MALLERET-JOINVILLE Alfred [MALLERET Alfred, dit]. Pseudonymes dans la Résistance : MARTIAL, BUSSY, BAUDOIN, BOURDELLE, puis JOINVILLE.

Par Jean Maitron

Né le 15 décembre 1911 à Paris (XIVe arr.), mort le 20 février 1960 à Arcueil (Seine, Val-de-Marne) ; employé d’assurances ; syndicaliste et militant communiste ; un des dirigeants de « Libération-Sud » en 1942, puis responsable des Mouvements Unis de Résistance en 1943-1944 avec le grade de général ; membre du comité central du Parti communiste en 1950 ; député de la Seine (1946-1958), conseiller municipal d’Alfortville (Seine, Val-de-Marne).

[Assemblée nationale, Notices et portraits, 1946]

Les parents d’Alfred Malleret étaient issus de familles de métayers installés dans la région de Montluçon (Allier) depuis de nombreuses générations. Son père quitta un emploi de mineur dans le bassin de Noyant (Maine-et-Loire) et vint chercher du travail à Paris où il exerça longtemps le métier de chauffeur de taxi.

Alfred Malleret fit des études primaires à Vincennes (Seine, Val-de-Marne) où habitait sa famille. À quinze ans, muni du brevet d’enseignement primaire supérieur, il entra comme employé à la Barclay’s Bank. C’est en 1928 qu’il fonda avec sept camarades une première association le « Pingouin’s club », dans le but de s’instruire par un échange des connaissances artistiques et musicales de chacun. Un voisin, professeur de musique, apprit le violon au jeune Malleret, puis lui procura en 1931 une chambre et un emploi à l’École de Musique de Vincennes. Entre temps, en 1929, le « Pingouin’s club » ayant disparu, Alfred Malleret fonda la « Nouvelle Pléiade ».

En septembre 1933, au retour du service militaire effectué au 9e régiment de zouaves en Algérie, et qu’il termina comme sergent, Alfred Malleret et trois amis de la « Nouvelle Pléiade » s’essayèrent à la vie communautaire et louèrent un pavillon à Vincennes. Mais, au début de 1934, des difficultés financières obligèrent les jeunes gens à déménager. Alfred Malleret s’installa alors place Daumesnil (Paris, XIIe arr.) Le groupe s’initiait aux sciences humaines, au latin, à la philosophie que leur milieu modeste ne leur avait pas permis d’aborder à l’école. En 1935, ce fut l’étude de Marx. Deux des camarades de Malleret devinrent communistes. (Voir Paul Copin*)

Abandonnant l’école de musique, après plusieurs emplois, il entra en 1934 à la compagnie d’assurances « La Nationale » à Paris. En 1935, il y fonda la sous-section syndicale de la CGTU dont il devint le secrétaire. En 1936, il participa activement à l’organisation des grèves dans l’entreprise et aux commissions paritaires, avec Maurice Kriegel* ; en juin 1937, il adhéra au Parti communiste ; il faisait partie de l’Association des Amis de la Commune et du mouvement Amsterdam-Pleyel. Parallèlement, il continua à approfondir sa culture par de longues lectures nocturnes.

Mobilisé en 1939 au 21e régiment de marche des volontaires étrangers, il fut fait prisonnier le 23 juin 1940 dans les Ardennes. Une première tentative d’évasion en septembre 1941 échoua, une deuxième, le 6 avril 1942, fut couronnée de succès ; il regagna la France et fut démobilisé à Châteauroux (Indre) le 22 juin 1942. Il entra aussitôt en contact avec son ami Maurice Kriegel et, par l’intermédiaire de celui-ci, avec la Résistance à Limoges.

Au début de 1943, lorsqu’il devint chef de région du mouvement « Libération » que dirigeait Emmanuel d’Astier de la Vigerie, Malleret rencontra sa future compagne [ils se marièrent le 3 février 1945 à Bour-la-Reine]. Celle-ci, Ségolène Manceron, était entrée en 1941 comme secrétaire permanente du mouvement « Libération » à Lyon. Elle fut secrétaire de Pierre Hervé, chef de région des Mouvements Unis de Résistance (MUR) pour la région lyonnaise, puis de Malleret qui, sous le pseudonyme de Joinville succéda à Pierre Hervé. Elle adhéra au Parti communiste en 1943 et travailla avec Joinville sous les pseudonymes successifs de Françoise, Viviane, Magali, Anna, Annick.

Lorsque les mouvements de résistance de la zone-sud fusionnèrent, Alfred Malleret fut désigné comme chef des Mouvements Unis de Résistance pour la région Rhône-Alpes qui regroupait dix-huit départements. Il avait pour adjoint l’historien Marc Bloch dont il admirait le tranquille courage. Il organisa l’action directe, impulsa la création et l’équipement des maquis. Certains groupements répugnant à les armer, il combattit leurs arguments estimant que leur attitude « condamnerait la Résistance à l’impuissance et à la stérilité ».

