin (1911), et pendant plus d’un an au début de la guerre.
À peine intégré à la fédération socialiste de l’Yonne, Gustave Hervé s’y signala par son dévouement et donna au mouvement antimilitariste latent qui y cheminait une impulsion et une vigueur telles qu’on lui en attribua, à tort, la paternité exclusive : le lancement du Pioupiou de l’Yonne en 1900 était indépendant de l’arrivée de Gustave Hervé à Sens. Le 28 mai 1905, dans une controverse publique avec Jean Jaurès, Hervé lui-même déclara expressément que sa conception n’était pas sortie « du cerveau d’un intellectuel aimant à jongler avec les idées abstraites (...) Ce n’est pas une doctrine de mon cru (...), affirmait-il. Je l’ai vue jaillir, avant de me rallier à cette idée, du cerveau d’un grand nombre de militants socialistes de l’Yonne... » (L’Humanité, 29 mai 1905).
Il reste que Gustave Hervé donna aux thèses antimilitaristes un rayonnement jusque-là inconnu et les poussa à leurs conclusions extrêmes. À son arrivée dans l’Yonne, par une conférence à Villeneuve-l’Archevêque sur l’« Idée de Patrie », qu’il rejetait, il attira l’attention. Il poursuivit, sur ce thème, son œuvre de prosélytisme, par la parole et par le journal, dans l’Yonne et hors du département, dans le Travailleur socialiste de l’Yonne auquel il collaborait depuis avril 1900, comme à l’Action où il entra en avril 1903. Journaliste violent, pamphlétaire à la langue truculente, homme plein de bonté et souvent de délicatesse, « commis voyageur » infatigable du socialisme dans l’Yonne, il n’était guère orateur. « Petit homme, gras et replet », à la « figure joviale », timide et myope, il débitait sa leçon sur un ton professoral, « d’une voix aux inflexions étranges, allant du mode suraigu aux profondeurs caverneuses des basses nobles » (cf. V. Méric, op. cit., p. 201). Cependant, il prenait les foules par son ton direct, ses affirmations péremptoires, ses sarcasmes, au besoin par ses injures. Au lendemain du congrès d’unité de 1905, il clama, au Tivoli-Vauxhall, son idée de la grève insurrectionnelle contre toute menace de guerre. Il condensa sa pensée dans une motion qu’il fit adopter par la fédération socialiste de l’Yonne à son congrès d’Auxerre, le 18 juin 1905, et qu’il défendit aux congrès nationaux de Limoges (1906) et de Nancy (1907) où elle recueillit 31 et 49 mandats : « Le congrès, y est-il dit, considérant que peu importe aux prolétaires l’étiquette nationale et gouvernementale des capitalistes qui les exploitent ; que l’intérêt de classe des travailleurs est, sans diversion possible, la lutte contre le capitalisme international, répudie le patriotisme bourgeois et gouvernemental qui affirme mensongèrement l’existence d’une communauté d’intérêts entre tous les habitants d’un même pays ; affirme que le devoir des socialistes de tous les pays est de ne se battre que pour instituer le régime collectiviste ou communiste et le défendre lorsqu’ils auront réussi à l’établir, et en présence des incidents diplomatiques qui, de divers côtés, menacent de troubler la paix européenne, invite tous les citoyens à répondre à toute déclaration de guerre, de quelque côté qu’elle vienne, par la grève générale et l’insurrection » (cf. H. Rouger, op. cit., t. III, pp. 112-113). Hervé porta ses thèses dans l’Internationale. Au congrès de Stuttgart (1907), après avoir entendu Bebel « avec stupeur et tristesse », il reprocha à la social-démocratie allemande son attitude passive face à la Révolution russe et sur la question du Maroc. « Je sais d’ailleurs, depuis Amsterdam, lança-t-il à la délégation allemande, ce que cachait notre verbalisme révolutionnaire. Vous n’avez plus de courage ! », et, véhément, il interrogea : « Si la guerre éclatait entre la France et l’Allemagne et que votre gouvernement repoussât l’arbitrage, que feriez-vous ? Répondez sans métaphysique... » Il répondit lui-même : « Trop d’entre vous se soumettent au Kaiser, Bebel, en toute amitié... » (L’Humanité, 20 août 1907).
Ainsi, Gustave Hervé rejetait toute idée de défense nationale en régime capitaliste, quels que soient la cause et l’instigateur du conflit. « Il y a, entre le patriotisme et l’internationalisme, une opposition irréductible », avait-il déjà proclamé, face à Jean Jaurès. Dire qu’on ne défendra sa patrie que si elle est attaquée, « ce serait très beau..., si on savait exactement qui est l’agresseur », mais, comme les fauteurs de guerre pourront toujours accuser l’adversaire d’être l’agresseur, cela revient à dire que « nous la défendrons dans tous les cas. » Il fixa la conduite à tenir : « s’organiser », « résister à la guerre quelle qu’en soit la cause, d’où que vienne l’agresseur » ; ne pas rejoindre pour ne pas se « déraciner », « s’embrigader », abandonner le champ de bataille connu. Quand ceux qui veulent mourir auront rejoint leur corps, « lorsqu’il n’y aura plus que la gendarmerie, alors, dans tous les centres ouvriers, nous nous chargeons de faire triompher la révolution sociale ». À l’accusation d’ouvrir la porte à l’invasion, Gustave Hervé répliquait, se plaçant dans l’hypothèse d’une attaque allemande, que le peuple ne serait, par elle, ni spolié, ni réduit en esclavage, ni privé de sa langue, ni de la liberté de la presse, ni de la liberté syndicale, même si la police a la main un peu lourde. « On nous enlèverait la forme républicaine et le régime parlementaire : cela serait une perte, j’en conviens... Mais, rétorquait-il, compensée par la chute d’une frontière ». Il n’envisageait cette éventualité que parce qu’il croyait pouvoir la rejeter comme « un rêve monstrueux ». Il ne voulait pas faire l’« insulte gratuite au prolétariat socialiste allemand de croire que ces trois millions d’électeurs socialistes allemands marcheront... » (L’Humanité, 29 mai 1905).
