Par Maurice Moissonnier
Né le 23 janvier 1917 à Vierzon (Cher), mort le 21 avril 1978 à Lyon (IIIe arr.) ; ajusteur puis cheminot ; membre des Jeunesses socialistes, puis des Jeunesses communistes ; militant confédéré jusqu’en 1936 ; combattant des Brigades internationales ; militant communiste clandestin ; membre du bureau de la Fédération communiste du Rhône, secrétaire de l’Union CGT des travailleurs de la métallurgie après la Seconde Guerre mondiale.
Le père de Marc Perrin fut mécanicien du PLM à Nevers et syndiqué au syndicat autonome des mécaniciens et chauffeurs ; sa mère était la fille d’un intendant du baron Roger. Marc Perrin passa son Certificat d’études avec une mention du jury et, lauréat d’un concours qui lui fit gagner un an, il devint à treize ans apprenti ajusteur à Nevers. En 1933, alors qu’il était « mineur ouvrier », il adhéra à la CGT confédérée. L’année précédente, il avait donné son adhésion aux Jeunesses socialistes et participé au mouvement du 12 février 1934, encourant un blâme pour avoir déserté son travail. Promu ouvrier à l’âge légal de dix-sept ans, il fut muté à Lyon et s’installa dans la banlieue ouvrière de Vénissieux le 1er mai 1934. À l’automne, il rencontra François Ruiz qui le fit adhérer aux Jeunesses communistes mais il resta à la CGT. A la fin de l’année 1934, il adhéra au Parti communiste et fut affecté à la cellule Moncey-Garibaldi, forte de quinze membres, où militaient Marcel Métral* et Albert Canova*. Il devint, à dix-huit ans, secrétaire du syndicat CGT des cheminots de Vénissieux et délégué au comité général de l’Union départementale du Rhône. Du 24 au 27 septembre 1935, il fut délégué au XXIXe congrès (Paris) de la CGT, alors qu’il existait déjà un syndicat unique des cheminots dans le Rhône, et que Perrin avait été nommé 3e secrétaire lors du congrès d’unification. A cette époque, il participa à tous les événements majeurs qui se déroulaient à Lyon et, conseillé par la femme de Marcel Métral, Odette, lut beaucoup d’ouvrages marxistes : Le Capital, La Guerre civile en France, Le 18 Brumaire de Louis-NapoLéon Bonaparte. Il fit la connaissance de Maurice Thorez* lors d’une réunion tenue avec les JC.
Au moment des grèves sur le tas qui suivirent la victoire du Front populaire, auxquelles les cheminots ne participèrent pas en raison de leurs salaires relativement élevés et de leur statut, Perrin fut plusieurs fois arrêté à la suite de ventes de l’Avant-garde, dans le centre de la ville, qui entraînaient souvent des heurts avec les Jeunesses Patriotes, les Camelots du Roy ou les Croix de Feu.
Dès le 31 octobre 1936, il partit en Espagne rejoindre Joseph Amadéo, Marius Brunand et Aimé Turrel présents à Barcelone au moment du putsch franquiste et qui avaient pris l’initiative d’organiser une première aide aux Républicains. Après avoir démissionné de son emploi de cheminot, il se retrouva à Figueras où il eut quelques difficultés avec les anarchistes, maîtres du lieu. Parvenu à Albacète, après sept jours de formation, il fut promu mitrailleur et affecté à Madrid dans la 2e colonne internationale devenue 12e Brigade internationale. Intégré au bataillon « André-Marty », il combattit entre Madrid et Aranjuez à 20 km au sud-est de la capitale. Il participa ensuite aux opérations à la Cité universitaire, à la Casa del Campo, Algoras, Mirabueno, Huesca, Brunete. En septembre 1937, il revint en France pour satisfaire à ses obligations militaires. Arrêté à la frontière, transféré à Strasbourg pour y être incorporé au 158e d’infanterie, il fut paradoxalement réformé pour une otite. Il s’empressa de retourner en Espagne et fut blessé sur le front de Madrid en désarmant un prisonnier (perte de trois doigts à la main gauche et deux doigts à la main droite). Soigné à l’Escorial, réformé à Albacète, il échappa à l’encerclement de la province par les franquistes. Rentré en France en octobre 1938, il vécut de la solidarité, une loi de Chautemps empêchant l’inscription des rapatriés d’Espagne au fonds de chômage. Son frère aîné Pierre, qui avait, lui aussi, combattu dans les rangs des volontaires, fit embaucher Marc au barrage de Génissiat où lui-même travaillait grâce aux initiatives de Hildebert Chaintreuil*. Il fut graisseur de pelles mécaniques jusqu’au 1er mai 1939, date à laquelle il fut licencié à la suite d’une grève.
