MUNZENBERG Willy. Pseudonymes : HERFURT, A. SONNENBURG, STUDZINSKY (DBK)

Par Michel Dreyfus

Né le 14 août 1889 à Erfurt (Allemagne), mort près de Saint-Marcellin (Isère), durant l’été ou l’automne 1940 dans des circonstances encore non élucidées ; secrétaire de l’Internationale communiste des jeunes jusqu’en 1921 ; secrétaire du Secours ouvrier international ; principal responsable de la propagande communiste en Allemagne jusqu’en 1933 puis du contre-procès Dimitrov à Londres en août 1933 ; inspirateur de la Ligue contre l’impérialisme puis du Mouvement Amsterdam-Pleyel et enfin du Rassemblement universel pour la paix ; en désaccord avec le Komintern à partir de la fin 1936, rompt avec ce dernier et le KPD en janvier 1939.

Voir aussi sa biographie dans le Dictionnaire Allemagne.

Fils d’un forestier, Willy Münzenberg, après avoir mené des études souvent interrompues et exercé divers métiers, assista en 1912 au congrès extraordinaire de Bâle de la IIe Internationale. Durant la Première Guerre, il appartint à la Gauche zimmerwaldienne puis se rallia à la Révolution d’Octobre.

Ayant adhéré à la Ligue spartakiste puis au Parti communiste, il fut surtout un des responsables de l’Internationale communiste des jeunes (ICJ). Il assista au IIIe congrès de l’IC ainsi qu’au IIe congrès de l’ICJ dont il fut un moment le secrétaire mais il ne put obtenir que cette organisation dispose d’une certaine autonomie vis-à -vis du Komintern. Aussi, dès 1921 Lénine* lui confia la direction d’une campagne de propagande en faveur de la Russie affamée puis, peu après, la direction du Secours ouvrier international.

Dès lors, Münzenberg fut à Berlin à la tête d’une vaste entreprise de propagande, appelée parfois le « trust Münzenberg », reposant sur des moyens considérables (presse, maison d’édition, radio, cinéma) qui acquit une vaste influence, y compris dans les milieux non communistes. Il y manifesta un talent d’écrivain, de chef d’entreprise et un sens aigu de la communication. Membre du comité central du KPD depuis 1924, il y manifestait une sensibilité proche de l’ultra gauche, tout en jouissant d’une relative indépendance à son égard. Membre important de l’appareil du Komintern, rendant directement des comptes à l’OMS (département des liaisons internationales de l’IC) dirigé par Piatnitsky*, il fit de très nombreux voyages en Union soviétique (plus d’une cinquantaine) et assista à tous les congrès de l’IC.

Très tôt, il fut chargé par le Komintern de mettre en œuvre de vastes campagnes internationales de propagande. À partir de 1926, il fut le principal inspirateur de la Ligue contre l’impérialisme, formellement créée en janvier 1927 lors d’un congrès à Bruxelles, destinée à susciter la mobilisation en faveur de la révolution chinoise et des peuples coloniaux contre leurs propres impérialismes. Il participa également à son 2e congrès tenu à Francfort sur le Main (Allemagne) en 1929. En 1932, il joua un rôle analogue d’inspirateur et d’organisateur du Comité mondial contre la guerre et le fascisme dont Barbusse* fut le porte-parole et le symbole. Dans ces deux cas, Münzenberg sut déployer tous ses talents de metteur en scène.

Ayant gagné clandestinement la France en mars 1933, Münzenberg fut le principal promoteur de la propagande contre le national-socialisme. Il publia les Livres bruns sur la terreur nazie et l’incendie du Reichstag, fut le principal organisateur du contre-procès Dimitrov, organisé à Londres et l’un des fondateurs de la Bibliothèque pour la liberté, destinée à remplacer les livres brûlés en Allemagne par les nazis. Il suivit également la création de l’Institut pour l’étude du fascisme qui réalisa en mars 1935 une exposition internationale sur le fascisme et sut nouer des relations dans des milieux autres que le monde communiste.

Durant cette période, il était toujours un membre important de l’appareil de l’IC : à la mort de Barbusse* en août 1935, Dimitrov* le chargea de la direction du Comité mondial contre la guerre et le fascisme. Toujours membre, également, de la direction du KPD, il fut alors chargé de la mise sur pied d’un Front populaire allemand auquel appartenaient des personnalités libérales, socialistes et sans-parti. Fin 1935, ce Comité, auquel Münzenberg se consacra pleinement, commença à fonctionner. Münzenberg défendait alors une ligne frontiste (alliance antinazie loyale avec les autres forces de gauche) analogue au sein du Rassemblement universel pour la paix (RUP), dont il avait également été un inspirateur même s’il n’avait pu apparaître au-devant de la scène. Créé en septembre 1935, le RUP tint son premier congrès à Bruxelles en août 1936.

