MORIZET Georges [MORIZET Léon, Georges]

Par Alain Dalançon

Né le 22 avril 1873 à Reims (Marne), mort le 24 décembre 1943 à Paris (XIIe arr.) ; professeur agrégé d’histoire et géographie ; militant syndicaliste de la Fédération nationale des professeurs de lycée et du personnel de l’enseignement secondaire féminin, puis vice-président du S3 ; secrétaire ou président de la SPHG (1911-1936).

Georges Morizet
Georges Morizet
En 1906 à Nancy

Léon, Georges Morizet était le fils de Charles, Marie, Léon Morizet, issu d’une famille de vignerons champenois, notaire à Reims depuis 1869. Ce dernier, d’un caractère primesautier, fut conseiller municipal et conseiller général républicain du 1er canton de Reims (1880-1889) ; après de mauvaises affaires, il cessa son activité de notaire en 1898, devint directeur du bagne de l’île de Poulo Condor en Cochinchine et décéda en 1909. Sa mère, Blanche, Eugénie, Lucie Delius, appartenait à une famille très protestante implantée depuis le XVIIIe siècle dans le négoce du champagne (sa mère était une Heidsiek), et donna à ses enfants une éducation sévère.

Georges Morizet était l’aîné des trois enfants ; son frère cadet, André Morizet, devint un militant socialiste, communiste, puis socialiste SFIO, futur maire de Boulogne-Billancourt et sénateur.

Licencié ès lettres en 1893, licencié en droit en 1895, il hésita entre une carrière juridique et une carrière universitaire, voie qu’il choisit finalement, à la suite de la ruine de son père, suivant les conseils de ses professeurs de la faculté de Nancy (Meurthe-et-Moselle). Il commença à enseigner comme professeur délégué en histoire au collège de Boulogne-sur-mer (Pas-de Calais) et fut reçu (8e) à l’agrégation d’histoire et géographie en 1898. Délégué au lycée de Montpellier jusqu’en octobre 1899, il fut nommé professeur au lycée de Brest (Finistère) l’année suivante. Il n’avait pas abandonné son projet de mener à bien une thèse de doctorat d’histoire et réussit à être boursier d’études auprès de la faculté de Paris de 1900 à 1902 (avec un traitement d’inactivité de 100 francs). Il ne parvint pas toutefois à aller jusqu’au bout de la préparation de sa thèse et fut nommé professeur au lycée Blaise Pascal de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) de 1902 à 1904, puis au lycée de Nancy jusqu’en 1909. Nommé à la rentrée de cette année au lycée Charlemagne à Paris, en remplacement d’Amédée Thalamas, il fut ensuite provisoirement affecté à la suppléance d’Albert Malet au lycée Louis-le-Grand. Il rencontra souvent des problèmes d’autorité avec ses élèves, signalés par l’inspection et ses proviseurs ; il termina cependant sa carrière dans ce prestigieux établissement en 1935.

Georges Morizet épousa le 20 novembre 1902, à Aubervilliers (Seine, Seine Saint-Denis) Adèle Grillat (1879-1963), avec laquelle il eut six enfants dont cinq survécurent (trois fils, Pierre, Etienne (1904-1982), futur professeur de Droit, directeur de banque ; Henri, Georges (1912-1957), futur administrateur de la France d’Outremer ; Jacques (1921-2020 ), futur diplomate, ambassadeur de France, et deux filles, Lucie, Pauline, Christiane, future médecin, mariée à Julien Birouste ; Madeleine, Catherine (1904-2010), future assistante sociale à la SNCF). La famille fut longtemps domiciliée 9 bis, avenue Gambetta à Saint-Mandé (Seine, Val-de-Marne).

