Par Jean Maitron, Jacques Girault
Née le 12 avril 1903 au hameau de Kerhoet, île de Groix (Morbihan) ; morte le 19 juillet 1992 à La Verrière (Yvelines) ; institutrice puis professeure ; militante syndicaliste du SNI à Paris.
Dernière d’une famille de quatre enfants, fille d’un adjudant d’infanterie, Juliette Harzelec fut élève de l’école primaire supérieure Sophie Germain, (Paris IVe arr.) de 1916 à 1919, puis, de l’École normale d’institutrices, boulevard des Batignolles, (Paris XVIIe arr.) de 1919 à 1922. Institutrice à l’école maternelle de la rue Monge, (Ve arr.) de 1922 à 1927, tout en travaillant, elle prépara, au collège Sévigné, le professorat des écoles normales et des EPS, section Lettres et suivit, pendant deux ans, les cours du philosophe Alain dans ce même collège. En 1926, elle obtint la première partie du professorat et la seconde l’année suivante.
Nommée tout d’abord à l’EPS de Saint-Gaultier (Indre), puis à celle de Quimperlé (Finistère), Juliette Harzelec refusa ces affectations pour des « raisons familiales ». Elle choisit de rester à Paris et d’exercer comme chargée d’enseignement, au cours complémentaire de jeunes filles de la rue de Charenton (XIIe arr.) de 1928 à 1931 puis, comme professeur de CC, de 1931 à 1946, rue des Volontaires (XVe arr.) où elle habitait. Mais toujours « pour des raisons familiales », elle interrompit son activité professorale pour la reprendre à la Libération. En 1946, elle fut nommée professeur pendant deux ans au collège moderne de jeunes filles de Courbevoie (Seine) puis, intégrée dans le corps des certifiés, en 1948 à 1968, au collège moderne de jeunes filles Paul-Bert (XIVe arr.) où elle resta jusqu’à sa retraite en 1968. Elle habitait alors rue Vercingétorix (XIVe arr.).
Depuis 1930, encouragée par Roger Hagnauer, Juliette Harzelec militait dans la section de la Seine du Syndicat national. Membre du conseil syndical et du bureau du Syndicat national des instituteurs, réunifié, de 1935 à l’armistice, elle s’intéressa plus particulièrement aux questions corporatives. En mai 1938, lors des élections professionnelles au Conseil départemental de l’enseignement primaire, elle fut élue avec 52,55 % des voix au terme d’une campagne électorale passionnée, contre l’institutrice qui détenait l’unique siège emporté par l’organisation concurrente (Association professionnelle) dans la quatrième circonscription (XIIIe, XIVe, XVe et XVIe arr.). Profondément pacifiste, elle accepta les accords de Munich comme une trêve permettant de négocier un accord international plus général. Partie prenante des débats qui agitèrent la section après Munich, elle défendit dans les colonnes de L’École du Grand Paris (organe de la section) le point de vue majoritaire contre les partisans de la « fermeté ». Parallèlement, elle écrivit des articles dans L’Élan syndicaliste (bulletin de la Seine de la Fédération des fonctionnaires) fondé par Adrien Lavergne.
Après la dissolution du SNI, en octobre 1940, à l’appel de René Bonissel, Juliette Harzelec participa à une réunion clandestine dans une école de l’avenue de la République où furent jetées les bases d’une organisation syndicale clandestine en liaison avec le Centre d’achat des Fonctionnaires fondé en 1934, 52, rue d’Hauteville (Xe arr.). Une aide active fut apportée aux instituteurs révoqués ou menacés (communistes, Juifs, Francs-maçons) ou déportés. Ils s’opposèrent aux ministres par circulaires adressées, en particulier à Abel Bonnard, après la fermeture des écoles normales et les poursuites engagées contre le corps enseignant rendu responsable de la défaite de 1940. Des tracts clandestins furent rédigés et distribués.
Après la Libération, Juliette Harzelec fit partie, en octobre 1944, du bureau national du SNI. Cette désignation fut confirmée lors de la réunion du conseil national du SNI, le 30 décembre 1945. Elle participa aux activités de la direction nationale dans cette période de reconstruction syndicale. Au début de 1946, lors de l’élection du secrétaire général, comme Bonissel, elle ne soutint pas la candidature de Marie-Louise Cavalier.