Ces thèses n’étaient pas nouvelles, mais Gustave Hervé les formulait sur un ton nouveau et à un moment nouveau, alors que grondaient les menaces de guerre. Le socialisme international les avait toujours repoussées, notamment à Bruxelles en 1891 contre le Hollandais Domela Nieuwenhuis. La CAP du Parti socialiste rappela ce précédent dans sa propre condamnation de l’hervéisme du 19 mai 1905. Ses adversaires socialistes accusaient Hervé de tomber dans l’anarchisme ou dans le pacifisme bourgeois. Il s’en défendait : « Je n’ai jamais été et (...) je ne suis pas du tout anarchiste », assura-t-il au cours de sa controverse parisienne avec Jean Jaurès. Je suis « collectiviste », « marxiste », certainement en désaccord, sur des questions de tactique, avec le citoyen Jaurès, avec le citoyen Viviani, avec le citoyen Gérault-Richard, mais je suis un collectiviste comme eux, qu’ils le veuillent ou non. » Il poursuivit : « Je ne suis nullement un tolstoïen. Je considère la doctrine de Tolstoï, quelque respect que j’aie pour sa personne, comme une doctrine contre nature ; il est contre nature que lorsqu’on vous frappe sur la joue droite, vous tendiez la joue gauche ; en tout cas, c’est contre ma nature à moi... » (ibid).
Ces théories ne pouvaient manquer d’attirer sur Gustave Hervé, professeur, les peines administratives, en même temps que la répression judiciaire, d’autant qu’il était l’objet de très vives attaques auxquelles ne répondait pas une défense aussi vigoureuse du Parti socialiste que son attitude gênait. Lorsqu’il prenait sa défense, et il n’y manquait jamais, Jean Jaurès mettait toujours en lumière ce qui le séparait d’Hervé, ce qui distinguait l’hervéisme de la doctrine socialiste. R. Viviani, le déclarant « isolé » dans le Parti, (L’Humanité, 4 mai 1905) et Fr. de Pressensé, répudiant formellement ses thèses (L’Humanité, 6 juin 1905), lui étaient autrement plus hostiles. Au surplus, Hervé semblait, par plaisir, chercher le scandale. Au Travailleur socialiste de l’Yonne sous l’anonymat de « Un Sans-Patrie », il se faisait volontairement provocant. Son article « Le drapeau de Wagram » (6 juillet 1900), à l’occasion de l’anniversaire de cette bataille, fit sensation : « Wagram, journée de honte et de deuil ! écrivit-il. Une grande nation qui venait de proclamer les droits de l’Homme et du Citoyen était, depuis dix ans, amoureuse d’un bandit en uniforme. Arrivé aux grandeurs par la guerre, il jugeait la guerre indispensable au maintien de son trône ; elle était devenue pour lui un besoin impérieux, une vraie passion de joueur. Il avait su communiquer à la France sa folie de meurtre... » Et, après avoir raconté les péripéties de cette bataille sanglante en suivant le récit de Thiers, il poursuivait : « C’est cette victoire napoléonienne, cette victoire de l’homme qui étrangla la Première République, que la Troisième République fait glorifier par ses soldats (...) C’est ce carnage, cette grillade de blessés et de mourants, cet incendie de récoltes que la République française, au XXe siècle, fait célébrer par des fils d’ouvriers pacifiques et de jeunes paysans laborieux. C’est cette soulographie de toute une armée vidant les caves des paysans autrichiens avant de maltraiter leurs filles !... » Et Gustave Hervé terminait comme en quête d’un objet de délit : « Tant qu’il y aura des casernes, pour l’édification et la moralisation des soldats de notre démocratie, pour déshonorer à leurs yeux le militarisme et les guerres de conquête, je voudrais qu’on rassemblât, dans la cour principale du quartier, toutes les ordures et tout le fumier de la caserne et que, solennellement, en présence de toutes les troupes en tenue n° 1, au son de la musique militaire, le colonel, en grand plumet, vînt y planter le drapeau du régiment. »
Gustave Hervé ne put se dissimuler longtemps derrière l’anonymat. Un archiprêtre de Sens, Ollivier, s’étonnait du savoir théologique dont témoignait le « Sans-Patrie » du journal socialiste quand il abordait les problèmes religieux. Il soupçonna Gustave Hervé, peut-être à cause des relations familières qu’entretenait ce dernier avec le pasteur protestant de la ville. Pour l’obliger à se découvrir, il l’attaqua dans La Croix de l’Yonne, ameutant l’opinion locale contre ce professeur qui bafouait la Patrie et la Religion. L’action judiciaire s’engagea sur plainte du général André, ministre de la Guerre, contre le Pioupiou de l’Yonne, le 15 mars 1901. La répression administrative suivit. Sur ordre du ministre de l’Instruction publique, G. Leygues, le recteur de l’académie de Dijon, Adam, demanda au professeur du lycée de Sens s’il était le « Sans-Patrie » du Travailleur et du Pioupiou. Gustave Hervé refusa de répondre et déclara ne reconnaître à personne le droit de lui poser une telle question. L’identification ne put être faite et, sur le plan judiciaire, l’affaire aboutit à un non-lieu. Mais Hervé fut suspendu. En juillet, il se démasqua par une lettre au procureur de la République d’Auxerre. Il fut alors inculpé, non pour avoir bafoué le drapeau de Wagram, mais pour avoir qualifié de « bouffon » l’uniforme et ridiculisé comme « exercices de pantins » les parades militaires dans un article du Pioupiou intitulé « Aux Conscrits ». Hervé comparut le 13 novembre 1901 devant la cour d’assises d’Auxerre. Il y reçut divers témoignages favorables, notamment de Lapicque, maître de conférences à la Sorbonne, et, sur plaidoirie d’Aristide Briand, il fut acquitté. Néanmoins, le conseil académique de Dijon, devant lequel il avait été traduit le 16 octobre, le mit en disponibilité. Toujours assisté de Briand, il fit appel devant le conseil supérieur qui accepta son pourvoi le 6 décembre 1901, mais, jugeant au fond, le révoqua le 7.