Il commença à militer dans la Fédération nationale des professeurs de lycée de garçons et du personnel de l’enseignement secondaire féminin (A3), présidée par Albert Fedel. Il fut parallèlement l’un des principaux fondateurs, avec Henri Busson, professeur au lycée Carnot, en décembre 1910 au lycée Louis-le-Grand, de la Société des professeurs d’histoire et géographie qui était la dernière société disciplinaire à être créée. Georges Morizet en devint le président en 1911. Durant la Première Guerre mondiale, la société cessa ses activités mais il continua d’entretenir des relations entre les membres de bureau, et en 1919, c’est sous son impulsion et celle de Busson que la SPHG redémarra, les deux militants s’interchangeant les postes de président et de secrétaire général jusqu’en 1924, date à laquelle Busson fut élu au Conseil supérieur de l’Instruction publique. Jusqu’à la fin décembre 1935, Charles Morizet fut donc président mais une collaboration étroite entre les deux hommes se poursuivit pendant une dizaine d’années.

Ils ouvrirent en 1919 l’adhésion aux enseignant(e)s du primaire (écoles normales d’instituteurs et institutrices et écoles primaires supérieures) et du supérieur, alors que jusqu’alors l’association était réservée aux professeurs du secondaire. Ils ouvrirent le bulletin à des comptes rendus d’ouvrages et d’importantes bibliographies pour les concours des agrégations masculine et féminine, idée que Morizet avait déjà défendue en 1914, pour s’attacher les agrégatif(ve)s. Ainsi les effectifs des adhérent(e)s se diversifièrent et connurent une croissance importante (de 200 à plus d’un millier en 1932). Il appela constamment l’ensemble des membres à participer à la vie de la société (discours de l’AG de 1925) en ne laissant pas la parole aux seules personnalités, et fit élargir de 15 à 30 le nombre de membres du comité national en 1932.

En même temps, Georges Morizet participa à partir de 1919 à la relance de l’A3, dont il était le secrétaire, association qui se transforma en Syndicat national (S3) en 1925, présidé par Victor Cope, et dont il fut le premier vice-président chargé des questions relatives à l’enseignement masculin. En 1930, il occupait toujours cette fonction.

Il mena ainsi des combats identiques ou convergents au S3 et à la SPHG : assimilation des enseignements féminin et masculin dès 1921, fusion des deux agrégations masculine et féminine, assimilation des programmes du secondaire et du primaire supérieur. Tout en défendant la valeur éducative de l’histoire et de la géographie dans le monde d’aujourd’hui : « Nous estimons qu’aucune discipline ne peut plus que les nôtres concourir à la formation intellectuelle et morale de celui qui sera demain un homme et un citoyen. »

C’est au titre de président de la SPHG qu’il participa avec son collègue Busson aux commissions ministérielles Léon Bérard sur le matériel et l’allègement des programmes, sans obtenir que le début du programme de la classe de philosophie commence en 1848 plutôt qu’en 1815. Ce que leur accorda quelques années plus tard Francique Vial, directeur de l’enseignement secondaire (1925-1936), qui travailla en toute confiance avec eux. Ainsi ce dernier confia-t-il à Morizet la rédaction de la circulaire pour les nouveaux exercices pratiques en 1927. Et ce dernier participa durant toute sa présidence à l’élaboration des programmes d’histoire et géographie en accord avec l’inspection générale. Il réclama l’exclusivité de l’enseignement de l’histoire de l’Art pour les historiens (car « ils partent du concret et non d’a priori comme leurs collègues professeurs de lettres ou de dessin »), ce qui se traduisait dans les bulletins (reproductions d’œuvres artistiques, cours…) et dans des avantages obtenus pour les visites des musées. En 1930, face aux projets de la commission du « surmenage » visant à réduire les horaires des disciplines, il écrivait : « Soucieux de l’avenir de notre race, désireux de contribuer efficacement à la formation de l’élite, nous n’entendons pas être les sacrifiés de l’enseignement secondaire et voir réduite la part déjà si restreinte de nos deux disciplines que plus que jamais nous considérons comme absolument indispensables à la formation des esprits et des cœurs. » Mais la direction de la SPHG ne put s’opposer que très partiellement en 1931 à la réduction des horaires d’histoire-géographie, ce qui entraîna des reproches contre l’activité du bureau.

