Par Eric Panthou. Notes de Georges Rougeron
Né le 27 août 1902 au Puy-en-Velay (Haute-Loire) ; exécuté par la Résistance vers le 25 juin 1944 à Saint-Didier-au-Mont-D’or (Rhône) ; commis de perception ; militant communiste de l’Allier ; délégué du Secours Rouge Internationale, rallié au Parti populaire français.
Marcel Gire était le fils d’un employé de commerce. Marié à une employée des PTT, il était commis de perception à Gannat (Allier) où il devint militant du comité départemental du Secours Rouge Internationale et un des dirigeants du rayon communiste qui présenta sa candidature au conseil général dans le canton voisin d’Escurolles en 1934. Candidat lors des élections législatives du 26 avril 1936 dans la circonscription de Gannat, il obtint 1 332 voix sur 14 180 votants et 16 404 inscrits et se désista en faveur du député socialiste sortant, Paul Rives*, devenu candidat du Rassemblement populaire. Il fut présenté de nouveau au conseil général dans le canton de Gannat en 1937.
Début 1933, la direction du Parti, confronté à la faiblesse du développement du Parti dans le Puy-de-Dôme et aux faiblesses de sa direction, décide le rattachement de la fédération aux arrondissements de Vichy et de Gannat, dans l’Allier, plus dynamiques. Mais le reste de l’Allier est rattaché à la Nièvre et la Région du Centre, ce que conteste l’unanimité du Comité Régional Auvergne réuni le 19 mars 1933.
Gire, délégué de Gannat à ce Comité soutient ce rattachement de Gannat au Puy-de-Dôme, comme le reste des présents, mais le représentant du Comité central estime que les arguments de Gire semblent indiquer que ce dernier cherche à vouloir jouer un rôle dans la Région Auvergne, qu’il manifeste une grande confiance se rapprochant de l’idéologie trotskystes.
Les cellules du rayon de Gannat se réunissent le 23 avril 1933 et Gire expose les raisons de son refus de continuer à assumer la responsabilité de la direction du Rayon car en désaccord avec la volonté du Comité Central d’imposer une réorganisation du Parti dont personne ne veut. Il reçoit le soutien d’Henri Diot, le trésorier du Rayon et l’autre principal dirigeant local, ainsi que celle des cellules. On demande donc à la direction nationale de revoir sa décision et en attendant, le Bureau de Rayon suspend sa démission.
Lors de la conférence de décentralisation du département de l’Allier, réunie le 19 novembre 1933 à Moulins, on décide que la nouvelle région comprendra à partir du 1er janvier 1934 les départements de l’Allier, du Puy-de-Dôme et du Cantal, le siège étant à Moulins. Gire est élu au Comité régional, très largement dominé par des membres du Parti de l’Allier.
Gire est administrateur et responsable politique de l’hebdomadaire du PCF de l’Allier, l’Alerte. Il s’occupe ensuite de la diffusion du journal Le Cri du Peuple qui est l’hebdomadaire régional du PCF. Le rayon de Gannat où il milite est celui qui a le plus d’abonnements, 504 contre 258 pour celui de Clermont-Ferrand par exemple, et 957 au total fin 1933. Il écrit des articles sur la condition paysanne, les métayers et les ouvriers paysans en particulier. Mais la faiblesse de la diffusion du journal amène des critiques sur Gire au Comité régional de mars 1933. Et en février 1934, le Comité Régional, une résolution est adoptée concernant le différend existant entre Gire et les représentants du Puy-de-Dôme qui critiquent ses articles concernant les paysans.
Lors d’une réunion du Comité Régional d’Auvergne en mars 1935, Roucaute constate que seul le Rayon de Gannat est absent parmi les 8 que compte la région, ce qui est fréquent lui dit-on. L’assiduité de Gire aux instances est donc critiquée.
Roucaute constate également que le rayon de Gannat édite son propre journal mensuel, ce qui nécessite de gros efforts. Rapportant les propos d’autres membres du Comité régional, il signale que ce rayon penche vers l’autonomie et qu’il est très difficile pour le Bureau régional d’intervenir pour corriger ces travers. Roucaute estime qu’il y a des choses fausses dans ce journal qui a été édité contre le gré de la région. C’est Gire qui est directement visé puisqu’il est responsable du journal.
Dès le 12 février 1934, aux côtés de socialistes, il anime un meeting unitaire à Cesset-Breuilly où est créé un comité de vigilance permanent luttant contre le fascisme et "pour l’institution d’un gouvernement prolétarien." Il est à l’initiative d’un comité identique à Gannat mais en l’absence des dirigeants de la section SFIO. Gire était un brillant orateur doté d’une excellente mémoire. Il participe et anime de nombreuses réunions et meeting au cours de la période, souvent des réunions de masse rassemblant plusieurs centaines d’ouvriers ou paysans. Ses réunions étaient souvent très suivies et applaudies. Il n’hésite pas également à intervenir dans des réunions des organisations d’extrême droite comme à Chantelle le 24 mars 1934 ou des réunions de masse du Parti agrarien à Saint-Pourçain-sur-Sioule en avril 1935.
Mais Gire est de nouveau vivement critiqué lors de la conférence départementale du Parti dans le Puy-de-Dôme le 25 août 1935 où, bien que de Gannat, il représente les cellules de Riom. La conférence approuve à l’unanimité la séparation de l’Allier et deu Puy-de-Dôme, mais Gire s’oppose avec force à la séparation entre Gannat et Riom, qui se situe dans le Puy-de-Dôme. Seinforin, délégué du Comité Central juge sévèrement ces interventions : "Ce camarade développa une théorie qui montre ses désaccords non seulement avec la politique du Front populaire mais aussi avec notre politique d’organisation de la décentralisation qu’il caractérise de retour au fédéralisme de la social-démocratie."