Devenu en février 1944 chef national des Corps Francs de la Libération – qui regroupaient l’ensemble des forces armées de la zone-sud – il s’opposa aux partisans de « l’attentisme » et fut de ceux qui voulaient développer immédiatement et sous toutes les formes la guérilla contre l’ennemi. En mai, après l’arrestation du général de Jussieu, le COMAC (organisme militaire du Conseil national de la Résistance) le désigna comme chef d’état-major national des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI).

Pendant trois mois décisifs, sa tâche fut d’implanter des états-majors régionaux en assurant la fusion des divers organismes sous une autorité unique. L’utilisation du réseau radio du service de renseignements de BCRA lui ayant été refusée, il envoya dans toute la France des agents de liaison qui assurèrent par tous les moyens le contact avec les régions et les départements.

En août 1944, il était aux côtés du colonel Rol-Tanguy* pendant les combats de la Libération de Paris. Après celle-ci, un décret du 28 août prononça la dissolution des FFI, mais il ne fut pas appliqué en raison de la pression populaire et Joinville fut nommé général, directeur des FFI. Il s’installa avec son état-major au ministère de la Guerre.

Le problème fut alors de réaliser l’amalgame des troupes de la Résistance intérieure et des troupes venues de l’extérieur. Ainsi les FFI continuèrent-ils le combat : ils participèrent à la libération des « poches » de l’Atlantique encore tenues par l’ennemi et à la libération de l’Alsace.

Le 15 mai 1945, Alfred Malleret-général Joinville était démobilisé. Une nouvelle phase de sa vie commençait. Le Parti communiste français le présenta aux élections législatives sur la liste du 4e secteur de la Seine immédiatement après Maurice Thorez. Député, il fut réélu sans interruption jusqu’en 1958. Il siégea en outre quelques années au conseil municipal d’Alfortville.

Spécialisé dans les questions militaires, il appartint à la commission de la défense nationale et suivit attentivement les problèmes internationaux. Il écrivit de nombreux articles, participa à la direction de la Fédération des officiers de réserve républicains. Il se prononça contre l’armée de métier et s’éleva contre ceux qui proclamaient dépassé le concept national. Bien avant le 13 mai 1958, il dénonça le rôle d’officiers factieux au sein du service psychologique de l’armée.

Membre du comité central du Parti communiste français à partir de 1950, il participa à toutes les luttes politiques de l’après-guerre, et notamment à celle menée contre la guerre d’Indochine. Chargé des services de sécurité du PCF, il fut blâmé suite à l’arrestation de Jacques Duclos le 28 mai 1952, dans la contexte de la manifestation Ridway. Jacques Duclos avait fait une erreur en se déplaçant dans Paris, conservant de plus ses notes du bureau politique, mais celui-ci ne pouvant être critiqué, il fallait un responsable.

Le 20 février 1945, Alfred Malleret avait épousé civilement Ségolène Manceron dont le père avait été résident général en Tunisie puis ambassadeur au Danemark.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article73774, notice MALLERET-JOINVILLE Alfred [MALLERET Alfred, dit]. Pseudonymes dans la Résistance : MARTIAL, BUSSY, BAUDOIN, BOURDELLE, puis JOINVILLE. par Jean Maitron, version mise en ligne le 1er septembre 2009, dernière modification le 4 octobre 2023.

Par Jean Maitron

[Assemblée nationale, Notices et portraits, 1946]
[Assemblée nationale, Notices et portraits, 1956]

ŒUVRE : Collaborations à France Nouvelle, Démocratie Nouvelle, aux Cahiers du Communisme. — Membre du comité directeur de l’hebdomadaire Action avec Pierre Hervé, Maurice Kriegel, Jean Pronteau. Animateur entre 1955 et 1960 de la revue L’Armée française, organe de la Fédération des officiers de réserve républicains. — Livres et brochures : Les Usines d’armement et le rééquipement national. L’Armée française doit être nationale et républicaine (interventions des députés communistes devant l’Assemblée constituante), Paris, PCF, 1946. — Le Problème de l’armée nationale, les instituteurs, le pacifisme et l’armée nationale (conférence faite le 16 avril 1946), Paris, s.d. — L’Armée républicaine la plus efficace, la plus économique (débats de l’Assemblée Nationale Constituante) Paris, PCF, 1946. — En collaboration avec Louis de Villefosse, Demain, l’armée française, Paris, 1950.

SOURCES : Fonds Alfred Malleret-Joinville, Arch. dép. de Seine-Saint-Denis (304 J), inventaire en ligne. — Bibliothèque marxiste de Paris. — Témoignage et archives personnelles de Madame Malleret-Joinville. — Maurice Kriegel-Valrimont, Mémoires rebelles, avec Olivier Biffaud, Éditions Odile Jacob, 1999. —Paul Noirot, La mémoire ouverte, Stock, 1976, p. 117-118.

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