Dans l’atmosphère du début des années trente marquées par la montée du fascisme en Europe, les recompositions syndicales et les luttes contre les politiques d’austérité, les réunions des instances de la société perdirent de leur sérénité. Ce fut notamment le cas à propos de la désignation en 1934 de l’agrégé d’histoire devant siéger au CSIP en remplacement de Busson, qui fut à l’origine d’une véritable « affaire ». Charles-André Jullien, professeur au lycée Janson-de-Sailly, arriva en tête du scrutin (107 voix sur 244 exprimées) devant Albert Troux (105 voix) et Robert-Pimienta (32 voix). Mais ce professeur engagé à gauche, dont le livre Histoire de l’Afrique du Nord, défendu par Lucien Febvre, prenait à rebours l’histoire coloniale traditionnelle mise en exergue à l’Exposition coloniale de 1931, et dont la candidature était soutenue également par Jean Bruhat, secrétaire de la section des professeurs des 2e et 3e degrés de la Fédération unitaire (CGTU), fut battu au second tour par Albert Troux. Ce dernier bénéficia en effet du retrait de la candidature de Robert-Pimienta et du soutien du bureau de la SPHG toujours présidé par Georges Morizet. Celui-ci se défendit d’avoir voulu favoriser la candidature du gagnant et, pour apaiser la situation, demanda à Bruhat et son collègue Castel de réintégrer le comité dont ils avaient démissionné en signe de protestation.

Prenant sa retraite professionnelle, il eut Henri Boucau pour successeur à la présidence en 1936. Il devint ensuite président d’honneur, ce qui lui permettait de continuer à intervenir, ce dont il ne se priva pas.

Défenseur des principes de la SDN, il se prononça en 1932 pour la participation à la Conférence internationale pour l’enseignement de l’histoire qui ne fut acceptée par la SPHG que sous condition de pouvoir s’en retirer quand elle le désirerait ; la Conférence connut d’ailleurs un échec après l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Il n’en resta pas moins partisan du rapprochement entre enseignements des deux pays et de l’harmonisation des manuels. En novembre 1937 furent publiées dans le Bulletin, en français et en allemand, les résolutions de la commission franco-allemande.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article73922, notice MORIZET Georges [MORIZET Léon, Georges] par Alain Dalançon, version mise en ligne le 10 septembre 2009, dernière modification le 22 novembre 2022.

Par Alain Dalançon

Georges Morizet
Georges Morizet
En 1906 à Nancy
Adèle Morizet et ses quatre enfants en 1914
Adèle Morizet et ses quatre enfants en 1914
Debouts au fond : Christiane et Pierre ; au 1er rang : Madeleine et Henri

ŒUVRE : « La princesse Marguerite de Lorraine de 1613 à 1643 », Annales de l’Est, 1899. — L’Antiquité : l’Orient, la Grèce et Rome, Hachette, plusieurs éditions à partir de 1904. — Petite histoire de la Lorraine des origines au XIXe siècle, 1926, rééditée en 2015.

SOURCES : Arch. Nat. F 17/24525, AJ 16/1310.— Arch. PPo. 304, avril 1930. — La Quinzaine universitaire. — Bulletin de la SPGH. — L’Ère nouvelle, 26 avril 1923. — Alexandre Niess, L’hérédité en République : les élus et leurs familles dans la Marne, 1871-1940, Septentrion, 2012. — Évelyne Héry, Un siècle de leçons d’histoire : L’histoire enseignée au lycée, 1870-1970, Presses universitaires de Rennes, 1999. — Parricia Legris, Qui écrit les programmes d’histoire ? Presses universitaires de Grenoble, 2014. — Suzanne Citron, Aux origines de la Société des professeurs d’histoire : la réforme de 1902 et le développement du corporatisme dans l’enseignement secondaire, 1902-1914, thèse de 3e cycle, Paris X, 1974. — Kevin Dubos, La SPHG de l’enseignement public de sa fondation à la veille de la Seconde Guerre mondiale (1910-1939), master 2, Paris 1, 2015. — DBMOF (notice non signée). — Sites généalogiques. — État civil de Reims. — Notes d’Yves Verneuil. — Renseignements et photos fournies par son petit fils André Morizet.

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