Comme il lui fallait refaire sa vie, il étudia le droit, tout en continuant son action révolutionnaire et sa collaboration au Travailleur et au Pioupiou. Il ne cessa de défrayer la chronique judiciaire et parfois celle du Parlement. Fin 1903, pour avoir conseillé aux jeunes soldats de mettre crosse en l’air quand on les opposerait à des ouvriers en grève, il fut poursuivi, défendu par Briand et, cette fois, condamné. Le 3 juin 1904, sur une interpellation du député Grosjean, à propos du Manuel d’Histoire de Gustave Hervé, un débat animé s’institua au Palais-Bourbon, dans lequel intervinrent notamment M. Chaumié, ministre de l’Instruction publique, Fernand Buisson et Jean Jaurès. Quatre cent cinquante trois voix flétrirent l’ouvrage incriminé, soixante-dix allant à l’ordre du jour socialiste Constans-Allard-Bouveri. Le lendemain, dans l’Humanité, Jean Jaurès dénonça « ces affolements que le patriotisme charlatanesque des uns communique au patriotisme naïf des autres » et, refusant au ministre le droit de s’ériger en censeur, il ajouta que, « de plus, il a été tout à fait injuste pour le livre. Celui-ci constitue une tentative très intéressante et nécessaire, pour faire passer dans l’enseignement populaire de l’histoire les conceptions nouvelles qui font aux faits économiques et à l’évolution sociale une grande place. Et c’est le droit des éducateurs de la jeunesse et de l’enfance d’animer les œuvres scolaires du grand souffle socialiste, humain et pacifique qui se lève sur le monde, qui dissout les préjugés de la force et qui fond la glace des dures haines nationales. En ce sens, l’effort d’Hervé est excellent. Il s’y est mêlé, à coup sûr, des fautes d’exécution. Personnellement, je n’aime pas toujours la manière d’Hervé. Il procède parfois par coups de bravade, et un secret plaisir d’étonner, de scandaliser, compromet çà et là son difficile et méritoire effort. Mais il lui suffirait de modifier quelques passages pour rendre son livre inattaquable... »
Gustave Hervé fut plus froissé des réserves de Jean Jaurès que flatté et reconnaissant du soutien qu’il lui apportait. « Vous avez tardivement fait mine de « sauver la face », lui écrivit-il. J’ai admiré avec quel art votre parti savait nuancer son antimilitarisme et son internationalisme suivant les milieux. » Deux jours plus tard, il lui redit son mécontentement et se plaignit du silence d’Aristide Briand « sur qui j’avais cru pouvoir compter, écrivit-il, et que j’avais documenté. » Il revint à la charge le lendemain (L’Humanité, 6 et 8 juin 1904).
En 1905, Hervé était à nouveau inculpé, pour avoir signé la célèbre affiche rouge antimilitariste dite « Aux Conscrits ». Lorsque se réunit à Chalon le premier congrès de la SFIO, il y assistait. Quelques délégués tentèrent d’écarter de la CAP un personnage compromettant pour le parti. Le congrès refusa de se désolidariser d’un militant menacé. En fin d’année, il fut condamné à quatre ans de prison et 100 f d’amende et l’affaire évoquée au Parlement où Deschanel dénonça en la personne d’Hervé le socialisme, « dangereux et antisocial » (L’Humanité, 22 décembre 1905) et où Jean Jaurès prit une fois de plus sa défense.