De retour à Lyon, il assuma les responsabilités de secrétaire de la section locale de l’Amicale des volontaires en Espagne républicaine et de délégué du syndicat du Bâtiment CGT Chômeur à la déclaration de guerre, accueilli chez sa mère, membre du comité de section de Saint-Fons (Rhône), il regagna son logement lyonnais pour préparer le passage à la clandestinité du Parti communiste. Comme il n’était pas réformé définitif, il fut mobilisé et isolé pendant deux mois. Il reprit contact avec le PCF illégal en novembre 1939 après avoir retrouvé du travail à l’usine Weitz à Lyon. Après la défaite et la fermeture de cette usine le 17 juin 1940, Perrin refusa de reprendre son poste dans l’entreprise qui avait été mise sous séquestre allemand et il se fit embaucher sur le chantier des fouilles archéologiques du théâtre romain de Fourvière. Il avait changé de domicile et assurait la distribution des tracts et des collectes de solidarité pour les prisonniers politiques lorsque, le 16 octobre 1940, il fut arrêté et subit trois jours et deux nuits d’interrogatoire renforcé. La police avait saisi chez lui trois revolvers, deux poignards, une machine à écrire, un adressographe et deux cents numéros de l’Humanité clandestine ; vingt-sept militants avaient été arrêtés et le juge d’instruction comme la presse s’efforcèrent de mettre l’affaire en valeur.
Jugé au début de l’année 1941, Perrin fut condamné à deux ans de prison ; il fit appel et, en juin 1941, devant le tribunal, il déclara : « J’étais communiste quand vous m’avez arrêté et quelle que soit votre condamnation, je resterai communiste. » Sa peine fut portée à quatre ans. En prévention, détenu avec Julien Airoldi*, J. Chabert*, Berlioz*, E. Roman*, il contribua à la sortie d’une feuille clandestine rédigée à la main et intitulée En avant, qui circulait parmi les détenus. Il s’était pourvu en cassation mais son pourvoi fut rejeté. Le 21 janvier 1942, il fut transféré à Riom où il subit un an d’internement avant d’être affecté au service général de l’infirmerie de la Centrale. Au cours de l’été 1943, un projet d’évasion fut mis au point avec l’aide de maquisards des environs de Clermont-Ferrand et la complicité d’un gardien. Le responsable de l’opération, Marius Patinaud* éloigné au dernier moment de la Centrale communiqua les moyens d’évasion et les consignes à Perrin mais, à la veille de l’opération, il fut à son tour transporté à la maison d’arrêt : la fuite du général de Lattre de Tassigny qui venait d’avoir lieu avait amené les autorités à redistribuer les contingents de détenus. En novembre 1943, Perrin fut transféré à la Centrale d’Eysses où il contribua avec les lyonnais Édouard Aubert*, Louis Aulagne*, J. Chabert*, A. Dumas* à la préparation et à la réalisation de la révolte du 19 février 1944. Après l’échec de cette tentative, il fit partie du groupe des soixante otages dont douze furent fusillés. Le 19 mai 1944, il fut transféré à Blois, puis le 19 juin 1944, il retrouva à Compiègne ses amis d’Eysses avec lesquels il réalisa un nouveau journal manuscrit pour les prisonniers, intitulé Vengeance. Le 2 juillet 1944, il fut dirigé sur Dachau où, pendant deux mois, les nazis firent sur lui des expériences de coagulation du sang. Au bloc 30, où il se retrouva ensuite avec les invalides, il devint responsable des partis communistes français et espagnol, en relation avec Jean Mérot* et Victor Michaut, dirigeants du collectif clandestin. Il survécut en janvier 1945 à une attaque du typhus. Le camp fut libéré le 29 avril par des éléments de l’armée Patton. Évacué à la fin de la quarantaine imposée aux détenus en tant que typhique guéri, il fut rapatrié.
Revenu à Lyon à la fin de mai 1945, il reprit son travail aux fouilles du théâtre romain de Fourvière avant de trouver un emploi conforme à sa qualification au garage Renault, route de Vienne à Lyon, où il forma une cellule du Parti communiste, une section syndicale CGT et fut élu au comité d’établissement et au comité central d’entreprise. Il assurait en même temps le secrétariat de la section communiste de La Guillotière (Lyon).
Au cours des grèves de 1947, il fut condamné à un mois de prison et cinq ans de privation de ses droits civiques pour avoir dirigé la construction d’une barricade devant l’usine de Berliet-Monplaisir. A la fin de décembre 1948, il fut promu au secrétariat de l’Union syndicale des travailleurs de la métallurgie du Rhône et au bureau fédéral du Parti communiste. Il figura dans la délégation du Rhône au XIIe congrès du PCF.
Marc Perrin s’opposa au secrétaire fédéral Jean Cagne* et, en 1952, à la suite de vifs désaccords liés à la conduite d’une grève aux établissements Prenat et aux conditions de préparations des manifestations contre le général Ridgway, il fut exclu du PC et déchargé de ses responsabilités syndicales. Il s’embaucha alors à l’entreprise métallurgique Entrepose, où il devint secrétaire de la section CGT et délégué au comité central d’entreprise. Après trois demandes de réintégration au Parti communiste, avec l’appui de Pierre Doize* et de Victor Michaut, il fut réintégré après dix-neuf ans d’exclusion, en 1970. En 1971, il fut élu au Comité national de l’AVER. En 1976, il était trésorier de sa cellule.
Par Maurice Moissonnier
SOURCES : Arch. AVER. — La Voix du peuple, 1936-1939. — Le Progrès, 1940 et 1947. — Le Bataillon d’Eysses, Imprimerie centrale commerciale, 1962. — C. Bernadac, Le train de la mort, Presses de la Cité. — J. Delperrié de Bayac, Le Royaume du Maréchal, Laffont ; Les Brigades internationales, op.cit. — Interview du militant.