Puis Gire s’oppose à ce que le journal L’Alerte, créé par le rayon de Gannat, soit déplacé à Clermont-Ferrand : “Nous qui avons créé l’Alerte, nous n’accepterons pas de la laisser filer à Clermont”- “Nous n’acceptons pas de passer ce journal à des camarades dont nous ne sommes pas sûrs.” Jean-Baptiste Seinforin conclut : "Un grand esprit de suffisance anime ce camarade, et par ce fait, un manque de confiance dans la direction même du Parti". Néanmoins, Gire est intégré au Comité régional constitué ce jour là, à titre consultatif du rayon de Gannat, la direction du Parti ayant à trancher sur ce différend concernant l’intégration ou non de Gannat dans la région Auvergne.
Par son action antifasciste, ses qualités d’orateur, il était donc persuadé de pouvoir faire considérablement progressé son parti lors de ces élections. Il fut déçu de ces échecs successifs et aussi de son isolement au sein du Parti en raison de sa volonté de toujours mettre en avant le particularisme de Gannat. Il rompt avec le PCF au moment du pacte germano-soviétique.
Après les événements de 1940, Marcel Gire rallia le Parti populaire français de Jacques Doriot. Ses qualités d’orateur le font remarquer et il est admis à l’Ecole des cadres de la Révolution nationale. Gire est en même temps l’un des représentants de la Légion des Volontaires français contre le bolchévisme dans l’Allier, assurant des permanences à son domicile à Gannat.
A sa sortie de l’école des cadres, il devient l’un des collaborateurs de Philippe Henriot à la propagande qui le nomme délégué régional à l’information sociale à Lyon. Gire accepte, persuadé qu’il sera mieux protégé dans une grande ville qu’à Gannat. Cette nomination inquiéta le direction du PCF puisque les directions zone sud du Parti aussi bien que celles du FN et des FTPF se trouvaient dans cette ville. On craint donc que Gire puisse reconnaître certains de ces hommes et femmes qu’il avait pu côtoyer. Finalement, malgré la présence de deux gardes du corps, Gire est abattu vers le 25 juin 1944 par un groupe de 3 FTPF en descendant du trolleybus à Saint-Didier-au-Mont-Dore, dans la banlieue lyonnaise. D’après une correspondance entre militants communistes de l’Allier après-guerre, il est très probable que le commando ait été composé pour partie de FTPF venus de l’Allier. Le chef de cellule de Gannat qui lui a succédé en 1938 avant d’entrer en clandestinité en novembre 1943 a vraisemblablement participé à l’exécution. En effet, la gendarmerie de Gannat mentionne en janvier 44 que ce dernier serait caché à Lyon dans les milieux communistes.
Le PPF inscrivit son nom au « tableau d’honneur » des militants victimes du « terrorisme ».
Aucune mention marginale ne figure en 2010 sur son acte de naissance.
Par Eric Panthou. Notes de Georges Rougeron
SOURCES : L’Émancipateur, 1931-1932. — Les Cahiers du Bolchevisme, 1er mai et 15 mai 1932 (M. Gire y participait au concours d’abonnements de la revue).— Etat civil. Patrice Hernu, l’Affaire Hernu, histoire d’une calomnie, Paris, Ramsay, 1997. Georges Rougeron, Le département de l’Allier sous l’Etat français (1940-1944), Montluçon, Imprimerie typocentre, 1969. Notes sur l’exécution de Marcel Gire (Archives Alphonse Rozier, bientôt déposées aux AD du Puy-de-Dôme). Georges Rougeron, La presse bourbonnaise sous la IIIe République, Moulins, Conseil général de l’Allier, 1980. "Les paysans de l’Allier mettent en déroute le Parti agraire à Saint-Pourçain", L’Humanité, 30 avril 1935. Marcel Gire, "Premier bilan", Le Cri du Peuple, 6 janvier 1934. "Le front unique en marche. L’exemple de Cesset-Breuilly (Allier), Le Cri du Peuple, 17 février 1934.-Fonds de la direction du Parti Communiste Français :1933 cote 517_1_1529. Région d’Auvergne, Comité Régional élargi du 19 mars 1933. Rapport du camarade Dupuy.- Fonds de la direction du Parti Communiste Français :1933 cote 517_1_1529. Projet de résolution présenté par le Bureau du Rayon de Gannat et adopté à l’unanimité le 23 avril 1933.-Fonds de la direction du Parti Communiste Français :1933 cote 517_1_1529. Rapport sur la conférence de décentralisation du département de l’Allier. -Fonds de la direction du Parti Communiste Français :1934 cote 517_1_1656. Rapport de Guyot, secrétaire régional, au Comité Central, sur le comité régional du 11 février 1934.-RAGSPI : Fonds de la direction du Parti Communiste Français :1935 : cote 517_1_1743. Comité Régional de la Région Allier Auvergne 10 mars [1935] Délégué : Roucaute. RAGSPI : Fonds de la direction du Parti Communiste Français :1935 : cote 517_1_1744
Tournée dans le Puy-de-Dôme du 11 au 25 août 1935. Délégué : Seinforin .— "A propos d’une mort", L’Echo de la Sioule, 1er juillet 1944.