HERZOG Jakob, dit aussi Joggi

Par Peter Huber

Né le 27 juillet 1892 à Münster (Lucerne), mort le 26 juillet 1931 à Zurich ; fondateur de l’ancien PCS (« Altkommunisten », 1919) ; délégué au IIe congrès du Komintern (1920) et au 1er plénum du Comité exécutif de l’Internationale communiste (février-mars 1922).

Fils d’un cheminot d’origine allemande et de Sophie Deutsch, Jakob Herzog perdit très tôt ses parents et fut élevé — comme nombreux de ses frères et sœurs — dans des orphelinats catholiques. Il ne termina pas son apprentissage de charpentier mais fit néanmoins son tour d’Allemagne, de Belgique et des Pays-Bas. Revenu en Suisse en 1912, il s’établit à Bâle et adhéra aux Jeunesses socialistes dont il devint, un an après, vice-président et responsable à la propagande. Parti pour le Midi de la France en juin 1914, il fut arrêté sans papiers à Arles, condamné à dix jours de prison, et retenu après le début de la guerre. Grâce à l’intervention du consul suisse à Lyon il put rentrer au pays où il fit son service militaire.

En tant que collaborateur de Willi Münzenberg, réfugié en Suisse et fondateur du Secrétariat international des Jeunes, Herzog transporta en août 1915 de la propagande antimilitariste à Berlin, fut arrêté lors d’une manifestation devant le Reichstag et expulsé vers la Suisse après trois mois de détention.

Dans les années 1915-1917, Herzog fit partie, avec Emil Arnold, Willi Trostel et Willy Münzenberg, du cercle dirigeant de la Jeunesse socialiste, alors en pleine ébullition. Les premières divergences — beaucoup plus que de simples rivalités de personnes — ne se firent pas attendre. Herzog, influencé par l’anarchisme et son spiritus rector en Suisse, Fritz Brupbacher, prôna « l’action directe » et la rupture avec le Parti socialiste, lequel était tout de même fortement antimilitariste. Avec des anarchistes de longue date, comme Hans Itschner et quelques « fortes têtes » déjà expulsés du PS pour indiscipline, il forma le groupe Forderung, qui se fit connaître par des actions spectaculaires qui culminèrent, en novembre 1917, par l’occupation de la fabrique de munitions à Zurich et l’intervention de l’armée (trois tués). Le PS zurichois, dirigé par Fritz Platten, exclut Herzog en octobre 1918.
Au printemps 1919 se constitua l’ancien PCS (Altkommunisten), fort de quelques centaines de militants. Herzog purgea alors une peine de dix mois de prison pour instigation à la mutinerie, ce qui n’empêcha pas ses camarades de l’élire coordinateur central de ce noyau du futur PCS. L’organisation délégua, pour le congrès de fondation du Komintern (1919), sa compagne, l’étudiante polonaise Leonie Kascher ; l’aile gauche du PSS se fit représenter par F. Platten.

Herzog fit son premier voyage à Moscou en juillet 1920 comme unique délégué de l’ancien PCS. Avec F. Platten et J. Humbert-Droz, il figura dans le comité consultatif de la revue Die Kommunistische Internationale. Dans son intervention devant les délégués, il critiqua vivement les « inconsistances » de l’aile gauche du PSS représentée à Moscou par J. Humbert-Droz et Walther Bringolf. Selon F. Brupbacher, ce fut lors de ce voyage que Herzog renonça à l’essentiel de son credo anarchiste et adhéra au bolchevisme. Quelques jours après son retour de Moscou, Herzog fit une visite chez Brupbacher ; celui-ci nota dans son journal que son ami était devenu « un partisan du centralisme autoritaire et du soi-disant parlementarisme révolutionnaire ». Cet immense attrait du bolchevisme sur une part non négligeable des anarchistes est bien connu. Herzog se rapprocha du léninisme, abandonna l’antiparlementarisme virulent et défendit, dès le début, la ligne du front unique. Avec Hermann Bobst, il représenta le PCS au 1er plénum du Comité exécutif de l’Internationale communiste (février-mars 1922) mais ne prit pas la parole. Signe de leur origine politique les deux hommes firent preuve d’une certaine indépendance et de courage en s’abstenant de condamner les positions défendues par « l’Opposition ouvrière » lors du vote.

Élu au comité central du PC unifié en 1921, Herzog s’investit surtout dans le travail syndical. À la tête de la fraction communiste du Syndicat du bois et du bâtiment, spécialiste du PC zurichois pour les questions syndicales en général, il devint la bête noire des syndicalistes modérés. Lorsqu’en 1927, le PCS imita le Parti allemand en mettant sur pied une « garde ouvrière », le Parti désigna Herzog comme son directeur, et rédacteur de son organe, Die rote Front.

Rien ne fait penser que le tournant à gauche de la « Troisième période » fut désapprouvé par Herzog, toujours sensible à la « lutte finale ». En 1930, lors de plusieurs grèves, dans la région zurichoise, déclenchées par les militants communistes, contre la volonté des responsables syndicaux, Herzog fustigea les secrétaires syndicaux du Parti qui avaient fait défection, et les appela à choisir entre un poste payé et le mouvement.

Herzog mourut d’une hémorragie cérébrale le 27 juillet 1931, à la suite d’un accident de vélo, alors qu’il se rendait à son travail.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article73241, notice HERZOG Jakob, dit aussi Joggi par Peter Huber, version mise en ligne le 12 août 2009, dernière modification le 11 février 2022.

Par Peter Huber

ŒUVRE : J. Herzog, Brot und Arbeit. Ein Beitrag zur Lösung der Lebensmittelfrage, Zurich, Verlag der KPS, 1920. — J. Herzog, 20 Jahre Arbeiterjugendbewegung der Schweiz, Zurich, 1926.

SOURCES : RGASPI, Dossier personnel, 495 274 52. — Nachlass J. Herzog (Ar. 02), Studienbibliothek zur Geschichte der Arbeiterbewegung, Zurich. — U. Rauber, « Strassenkämpfer, Himmelsstürmer und Bürgerschreck vor 60 Jahren », Vorwärts (Zurich) 6 août 1981. — H. Egger, Die Entstehung der Kommunistischen Partei der Schweiz und des Kommunistischen Jugendverbandes der Schweiz, Zurich, Genossenschaft Literaturvertrieb, 1972, p. 112-114, 141-152. — H. U. Jost, Linksradikalismus in der deutschen Schweiz 1914-1918, Berne, Verlag Stämpfli, 1973, p. 121-135. — Karl Lang, Kritiker, Ketzer, Kämpfer. Das Leben des Arbeiterarztes Fritz Brupbacher, Zurich, Limmat Verlag, 1976, p. 260. — P. Stettler, Die Kommunistische Partei der Schweiz (1921-1931), Berne, Francke Verlag, 1980, p. 508.

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