Lors de la réunion du conseil national, les 18-19 juillet 1945, Juliette Harzelec fut le deuxième rapporteur sur les relations avec les organisations syndicales. Elle s’opposa à Marcel Valière qui souhaitait prendre des distances vis-à-vis de la Fédération générale des fonctionnaires, sa motion ne recueillant que 181 voix contre 425 à celle de Valière. Sa position progressa sensiblement puisque le SNI s’en remettait finalement à la décision de la Fédération générale de l’enseignement alors que le dirigeant des Amis de L’École émancipée demandait le retrait immédiat de la FGF. Lors de la réunion du bureau national, le 7 février 1946, elle s’opposa avec force à l’ordre du jour déposé par Paul Duthel qui appelait la CGT à se désolidariser de la politique du gouvernement. Pourtant elle constatait que cette politique n’améliorait pas les conditions de vie de la classe ouvrière et des fonctionnaires. Lors du congrès national de Grenoble, le 27 juillet 1946, après le rapport sur la formation prémilitaire présenté par Émile Labrunie, dans son intervention, elle s’opposa au risque de faire de l’instituteur un moniteur préparant à l’esprit militaire et à la guerre, car selon elle, il devait être porteur de l’idéal de paix et être un éducateur combattant pour la paix. Après discussion, elle présenta une motion qui obtint 544 mandats, alors que celle déposée par Labrunie en réunissait 612 et qu’il y eut 134 mandats portés en abstention. Lors de la réorganisation des commissions par le bureau national, les 15-16 octobre 1946, elle devint membre des commissions des affaires corporatives, pédagogiques, des cours complémentaires, de L’École libératrice et de l’éducation sociale. Elle fut élue au Conseil départemental de l’enseignement primaire dans la 4e circonscription de la Seine en novembre 1945 avec 651 voix. En décembre 1947, lors du renouvellement du bureau national, le secrétaire général Henri Aigueperse annonça qu’elle ne serait pas candidate.
Après la refondation de la Fédération générale de l’enseignement CGT, en 1944, transformée en Fédération de l’Éducation nationale en 1946, Juliette Harzelec fut membre de sa commission administrative nationale de 1945 à 1949, membre de la commission d’éducation sociale, puis suppléante de 1953 à 1962. Lors du débat sur le choix syndical dans le SNI et dans la FEN, elle se prononça pour le passage à la CGT-FO.
Juliette Harzelec collabora à L’École libératrice (ainsi par exemple un long article, en mars 1951 sur Les Misérables ou en mars 1952 le compte rendu d’une conférence d’André Maurois sur Alain) et à la Tribune des Fonctionnaires qui lui confia une rubrique littéraire. Elle fut une des signataires de l’appel à souscrire lancé par une dizaine de militants lors de la création de la « coopérative d’éditions, la Fenêtre ouverte » en mai 1952. Elle écrivit des préfaces à plusieurs ouvrages publiés dans ce cadre, comme Ernest Pérochon, Les creux de maisons et Balzac, La recherche de l’inconnu.
Adhérente du Syndicat national de l’enseignement secondaire en 1946, Juliette Harzelec fut secrétaire de sa section d’établissement (S1). Par la suite, elle milita dans le courant de pensée organisé par Paul Ruff.
Juliette Harzelec participa au numéro du cinquantenaire de L’École du Grand Paris, évoquant la vie syndicale pendant la guerre, dans une correspondance sur « le syndicat de l’ombre ». Elle fut admise par la suite à la maison de retraite de la Mutuelle générale de l’éducation nationale à La Verrière, où elle décéda en 1992.
Par Jean Maitron, Jacques Girault
SOURCES : Arch. Nat., F17/ 28931. – APPO, RG GA C2 , 369163 (dossier M L Cavalier). — Presse syndicale. – DBMOF, notice de J. Maitron. – Notes de Luc Bentz, Kurt Kunde et Laurent Frajerman. — Correspondance avec J. Maitron.