Mais à partir du début de l’année 1936, Münzenberg, se trouva, au sein du KPD, en désaccord croissant avec la ligne défendue par Ulbricht, partisan d’un « Front populaire par le bas ». Cette orientation correspondait à une ligne de rechange envisagée dès cette période par le Komintern, même si elle n’était pas formellement défendue. Par ailleurs à partir de l’été 1936 commencèrent les grandes purges en Union soviétique.

Convoqué par la Commission internationale de contrôle du Komintern en octobre 1936 à Moscou pour se justifier, Münzenberg fut frappé par l’atmosphère qui y régnait. Il fut décidé qu’il resterait à travailler à la section de propagande de l’IC et que toutes les responsabilités qui étaient les siennes à Paris lui seraient retirées. Il craignit d’être arrêté et ne put quitter l’Union soviétique que grâce à l’aide inopinée de Togliatti*. Ce départ ressemblait à une fuite : plusieurs fois rappelé par la suite à Moscou pour se justifier d’une accusation de « trotskysme », il n’y remit jamais les pieds.

En décembre 1936, B. Smeral* remplaça Münzenberg au sein du RUP ; nombre de ses collaborateurs furent remis en question par Moscou et démis de leurs fonctions. Les désaccords avec Ulbricht sur le Front populaire allemand comme les répercussions des grands procès (l’arrestation et la liquidation de son beau-frère H. Neumann ainsi que de plusieurs de ses collaborateurs) l’ébranlèrent bien davantage : en avril 1937, il adressa au KPD une lettre dans laquelle il affirmait son refus de se laisser « liquider politiquement » et continuait à défendre un Front unique associant communistes et socialistes dans la perspective d’un Front populaire anti-nazi plus large.

Ulbricht ayant succédé à Münzenberg comme représentant de l’IC auprès du KPD, pressions et manœuvres se multiplièrent contre lui. Le 14 juillet 1937, court-circuitant la hiérarchie du KPD et de l’IC, il envoya une lettre personnelle à Staline : il y développait sa conception du Front populaire, en s’appuyant sur les décisions du VIIe congrès de l’IC. Il semble que cette initiative ait contribué à ce que l’IC le ménage encore quelques mois. Mais la dernière réunion du Comité du Front populaire allemand se tint à Paris en novembre 1937, date à laquelle il semble que Staline* ait décidé de le faire venir à Moscou pour l’arrêter. Le 11 novembre Staline* affirmait à Dimitrov : « Münzenberg est trotskyste. S’il vient à Moscou, nous l’arrêterons sans doute. Tâchez de l’attirer ici. » En mars 1938, Münzenberg fut exclu du CC du KPD. De plus en plus lié avec les autres forces de gauche antinazies, Münzenberg, travailla, durant l’été 1938, à la mise sur pied d’un hebdomadaire, Die Zukunft destiné à regrouper les antinazis, non communistes, vivant en France. En janvier 1939, Münzenberg préféra démissionner du KPD avant d’en être exclu. Il dénonça violemment le Pacte germano-soviétique dans Die Zukunft.

En mai 1940, il fut interné au stade de Colombes avec un grand nombre d’autres émigrés allemands, dont Arthur Koestler. Transféré au camp de Chambaran (Isère), libéré le 20 juin 1940 avec d’autres détenus, on perd ensuite sa trace. On retrouva son corps le 22 octobre 1940 : suicide ou assassinat. Et dans cette dernière hypothèse, par qui ? Les circonstances de sa mort n’ont jamais été élucidées.

Il s’était marié avec Babette Gross.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article74000, notice MUNZENBERG Willy. Pseudonymes : HERFURT, A. SONNENBURG, STUDZINSKY (DBK) par Michel Dreyfus, version mise en ligne le 9 janvier 2010, dernière modification le 17 juin 2020.

Par Michel Dreyfus

SOURCES : Notice par J. Droz, in Allemagne. Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier international…, op. cit.W. Munzenberg 1889-1940. Un homme contre. (Colloque international, Aix-en-Provence, 26-29 mars 1992), Le Temps des cerises, 1993, 200 p. — Les Kominterniens. 1. Dossier Willi Munzenberg. Éléments biographiques, Communisme,n° 38-39. — A. Kriegel, S. Courtois, E. Fried…, op. cit. — P. Broué, Histoire de l’Internationale…, op. cit.

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