Ses études de droit achevées, Hervé obtint en juillet 1905 le grade de licencié et s’inscrivit au barreau de Paris. Il terminait son stage lorsque le Conseil de l’Ordre le fit radier le 14 novembre à cause de son activité révolutionnaire. La sanction fut confirmée en appel le 21 février 1906. Il était en prison (pour l’Affiche rouge) depuis le 9 février et signait R.V. les articles qu’il continuait à publier dans le Travailleur. Exclu du prétoire après avoir été chassé de l’université, il s’installa dans le journalisme révolutionnaire. Le 19 décembre 1906, il lança La Guerre sociale qui fut un journal d’un type nouveau, un admirable journal de militant, vif, intéressant, souvent bien informé. Il y poursuivit, dans le style du Pioupiou et du Travailleur, son action, dénonçant notamment le « brigandage marocain » de la France. « Hardi les Marocains », son article du 4 décembre 1907, rappelait celui qu’il avait consacré au drapeau de Wagram. « Au risque de vous paraître un monstre, y écrivait-il, je ne vous cacherai pas que ce n’est pas sans une vive satisfaction que j’ai appris, l’autre jour (...) que « notre frontière » était violée et que les Beni-Snassen — bénis soient-ils — avaient administré une petite raclée à nos glorieux soldats. Connaissez-vous rien de plus répugnant que le cambriolage du Maroc auquel nous assistons ? Quand aux ramassis d’idiots qui forme le gros de la population ouvrière et paysanne de notre chère France, ils sont déjà écrasés d’impôts, de charges militaires, ils ont une peur active de la guerre européenne ; eh bien ! ils se laissent entraîner, sans faire entendre une seule protestation, dans une guerre de conquête qui va leur coûter plus d’un milliard et au bout de laquelle il y a, très probablement, une guerre avec l’Allemagne, qui leur coûtera dix fois plus cher et la vie de leurs enfants. Braves Beni-Snassen, cognez fort sur les bandits qui vous envahissent ! Ils finiront par vous écraser comme ils nous écrasent ici, car ils sont les plus forts. Mais du moins, faites payer cher à tous nos tartufes patriotes, chrétiens ou républicains, leur hypocrisie et leur ignominie. Allez-y et ne les ménagez pas. Allah est avec vous et nous aussi ! »
Alors Hervé accumula les années de prison, à la Maison centrale de Clairvaux, à la Conciergerie, à la Santé, glorifié par les uns comme le Blanqui de la Troisième République, ridiculisé par d’autres comme un Déroulède de l’antipatriotisme. Or, entre ses périodes de captivité et ses tournées en province, cet homme, qui effrayait « le bourgeois », menait une vie de « brave bourgeois, tranquille (...). Son existence s’écoulait de la rue de Vaugirard, où il demeurait, au n° 89, à la rue Montmartre où se trouvaient les bureaux du journal (...) Chaque soir, il partait de son pas paisible, descendait jusqu’aux Halles où il s’engloutissait dans le métro (...). C’était toujours le même itinéraire... » Il ne s’en laissait presque jamais distraire pour entrer dans quelque brasserie. Son vêtement reflétait ses goûts simples. Il portait toujours un veston très ajusté, au col étroit, qui lui donnait une allure martiale et lui valait, de la part de ses amis, le plaisant surnom de « général ».
Pendant ces années, Gustave Hervé continua à militer dans la fédération socialiste de l’Yonne. Il en devint même le principal inspirateur à partir de 1906, date à laquelle Jean Lorris, défenseur des thèses orthodoxes, quitta le département pour militer en Loir-et-Cher, mais il eut toujours le souci de la discussion et de la controverse : « Le plus grand mal qui puisse arriver à notre fédération, écrivait-il le 4 janvier 1908, c’est que, par affection pour moi, les militants m’emboîtent le pas, comme les guesdistes du Nord ou de l’Aube emboîtent le pas à Guesde ». Alors son action retentit plus que jamais sur la vie du Parti socialiste. Il allait lui-même ça et là réchauffer l’enthousiasme de ses fidèles chez qui il s’installait parfois pour organiser, dans le détail et en secret, l’insurrection éventuelle qu’il prêchait en réunion publique. La Guerre sociale étendait son emprise sur les masses populaires. Un mot d’ordre, et il jetait, par milliers, dans la rue, les manifestants les plus décidés. On le vit, ce matin, où ils tentèrent d’arracher à l’échafaud le condamné Liabeuf, jugé innocent, et pour la défense duquel Gustave Hervé récolta quatre ans de prison (23 février 1910). On le vit, surtout, lors de l’exécution de Francisco Ferrer. La nouvelle en parvint à Paris dans l’après-midi du 13 octobre 1909. À dix-sept heures, un numéro extraordinaire de La Guerre sociale, portant un article d’Hervé « À l’assassin ! » appelait socialistes, syndicalistes, anarchistes à protester le soir même devant l’ambassade d’Espagne. De toutes directions affluèrent des protestataires d’obédiences diverses. Le cortège conduit par Hervé fut, vers la place Clichy et le boulevard des Batignolles, la cible préférée des charges policières auxquelles répondirent quelques coups de feu. Un agent fut tué, une balle effleura la tête du préfet de police, Lépine. Le lendemain, Hervé menaça, « s’il le faut, de se battre pour conquérir le droit élémentaire de manifester notre opinion dans la rue... » et proclama crûment : « Si Briand-la-Jaunisse ne veut pas que le sang coule une autre fois, qu’il mette une muselière à ses cosaques ! » Le dimanche suivant, une puissante manifestation, autorisée, se déroula paisiblement. Gustave Hervé avait, avec Groussier et Marcel Sembat entre autres, la responsabilité d’un des points de rassemblement, place Pigalle.
