Par Antoine Olivesi
Né le 1er août 1912 à Saint-Saturnin-les-Apt (Vaucluse), mort le 6 janvier 1972 à Paris ; employé de commerce puis commis en douanes ; militant communiste à Marseille ; secrétaire régional puis national des Jeunesses communistes en 1939 ; membre du comité central du PCF de 1947 à 1972 ; directeur de l’Institut Maurice Thorez de 1964 à sa mort.
Victor Joannès était le fils d’un employé du PLM au service de la voie qui fut tué dès le début de la Grande Guerre. Il fut élevé par sa mère, cantinière puis concierge dans une école communale de Marseille, dans des conditions d’existence difficiles. Après son Certificat d’études, il poursuivit sa scolarité à l’école primaire supérieure Victor-Hugo jusqu’à dix-sept ans puis travailla comme employé de commerce (librairie et papeterie) à Marseille et à Chalon-sur-Saône, entre 1928 et 1932. Au chômage, il avait tenté de s’engager dans la marine en 1931 mais avait été refusé pour raison de santé. De retour à Marseille, il devint commis accrédité auprès des douanes de cette ville jusqu’en 1938. Étienne Fajon* fut témoin à son mariage en 1933. Joannès avaité été exempté du service militaire par le conseil de révision en mai 1933.
Joannès fut l’un des membres fondateurs du syndicat des commis en douanes, affilié à la CGT en 1933, et membre du bureau. Sympathisant communiste, il fréquentait la cellule des cheminots du PC. « J’ai adhéré au Parti communiste français et aux Jeunesses communistes en 1933, sous l’influence des camarades d’école et devant la menace que constituait la montée du fascisme en Allemagne. » Selon sa biographie publiée dans Rouge-Midi, le 27 septembre 1944, son adhésion est datée de janvier 1934, et la création du syndicat des commis en douanes postérieure à février 1934.
De 1934 à 1936, sous le nom de Victor Jean, il fut secrétaire des Jeunesses communistes pour la région marseillaise, c’est-à-dire les départements des Bouches-du-Rhône, Var, Vaucluse, Basses-Alpes et Corse, qui était alors la plus importante de France. Puis, lorsque les Fédérations départementales furent constituées, il devint secrétaire des JC des Bouches-du-Rhône et membre du Comité central des JC. En septembre 1935, il fut présent au VIe congrès de l’Internationale communiste des Jeunes qui fut le dernier de cette organisation. Il resta en URSS jusqu’en mars 1936 se liant à Raymonde Leduc (future Raymonde Marty). Il séjournait alors à Moscou pour y suivre les cours de l’École léniniste internationale. Il signa son premier article sous son véritable nom dans Rouge-Midi le 14 août 1936. Le 1er avril 1939, il se maria avec Gisèle Nussbaum qui fut connue sous le nom de Gisèle Joannès.
Jusqu’en 1939, il participa activement aux manifestations politiques et sociales tant à Marseille et dans la région, comme le 12 février 1934, qu’à Paris, le 14 juillet 1935, par exemple, ainsi qu’au congrès de la JC, dont le VIIIe congrès national se tint à Marseille en mars 1936 ; de même aux congrès du PC comme celui d’Arles, en décembre 1937, puis à celui d’Issy-les-Moulineaux, en avril 1939 ; au Xe congrès national des JC, il avait été élu secrétaire national des Jeunesses communistes.
En 1939, Victor Joannès, devenu permanent au sein de son parti, peut-être depuis 1935, résidait donc à Paris. Le 25 août, il signa un éditorial dans l’Avant-Garde, en première page, intitulé « Pour la paix, contre l’agression » et annonça « la volonté de paix de la Jeunesse qui s’exprimera le 8 septembre prochain » à l’occasion de la journée internationale de lutte contre la guerre prévue ce jour-là à Paris...
Joannès fut recherché par la police, après la déclaration de guerre, à Marseille, notamment à l’école de garçons du boulevard extérieur où sa mère était alors concierge. Sa correspondance fut saisie à partir du 2 octobre. Mais il était déjà devenu clandestin.
Victor Joannès joua par la suite un rôle important. Dès 1940, il organisa notamment les Jeunesses communistes de la zone sud à partir de l’automne, puis en 1941, devint le responsable régional pour les départements de la Loire, Haute-Loire, Puy-de-Dôme, Allier et Cantal, délégué comme instructeur par le Comité central. Il fut également, en 1943, pendant quelque temps, membre de la direction du Front national pour la zone sud et représentant du PCF auprès des organisations de résistance de cette zone et de leur comité de coordination. Sous les pseudonymes d’Émile, ou de Georges, il dirigea des opérations qui aboutirent en 1943, à l’évasion de patriotes internés à Saint-Étienne et au Puy ; aux combats de la Libération dans le département de la Loire. Il fit fonction, sous le nom de Delmont, pendant huit jours, de préfet intérimaire à Saint-Étienne en août 1944.
