MALRAUX André [MALRAUX Georges, André]

Par Janine Mossuz-Lavau

Né le 3 novembre 1901 à Paris (XVIIIe arr.), mort le 23 novembre 1976 à Créteil (Val-de-Marne) ; écrivain ; compagnon de route des communistes avant-guerre, résistant, fondateur de la brigade Alsace-Lorraine ; délégué à la propagande du RPF , ministre des Affaires culturelles.

Fils de Fernand, Georges Malraux, de profession “indéterminée”, et de Berthe, Félicie Lamy, commerçante, André Malraux avait deux demi-frères : Roland et Claude Malraux. Il épousa en octobre 1921 Clara Goldschmidt, puis en 1948, Madeleine Malraux (veuve de Roland). Trois enfants naquirent : Florence (fille de Clara), Pierre-Gauthier et Vincent, fils de la romancière Josette Clotis qui mourut accidentellement en novembre 1944. Pierre-Gauthier et Vincent devaient être tués dans un accident de voiture en mai 1960.

André Malraux ne suivit qu’un bref cursus scolaire. Avant même de passer son baccalauréat, il abandonna ses études et, à vingt ans, il éditait des textes rares, dénichait de jeunes talents, travaillant tour à tour pour René-Louis Doyon, Lucien Kra, Daniel-Henry Kahnweiller. Il donnait à des revues telles qu’Action, la Connaissance, le Disque vert, des textes dit “farfelus” et des critiques. En 1923, ruiné, il partit pour le Cambodge, descella, avec l’intention de les vendre, quelques statues du temple de Bantéaï-Srey : arrêté à Pnompenh, il fut condamné le 21 juillet 1924 par le tribunal correctionnel de cette ville à trois ans de prison ferme, puis à un an de prison avec sursis.
C’est au cours de ce séjour forcé en terre indochinoise que Malraux s’engagea en politique pour la première fois. Il découvrit en effet le colonialisme et décida de fonder, en Indochine même, un journal dénonçant les injustices dont étaient quotidiennement victimes les Annamites. Dès juin 1925, aidé par l’avocat Paul Monin, il faisait paraître l’Indochine, rebaptisée assez vite l’Indochine enchaînée. Mais celle-ci allait cesser sa parution en février 1926 en raison des pressions de plus en plus lourdes exercées sur elle par l’administration coloniale. Quelques biographes d’André Malraux situent en cette année 1925 une participation de l’écrivain à certains épisodes de la révolution chinoise, mais cet engagement semble plus relever de la légende que de la réalité. Les Conquérants (1928) et La Condition humaine (1933) n’ont rien d’autobiographique, à la différence de La Voie royale (1930), plus nettement inspirée de l’expédition des temples.

André Malraux revint à Paris au printemps 1926 et publia La Tentation de l’Occident (1926) puis D’une Jeunesse européenne (1927). Alors qu’il travaillait aux éditions Gallimard, il entreprit en 1934 de survoler le désert d’Arabie pour retrouver la capitale de la reine de Saba. Mais les années trente marquèrent surtout son entrée en politique. Devant la montée du fascisme, Malraux avait en effet, comme Gide, adhéré à l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires (fondée en 1932) et allait participer aux côtés des communistes, à la plupart des grandes actions antifascistes. Le 21 mars 1933, il prenait part à la manifestation de l’AEAR contre le nazisme. En novembre de la même année, il présidait avec Gide le premier meeting pour la libération de Thaelmann. Le 4 janvier 1934, toujours en compagnie de Gide et à la demande du Parti communiste, il portait à Berlin une pétition réclamant la libération de Dimitrov. Quelques semaines plus tard (le 31 janvier), le “Comité international pour la libération de Thaelmann et des antifascistes emprisonnés” (dit comité Thaelmann) était constitué : Malraux et Gide en furent les présidents. Le 3 août 1934, il prit la parole à Moscou au premier congrès des écrivains soviétiques (discours reproduit dans Commune, septembre 1934), puis le 23 octobre, à Paris, au compte rendu de cette cérémonie (“L’attitude de l’artiste”, Commune, novembre 1934). En 1935, Malraux et Gide ouvrirent la première séance du congrès international des écrivains pour la défense de la Culture (“L’héritage culturel”, Monde, 27 juin et 4 juillet 1935) ; le 4 novembre, il intervint lors des premières assises internationales des écrivains pour la défense de la culture ; le 23 décembre, à la salle Wagram, il prononça également un discours au cours du meeting organisé par le comité Thaelmann à l’occasion du 2e anniversaire de l’acquittement de Dimitrov.