Une bruyante minorité finit par se grouper autour de lui, attirant sur le Parti socialiste les attaques convergentes des partis conservateurs et du radicalisme heureux de brandir cette arme contre son rival d’extrême gauche. À l’antimilitarisme Hervé mêla de plus en plus la lutte antiparlementaire. Déjà, en mai 1905, au cours de son débat contradictoire avec Jean Jaurès, il affirma que si le Parti socialiste courait le « danger » d’un ralliement à l’idée d’une défense nationale en fait inconditionnelle, c’est qu’il avait « placé la besogne électorale avant toute autre chose. » En 1906, au congrès de Limoges, il exprima des idées soréliennes en exaltant l’action directe, source d’énergie individuelle. À Nîmes, en 1910, il la plaçait bien au-dessus de l’action parlementaire qui, tendant à la paix sociale, disait-il, tourne le dos à la révolution. Il attaqua vivement le groupe parlementaire, regrettant qu’« on ne sente pas dans son action gronder les colères populaires » (l’Humanité, 7 février 1910). Alors, l’hervéisme troubla la vie du Parti socialiste tant il était en marge de ses positions doctrinales et de sa tactique. Pourtant, Gustave Hervé avait des amis nombreux et inattendus. Un socialiste aussi modéré que Gabriel Ellen-Prévot, qui allait être élu député de la Haute-Garonne, n’écrivait-il pas dans le Midi socialiste, le 31 décembre 1908 : « Il a donné l’exemple d’une moitié de vie consacrée tout entière à une cause qu’il croit juste. Il a osé faire entendre que l’attente paresseuse d’une évolution économique qui se poursuivrait avec fatalité n’est pas l’essentiel du socialisme. Par l’importance qu’il accorde à la conduite personnelle des hommes, à l’accord intime de leurs convictions socialistes et de leur vie individuelle, il rappelle chaque jour utilement que le socialisme est une morale autant qu’une doctrine et que les principes les plus forts s’écroulent quand de hauts caractères ne les soutiennent pas ». La fédération de l’Yonne, où les positions de Gustave Hervé étaient loin d’être approuvées unanimement, ne réunit plus aucun congrès de 1907 à 1911. Sur les grandes questions débattues, Hervé et ses amis s’affirmaient avec éclat dans les congrès nationaux. À Toulouse, en octobre 1908, ce fut A. Jobert qui le suppléa, mais, à Saint-Étienne (avril 1909), Gustave Hervé prit la tête de la « fraction insurrectionnaliste ». Il préconisa le maintien systématique des candidats socialistes au second tour des élections de 1910, suivi par la majorité de la fédération de la Seine, mais non par le congrès qui repoussa cette tactique, par 264 mandats contre 51, et 30 abstentions. Au congrès de Nîmes, février 1910, il combattit, cette fois en nombreuse compagnie, les retraites ouvrières auxquelles se ralliait la majorité tout en critiquant les modalités du projet. Cette même année 1910, il mit à l’étude, dans La Guerre sociale et dans l’Yonne, la sortie de la SFIO et la constitution d’un Parti révolutionnaire. Sa fédération en débattit et s’y opposa.
Au moment où culminait son opposition, à l’extrême gauche du Parti socialiste, Gustave Hervé se mua en un tout autre personnage et franchit allègrement les limites de la dissidence, mais à l’extrême droite. Il n’attendit pas qu’une pressante menace de guerre mît à l’épreuve l’arme de la grève insurrectionnelle pacifiste forgée si bruyamment, pour opérer un revirement total. Il ne croyait plus à la possibilité d’un redressement révolutionnaire et son dernier séjour en prison (il en sortit le 16 juillet 1912 grâce à une vigoureuse campagne de masse) le laissa fort assagi. Il lui parut que les diatribes antipatriotiques, nécessaires tant qu’il fallait éveiller les consciences au danger de guerre, étaient désormais inutiles. Elles avaient contribué, selon lui, à créer dans l’opinion un courant antibelliqueux auquel, avec une certaine outrecuidance, il attribuait l’heureux règlement, en novembre 1911, de l’incident d’Agadir. La même année, il souhaita « que la CGT cesse d’être un épouvantail » (Revue socialiste, avril 1912, p. 351), pour permettre une collaboration confiante entre elle et le Parti socialiste dans la lutte pour la paix et la démocratie. Lui qui avait exalté la lutte syndicaliste révolutionnaire aux dépens de l’action parlementaire, releva celle-ci et dénigra celle-là au lendemain des élections allemandes de 1912. « Avec nos grands mots « d’action directe », dit-il, ne sommes-nous pas, au point de vue révolutionnaire, petits garçons à côté des votards socialistes allemands » (article de La Guerre sociale cité par Lebas au congrès de Lyon, c. rendu, p. 317). Au congrès d’Amiens (janvier 1914), le Parti socialiste, inquiet pour la paix, inquiet du danger de réaction à l’intérieur, songeait à un rapprochement avec le Parti radical-socialiste, mais ne se résigna pas à lui sacrifier la représentation proportionnelle. Gustave Hervé, lui, rejetait, sans hésiter, ce « brandon de discorde » entre les deux partis (cf. compte rendu p. 211) et se prononçait, sans craindre le mot, pour le « Bloc » dont il avait jadis, d’ailleurs, au début du ministère Combes, été un chaud partisan. Il se fit également, dans le Travailleur socialiste, le farouche défenseur de la participation ministérielle, indispensable pour insuffler au Parti radical vieilli la force de réaliser son programme réformiste. Il n’y mettait qu’une condition, significative, que soit préservée « la liberté de manifestation pacifique des grévistes ». Il ne se ralliait pas à la participation par tactique, mais, tournant le dos à son passé, il la jugeait fondamentalement bonne : « L’action socialiste, écrivit-il, serait beaucoup plus efficace au sein d’un ministère que dans l’opposition » (Le Travailleur socialiste, 4 juin 1914). Au congrès de Paris (juillet 1914), contre Jean Jaurès et Vaillant, Gustave Hervé repoussa avec Jules Guesde l’idée de la grève générale contre la guerre. « Lorsque j’ai défendu l’insurrection, déclara-t-il, je pensais pouvoir compter sur des insurrectionnels, et je me suis aperçu qu’il n’y en aurait point le jour d’une déclaration de guerre. » (Les Fédérations socialistes III, p. 301).