De retour à Marseille en septembre, il fut nommé secrétaire régional du PCF, participa le 3 octobre au grand rassemblement populaire en faveur des États généraux de la Renaissance française, et protesta, le 3 novembre, contre la dissolution des milices patriotiques. Pendant tout le dernier trimestre 1944, Victor Joannès fut chargé de contrôler, au nom de la direction du Parti, l’activité de la région marseillaise. Puis, il fut délégué « auprès des partis frères en Afrique du Nord », en Algérie, en 1945.
Revenu en métropole, il fut élu membre suppléant du Comité central du PCF, en juin 1945, d’après La Marseillaise, au congrès de Strasbourg en 1947, selon sa propre réponse au questionnaire et les comptes rendus des congrès puis, titulaire en 1950 ; il fut ensuite réélu constamment.
Installé dès lors à Viroflay (Seine-et-Oise), Victor Joannès dirigea pendant des années l’École centrale avec compétence et autorité, toujours soucieux d’orthodoxie (voir sur ce point les témoignages de Jean-Toussaint et Dominique Desanti, Roger Pannequin, Philippe Robrieux, ouvrages cités dans les sources). Il travailla au secrétariat de Maurice Thorez dont il fut le proche collaborateur et même le secrétaire particulier pendant un mois en 1955. Philippe Robrieux affirme qu’il fut un des principaux rédacteurs des pages réécrites et des passages ajoutés à la 3e édition de Fils du peuple, parue en 1960. Cependant, avec l’aggravation de la maladie de Thorez et le rôle de plus en plus actif de Jeannette Vermeersch*, Joannès préféra se consacrer à nouveau à l’École centrale du Parti communiste. Enfin, il dirigea jusqu’à sa mort l’Institut Maurice-Thorez. Membre du comité de rédaction des Cahiers du communisme, il se consacra essentiellement aux problèmes de la formation idéologique et aux publications historiques du PCF. Il était secrétaire de la commission d’histoire auprès du Comité central et collabora, en tant que tel, à la rédaction du Manuel d’Histoire du Parti communiste français paru en 1964.
Malade depuis 1956, il mourut brusquement le 6 janvier 1972 alors qu’il avait fait, deux jours plus tôt, dans le cadre de l’Institut Maurice-Thorez, une conférence sur « Les Sources de la Collaboration et de la Résistance ». Il était marié à Gisèle Nusbaum, secrétaire dactylographe, militante communiste, et père de trois enfants.
Par Antoine Olivesi
ŒUVRE : Collaboration à plusieurs ouvrages publiés aux Éditions sociales : L’Histoire du Parti communiste français ; Maurice Thorez, l’homme et le militant, avec Georges Cogniot* ; De la guerre à la Libération. La France de 1939 à 1945 ; La Fondation du Parti communiste français et la pénétration des idées léninistes en France ; nombreux articles dans l’Humanité, Rouge-Midi, La Marseillaise, L’Avant-Garde, La Nouvelle revue internationale, France-Nouvelle, La Pensée, La Nouvelle Critique, Les Cahiers du Communisme, notamment « Trente ans de lutte du Parti communiste pour l’Unité », septembre 1966.
SOURCES : Fonds Victor Joannès, Arch. Dép. de Seine-Saint-Denis (278 J), inventaire en ligne. — Arch. RGASPI, Moscou, 495 270 299 (consulté par Claude Pennetier et reporté par Michèle Velay). — Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, III M/53 (élections cantonales de 1937) ; M 6/10809, rapports des 30 mars et 26-27 juin 1936 ; M 6/10 933, rapport du 2 octobre 1939 (préfet) ; M 6/11249 ; M 6/11 379, rapport du 9 décembre 1937. — Rouge-Midi, 14 août 1936, 12 janvier, 24 août et 15 octobre 1937, 17 et 28 janvier, 8 mars 1938, 1er juillet 1939, 27 septembre 1944 (avec photo) ; 3 et 4 octobre, 3 novembre 1944. — La Marseillaise, 7 janvier 1972 (nécrologie et photo). — M. Agulhon et F. Barrat, CRS à Marseille..., op. cit., p. 41. — Dominique Desanti, Les Staliniens, op. cit., p. 362. — Roger Pannequin, Adieu, camarades, Paris, Sagittaire, 1977. — J. Duclos, Mémoires, t. III (première partie), pp. 127 et 154. — La Fondation du PCF..., op. cit., p. 34 à 53. — Cahiers de l’Institut Maurice-Thorez, n° 20, article cité, pp. 51 et 62. — Ph. Robrieux, Thorez..., op. cit., pp. 312, 438, 439, 652, et Histoire intérieure du Parti communiste, t. 2, pp. 154, 214, 215, 267, 290 ; t. 4 (biographie), pp. 333 et 334. — Jacques Varin, Jeunes comme JC, op. cit., pp. 210, 255, 262. — Pierre Daix, J’ai cru au matin, op. cit., pp. 227, 232 et 233. — André Guérin, La Résistance, op. cit, t. 1, p. 168 et t. 2, p. 331. — Adrien Mouton, Notes d’un vétéran, op. cit., p. 80. — Renseignements fournis par Victor Joannès en réponse à un questionnaire envoyé par A. Olivesi, en 1966.