En 1935, enfin, il publia Le Temps du mépris. De là surgit la confusion. Ces actes, ces propos ainsi que ce livre, donnèrent d’André Malraux l’image d’un intellectuel ayant, pour une large part, épousé la cause communiste alors qu’il n’en était rien. Il entendait avant tout défendre la liberté menacée par le fascisme et agissait en ce sens aux côtés de ceux qui menaient déjà ce combat. Il n’était pas marxiste. Il précisa d’ailleurs à diverses reprises sa position, aussi bien à Moscou qu’à Paris, ou encore à Londres, le 21 juin 1936, à la réunion du secrétariat général élargi de l’Association internationale des écrivains pour la défense de la culture : “Rien ne serait plus dangereux —très spécialement pour ceux d’entre nous qui sont des écrivains révolutionnaires— que de vouloir substituer à l’héritage présent et mortel un héritage prévu par une logique abstraite” (Commune, septembre 1936).

Lorsqu’éclata la guerre d’Espagne, André Malraux s’engagea aux côtés des républicains et fonda l’escadrille España qui se battit jusqu’en février 1937. Puis il partit pour les États-Unis collecter des fonds destinés aux républicains. Il revint en Espagne en juillet, à l’occasion du IIe congrès international des écrivains où l’on devait condamner le livre de Gide, Retour de l’URSS. L’Espoir fut publié en 1937. Cette année marqua également la rupture de Malraux avec Trotsky à qui allaient ses sympathies en 1934 (Malraux avait publié dans Marianne, le 25 avril, un long texte favorable à Trotsky). Ce dernier écrivit en effet en 1937 des textes violemment hostiles au Front populaire espagnol (“Leçon d’Espagne. Dernier avertissement”). Devant une certaine efficacité communiste en Espagne, André Malraux soutint ceux qui apportaient aux républicains, depuis octobre 1936, l’aide la plus massive. Un point demeure cependant sujet à controverse. Lors du deuxième procès de Moscou (1937), Trotsky, accusé d’avoir rencontré à Paris, en juillet 1933, un journaliste russe et de lui avoir donné des instructions en vue d’un sabotage en URSS rétorqua qu’il était à cette date à Royan, où il avait reçu André Malraux. D’après Jean Lacouture, André Malraux se serait, à l’époque, abstenu de confirmer “l’alibi” de Trotsky. Interrogé sur cet épisode, au cours d’un entretien d’octobre 1974, André Malraux devait exprimer le plus grand étonnement et (me) déclarer que ni Trotsky ni les amis de celui-ci ne lui avaient demandé une quelconque déposition et que, s’ils l’avaient fait, compte tenu de ce que Trotsky représentait pour lui dans ces années-là, lui-même et bien d’autres auraient sans hésiter commis même un faux témoignage en sa faveur.

Engagé volontaire au début de la Seconde Guerre mondiale, André Malraux s’installa assez vite en zone sud puis entra dans la Résistance dans les premiers mois de 1944, après avoir écrit Les Noyers de l’Altenburg. Il apparut alors comme un nationaliste convaincu qui créa, sous le nom de colonel Berger, la brigade Alsace-Lorraine. Du 23 au 28 janvier 1945, il participa au congrès du MLN et défendit une motion s’opposant à la fusion du Mouvement national de résistance avec le Front national (animé par les communistes), et préconisant un projet de fédération sauvegardant l’autonomie de chacun des groupes. La motion Malraux l’emporta par 250 voix contre 119 à la motion de P. Hervé.

En août 1945, l’écrivain rencontra le général de Gaulle et, politiquement, il ne s’illustra plus que sur des scènes gaullistes. En 1947, il fut nommé délégué à la propagande du RPF et prononça des discours violemment anticommunistes, stigmatisant un stalinisme qui avait, à son sens, trahi le communisme originel. Il lança, le 5 mars 1948, salle Pleyel : “il n’était pas entendu que les lendemains qui chantent seraient ce long ululement qui monte de la Caspienne à la Mer Blanche, et que leur chant serait le chant des bagnards” (“Appel aux intellectuels”, publié en postface à la réédition des Conquérants, Gallimard, 1951). Le 1er juin 1958, il devint ministre délégué à la présidence du Conseil, chargé de l’Information, puis, le 9 janvier 1959, ministre d’État chargé des Affaires culturelles. Il allait créer les Maisons de la culture afin que “n’importe quel enfant de seize ans, si pauvre soit-il, puisse avoir un véritable contact avec son patrimoine national et avec la gloire de l’esprit de l’humanité” (Journal officiel, Débats parlementaires, n° 79, 18 novembre 1959). Il ne quitta le gouvernement qu’en 1969 à la suite de la démission du général de Gaulle.

En 1967, il avait publié ses Antimémoires et devait leur donner une suite fournie après avoir abandonné son ministère (une dizaine de titres entre 1969 et 1976). Il se présenta encore plusieurs fois en public, généralement à la demande d’associations de Résistants et inaugura, notamment le 2 septembre 1973, le monument élevé par Gilioli à la mémoire des maquisards de Haute-Savoie.
André Malraux mourut le 23 novembre 1976.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article73346, notice MALRAUX André [MALRAUX Georges, André] par Janine Mossuz-Lavau, version mise en ligne le 17 août 2009, dernière modification le 24 novembre 2022.