Il était donc préparé à la politique de défense nationale et d’union sacrée à laquelle le Parti socialiste, unanime, se rallia en août 1914. Devant la première assemblée nationale du Parti socialiste pendant la guerre, à Paris, salle de la Bellevilloise, le dimanche 7 février 1915, oubliant ses rodomontades, il donna au Parti socialiste un satisfecit dont il ne s’excluait pas ; « Nous avons tout fait pour éviter la guerre, proclama-t-il, et, d’autre part, avec notre grand Jaurès, nous avons tout fait pour que la France avec le système de la nation armée, fût prête à l’heure du danger ; les événements justifient notre attitude » (ibid. p. 371). La Guerre sociale devint l’un des plus fougueux soutiens de la politique de guerre jusqu’au 31 décembre 1915. À partir du 1er janvier 1916, Gustave Hervé poursuivit son action dans La Victoire, au titre mieux adapté à sa nouvelle orientation. Brûlant ce qu’il avait adoré, il sacrifiait à ses nouveaux dieux avec l’ardeur du néophyte, impitoyable pour les tièdes. Quand le Parti socialiste ne lui sembla plus assez chaud pour le combat, il ne le ménagea pas. Il combattit, comme autant de trahisons, le mouvement minoritaire surgi en mai 1915 dans la fédération de la Haute-Vienne, les contacts internationaux que des militants isolés prirent avec des socialistes des pays ennemis, à Zimmerwald, en septembre 1915, et à Kienthal, en avril 1916. Le divorce devint inévitable. Le Conseil national du Parti socialiste tenu à Paris le 9 avril 1916 eut à examiner deux demandes de contrôle de l’action d’Hervé émanant des fédérations de la Seine et de la Dordogne. La CAP s’était déjà préoccupée de son cas, le 6 avril, et lui avait demandé des explications au sujet d’appels lancés dans le parti et hors du parti, appels tendant à créer une organisation dissidente. Enfin, sa fédération, celle de l’Yonne, qui avait peu à peu échappé à son influence, prononça son exclusion du Parti socialiste à son neuvième congrès, à Sens, le 22 octobre 1916. Une décision fédérale n’ayant pas valeur nationale, son exclusion fut confirmée par la fédération de la Seine le 30 septembre 1917.
Désormais, la vie de Gustave Hervé n’appartint plus au mouvement socialiste dont il s’éloigna de plus en plus et qu’il prit pour bouc émissaire. Il demeura, sans grande audience dans le camp qu’il avait rallié, l’animateur de La Victoire où il prôna une politique de guerre sans merci. La victoire assurée, il préconisa une paix de châtiment à l’égard du vaincu, s’affirma pour les États-Unis d’Europe sous condition d’une solide gendarmerie et mena contre le régime parlementaire une campagne systématique de dénigrement au nom d’une République autoritaire à la direction de laquelle il appelait inlassablement le maréchal Pétain. Sur les plans politique et social, il se situait aux antipodes des positions qu’il avait si bruyamment occupées jadis. Ayant adhéré en 1919 au Parti socialiste national fondé en décembre 1917 par Jacques Prolo et Alexandre Zévaès, il tenta le 8 novembre 1927 avec Albert Willm, de relancer cette formation en sommeil depuis 1920. Il lui restait à revenir à la religion de son enfance. Il le fit, bien avant sa mort qui lui vaudra un service religieux à l’église Notre-Dame-des-Champs et une élogieuse lettre de l’évêque de Strasbourg.
« Je ne puis vivre sans foi, avait-il confessé à un de ses anciens compagnons de La Guerre sociale, dès 1926. Jadis, j’avais la foi révolutionnaire. Les événements me l’ont fait perdre (...) Il faut absolument que je croie en quelque chose. Alors, je me rattache à la foi de mes ancêtres, les Bretons. » (cf. V. Méric, op. cit., p. 593).
Ainsi, l’anticlérical agressif avait retrouvé le chemin de l’église, comme le prêcheur de désertion s’était mué en apôtre de la guerre jusqu’au bout. Son internationalisme inconditionnel avait fait place au nationalisme le plus étroit. Après avoir opposé au parlementarisme un socialisme libertaire et l’action directe du syndicalisme révolutionnaire, il le dénonçait maintenant comme un régime dissolvant, au nom de la nécessité d’un État fort. La volte-face était complète. Aussi, la personne de Gustave Hervé suscita-t-elle des appréciations aussi peu nuancées que le fut sa vie publique. Renégat méprisable pour les uns, il était, pour d’autres, un caractère entier, assoiffé d’absolu, peu clairvoyant, naïf peut-être, mais sincère dans ses convictions successives et contradictoires.
Ce qui ne semble guère faire de doute, c’est que l’influence de Gustave Hervé, dans la seconde phase de sa vie, ne saurait être comparée à celle, limitée mais profonde, qu’il exerça comme franc-tireur au temps de La Guerre sociale. Les années terribles qui marquent la fin de sa vie ne sont pas seules responsables de l’oubli dans lequel il était tombé à sa mort.
Gustave Hervé fut initié par le grand Orient de France le 15 juin 1902 à la Loge maçonnique La Concorde à Sens et fut radié pour des raisons inconnues le 8 juillet 1905.
Gustave Hervé était célibataire.
Par Justinien Raymond, Madeleine Rebérioux
ŒUVRE. Journaux : Gustave Hervé a collaboré aux organes de la fédération socialiste de l’Yonne, Le Travailleur socialiste, Le Pioupiou de l’Yonne. Il a collaboré à L’Action et au Mouvement socialiste de Hubert Lagardelle.
Deux grands organes ont été fondés et dirigés par lui-même : La Guerre sociale, 19 décembre 1906-31 décembre 1915, Paris (Bibl. Nat. Gr. fol. Lc 2/6 327). — La Victoire : elle parut à Paris à partir du 1er janvier 1916 (Bibl. Nat. même cote).
Imprimés : L’Antipatriotisme. Déclaration en cour d’assises, Paris, s. d., 36 p. (14 AS 137 à l’IFHS). — Le Congrès de Stuttgart : Paris, s. d., 32 p. (Fonds Dolléans, B. 566 à l’IFHS). — Histoire de France et notions d’histoire générale à l’usage des cours supérieurs (...) et des Écoles primaires supérieures, Paris (s. d.), in-16, VI-480 p. (Bibl. Nat. 8° L 39/942).
Histoire de France et de l’Europe, l’enseignement pacifique par l’histoire, Paris, 1903, in-16, 478 p., fig. (Bibl. Nat. 8° L 39/910). — Gustave Hervé et Gaston Clémendot, Histoire de France à l’usage des cours élémentaire et moyen, Paris, 1904, in-16, 286 p., fig. (Bibl. Nat. 8° L. 39/927). — Instruction civique, Paris, 1905, in-16, 296 p. (Bibl. Nat. 8° R. 20 186). Réédité en 1908 sous le titre Les Propos de Jacques Germinal. — Leur Patrie, Paris, 1906, in-12, 286 p. (Bibl. Nat. 8° R 21 050), Paris, 1910, in-16, 319 p. (8° R 23 826). — Contre le brigandage marocain, déclaration en cour d’assises, Paris, 1907, 48 p. (IFHS, 14 AS 137). — Propos révolutionnaires, Paris, 1909, in-8° (Bibl. Nat. 8° Lb 57/15 161). Ce sont trois fascicules qui se trouvent aussi à l’IFHS : Le Désordre social, Paris, 1908, 31 p. Le Remède socialiste, Paris, 1909, 32 p. Vers la révolution, Paris, 1909, 32 p. (cote pour les trois brochures 14 AS 137). — Histoire de France pour les Grands, Nouvelle édition, Paris, 1910, in-16, IV-480 (Bibl. Nat. 8° L 39 942 A.). — L’Internationalisme, Paris, 1910, in-8°, VIII-179 p. (Bibl. Nat. 8° R. 22 208 (11)). — Mes crimes ou onze ans de prison pour délits de presse : modeste contribution à l’histoire de la liberté de la presse sous la IIIe République, Paris, 1912, in-18, 382 p. (Bibl. Nat. 8° Ln 27/58 161). — La Patrie en danger : Recueil in extenso des articles publiés par G. Hervé dans la Guerre sociale du 1er juillet au 1er novembre 1914 (août 1915, 8e mille). Paris (s. d.) in-16 346 p. (Bibl. Nat. 8° Lb 57/18 130). — Après la Marne : id. du 1er novembre 1914 au 1er février 1915 (2e mille). Paris (s. d.), in-16, 331 p. ; portrait (Bibl. Nat. 8° Lb 57/18 131).
La Bibliothèque municipale de Brest possède un certain nombre d’autres ouvrages de G. Hervé, notamment de sa période nationaliste : C’est Pétain qu’il nous faut, 1935, 82 p. — Épîtres aux croyants, 78 p., 1949. — Épîtres aux incroyants, 84 p., 1949.
Manuscrits : 4 lettres à D. Nieuwenhuis (1906-1907) se trouvent à l’Institut du Marxisme-Léninisme de Moscou.
Préfaces ou lettre-préface : Mittler Eugène : La question des rapports entre le socialisme, le syndicalisme et la franc-maçonnerie, 2e éd., Paris, 1916, in-16 (Bibl. Nat. 8° Lb 57/14 749). — Tournaire Georges, Le Socialisme, notions élémentaires, Paris 1909, in-18 (Bibl. Nat. 8° Lb 57/14 581). — Annuaire du Prolétariat, Paris, 1914, in-8° (Bibl. Nat. 8° Le 22/1090).
Traduction : de Amfiteatrov Alexander : La Race nuisible (La lutte contre les dynasties), Paris, 1907, in-8° (Bibl. Nat. 8° M. 13 922).