Par Janine Mossuz-Lavau

ŒUVRE : Parmi les romans : La Tentation de l’Occident, Grasset, 1926, 218 p. — Les Conquérants, Grasset, 1926, 271 p. — La Voie royale, Grasset, 1930, 273 p. — La Condition humaine, Gallimard, 1933, 403 p. — Le Temps du mépris, Gallimard, 1935, 187 p. — L’Espoir, Gallimard, 1937, 369 p. — Les Noyers de l’Altenburg, Lausanne, Éditions du Haut Pays, 1943. — Antimémoires (605 p.) suivi de Les Chênes qu’on abat...,(240 p.), d’Oraisons funèbres, (136 p.), de La Tête d’obsidienne, (278 p.), de Lazare, (253 p.) et d’Hôtes de passage, (236 p.), Gallimard, 1967-1975. — La Corde et les souris (qui rassemble les textes remaniés d’Hôtes de passage, Les Chênes qu’on abat..., La Tête d’obsidienne et Lazare), Gallimard 1976, 625 p. — Le Miroir des limbes, édition définitive qui réunit les Antimémoires, La Corde et les souris et les Oraisons funèbres, la Pléiade, 1976, 1012 p. — L’Homme précaire et la littérature, Gallimard, 1977, 330 p.
Collaboration à : L’Indochine, puis L’Indochine enchaînée (n°s parus irrégulièrement de juin 1925 au début de 1926), la NRF (n° 211, 1er avril 1931), Marianne (n° 79, 25 avril 1934), Commune (n° 13-14, septembre-octobre 1934) ; n° 15, novembre 1934 ; n° 23, juillet 1935 ; n° 28, décembre 1935 ; n° 37, septembre 1936), The Nation (n° 144, mars 1937). — Pour Thælmann. 23 décembre 1935, par Jean de Moro-Giafferi, André Gide, André Malraux, Pasteur Nick, Éd. universelles, s.d., 48 p. — Rassemblement 1948-1952. — Liberté de l’Esprit, février 1949-1952. — Carrefour, 1949-1952 ; n° 429, 3 décembre 1972. — L’Express (25 décembre 1954 ; 29 janvier 1955 ; 17 avril 1958). — Discours d’André Malraux, s.d. (1965), in “Malraux. Paroles et écrits politiques. 1947-1972”, numéro spécial d’Espoir, la revue de l’Institut Charles de Gaulle, n° 2, 1973, 113 p. — L’Herne, Cahier n° 43, consacré à André Malraux, sous la direction de Michel Cazenave, 1982, 492 p.

SOURCES : Premier congrès national. Mouvement de libération nationale. Janvier 1945, Sceaux, MLN, 1945, 158 p. — C. Delmas, André Malraux et le communisme, L’Age nouveau, février 1953. — J. Hoffmann, L’Humanisme de Malraux, Klincksiek, 1963, 397 p. —W. Langlois, André Malraux. L’aventure indochinoise, Paris, Mercure de France, 1967, 338 p. — J. Lacouture, André Malraux. Une vie dans le siècle, Paris, Le Seuil, 1973, 425 p. — — De Gaulle par Malraux, sous la direction d’A. Beuret et P. Lefranc, Paris, Le Club du livre, 1980, 304 p. — J. Mossuz-Lavau, André Malraux et le gaullisme, Paris, Presses de la FNSP, 1982, 322 p. (réédition poche “Références” d’un livre paru en 1970). — Via Malraux, écrits de W. Langlois, réunis par David Bevan, Canada, The Malraux Society, 1986, 330 p. — G. Penaud, André Malraux et la résistance, Périgueux, Pierre Fanlac, 1986, 236 p. — Institut Charles de Gaulle, Actes du colloque “De Gaulle et Malraux” (novembre 1986), Paris, Plon, 1987, 324 p. — J. Mossuz-Lavau, André Malraux, Lyon, La Manufacture, 1987, 222 p. (collection Qui êtes-vous ?). — G. Roche, “Malraux et Trotsky. Mythe et histoire de la révolution”, Revue des lettres modernes, série André Malraux, Minard, n° 7, 1987, pp. 59-99. — Clara Malraux, Le Bruit de nos pas, t. I, Apprendre à vivre, Paris, Grasset, 1963, 287 p. ; t. II, Nos vingt ans, 1966, 283 p. ; t. III, Les Combats et les jeux, 1969, 248 p. ; t. IV, Voici que vient l’été, 1973, 285 p. ; t. V, La Fin et le commencement, 1976, 230 p.

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