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE : Arch. Nat. F7/12 560 et Arch. PPo., non versées. — Ch. Vérecque, Dictionnaire du Socialisme, op. cit. (p. 207). — Hubert-Rouger, La France socialiste, op. cit., pp. 152 à 186, passim). — Les Fédérations socialistes, op. cit., III (pp. 107-118, passim). — Victor Méric, « Vieilles choses, vieilles histoires ». Souvenirs d’un militant in La Nouvelle Revue socialiste, 1re année, n° 6 : 15 mai-15 juin 1926, pp. 260 à 268 ; n° 8 : 15 juillet-15 août 1926, pp. 589 à 593 ; 2e année, n° 14-15 : 15 février-15 avril 1927, pp. 221-229. — À travers la jungle politique et littéraire, Paris, 1930, 182 p. (pp. 197 à 230 inclus). — Georges Suarez, Briand, t. 1, pp. 349 à 368. — Madeleine Rebérioux : « La Guerre sociale et le Mouvement socialiste face au problème colonial » in Le Mouvement social : n° 46, janvier-mars 1964 (pp. 91 à 103). — N. Y. Rodstein, La Vie publique de Gustave Hervé, thèse dont le microfilm doit être déposé à la Bibl. Nat. — Comptes rendus sténographiques des congrès du Parti socialiste SFIO (1905 à 1914) et du Congrès de Stuttgart (1907). — J.-Cl. Peyronnet, Un exemple de journal politique, la Guerre sociale de G. Hervé, 1906-1914, DES Paris, déposé au CHS — Jean Verlhac, La Formation de l’Unité socialiste, DES Paris (pp. 175 à 291, passim) déposé au CHS — Denise Rossignol : Le Mouvement socialiste en France, de 1906 à 1914, DES, Paris, pp. 36 à 68, passim, déposé au CHS — Henri Perrin, Gustave Hervé, n° 23 in Document de la Bourse du Travail de Besançon. — De bons portraits physiques et « moraux » de G. Hervé ont été brassés, outre V. Méric par : L’Yonne, novembre 1901, Maxence Roldes, Le Travailleur socialiste, 13 sept. 1902, Gabriel Ellen-Prévot, Le Midi socialiste, 31 déc. 1908. — Sur la dernière période de la vie de G. Hervé, cf. Charles Chasse, « Visite chez Gustave Hervé de Recouvrance », La Dépêche de Brest, 10, 11 et 12 juillet 1935, et la brochure hagiographique de Lucien Leclerc et Georges-Émile Dulac, La Vérité sur Gustave Hervé, éd. de « La Victoire », 1946. SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE : Arch. Nat. F7/12 560 et Arch. PPo., non versées. — Ch. Vérecque, Dictionnaire du Socialisme, op. cit. (p. 207). — Hubert-Rouger, La France socialiste, op. cit., pp. 152 à 186, passim). — Les Fédérations socialistes, op. cit., III (pp. 107-118, passim). — Victor Méric, « Vieilles choses, vieilles histoires ». Souvenirs d’un militant in La Nouvelle Revue socialiste, 1re année, n° 6 : 15 mai-15 juin 1926, pp. 260 à 268 ; n° 8 : 15 juillet-15 août 1926, pp. 589 à 593 ; 2e année, n° 14-15 : 15 février-15 avril 1927, pp. 221-229. — À travers la jungle politique et littéraire, Paris, 1930, 182 p. (pp. 197 à 230 inclus). — Georges Suarez, Briand, t. 1, pp. 349 à 368. — Madeleine Rebérioux : « La Guerre sociale et le Mouvement socialiste face au problème colonial » in Le Mouvement social : n° 46, janvier-mars 1964 (pp. 91 à 103). — N. Y. Rodstein, La Vie publique de Gustave Hervé, thèse dont le microfilm doit être déposé à la Bibl. Nat. — Comptes rendus sténographiques des congrès du Parti socialiste SFIO (1905 à 1914) et du Congrès de Stuttgart (1907). — J.-Cl. Peyronnet, Un exemple de journal politique, la Guerre sociale de G. Hervé, 1906-1914, DES Paris, déposé au CHS — Jean Verlhac, La Formation de l’Unité socialiste, DES Paris (pp. 175 à 291, passim) déposé au CHS — Denise Rossignol : Le Mouvement socialiste en France, de 1906 à 1914, DES, Paris, pp. 36 à 68, passim, déposé au CHS — Henri Perrin, Gustave Hervé, n° 23 in Document de la Bourse du Travail de Besançon. — De bons portraits physiques et « moraux » de G. Hervé ont été brassés, outre V. Méric par : L’Yonne, novembre 1901, Maxence Roldes, Le Travailleur socialiste, 13 sept. 1902, Gabriel Ellen-Prévot, Le Midi socialiste, 31 déc. 1908. — Journal des débats, 10 novembre 1927, p. 4 (BNF, Gallica). — Sur la dernière période de la vie de G. Hervé, cf. Charles Chasse, « Visite chez Gustave Hervé de Recouvrance », La Dépêche de Brest, 10, 11 et 12 juillet 1935, et la brochure hagiographique de Lucien Leclerc et Georges-Émile Dulac, La Vérité sur Gustave Hervé, éd. de « La Victoire », 1946. — Gilles Heuré, Gustave Hervé : un propagandiste sous la IIIe République (1871-1944), thèse de doctorat, Paris I, 1995. — Yves Billard, Le Parti républicain-socialiste de 1911 à 1934, thèse, histoire, Paris 4, 1993.