Par Nathalie Viet-Depaule, Claude Pennetier
Né le 12 septembre 1914 à Ternand (Rhône), mort le 5 mai 1990 à Paris (XIVe arr.) ; mécanicien électricien puis ingénieur ; responsable des Jeunesses communistes à Vénissieux (Rhône) et à Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) ; élève de l’École léniniste internationale ; résistant déporté.
Frère de Lise Ricol, beau-frère de Raymond Guyot*, Frédéric Ricol obtint le certificat d’études primaires à Saint-Étienne (Loire) et entra dans un garage Renault à Lyon comme apprenti mécanicien où il acquit la qualification de mécanicien-électricien en automobiles. Il adhéra en 1930 aux Jeunesses communistes à Vénissieux. Dirigeant de la section locale puis membre du secrétariat régional, il fit partie de son Comité directeur à l’issue de son VIIe congrès qui se tint les 11-15 juin 1932 à Montigny-en-Gohelle (Pas-de-Calais). En 1933, il suivit pendant un an les cours de l’École léniniste internationale puis, revenu à Paris en mars 1934, fut chargé de la fédération Seine-sud des JC. En juin 1936, il dirigea des grèves à Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) où il était domicilié. Au tout début de la guerre d’Espagne, il accompagna comme traducteur Raymond Guyot, son beau-frère, à une réunion au Comité central des Jeunesses socialistes unifiées (JSU) où fut préservée l’union entre JS et JC.
Mobilisé en octobre 1936, Frédéric Ricol fit partie de cette classe qui ne fut démobilisée qu’à la fin de la guerre. Fait prisonnier à Beaume-les-Dames (Doubs), interné à la caserne Vauban. Il fut affecté, comme volontaire, dans un commando de mécaniciens-électriciens chargé de la remise en état des voitures réquisitionnées, précisément au garage Renault. Il en profita pour s’évader avec l’aide d’un industriel en horlogerie et d’un réseau d’évasion. Il réussit à gagner la zone libre. Il revint à Ivry-sur-Seine et fut immédiatement chargé de remplacer sa soeur Lise Ricol comme instructeur du PC clandestin auprès des jeunes de la fédération Seine-sud, elle-même passant au mouvement des femmes.
Dans son document "Mes activités de résistance", il écrivit : "De Retour à mon domicile à Ivry-sur-Seine, j’y retrouve mes parents, ma sœur Lise et son époux Artur London. Ils m’informent des luttes menées par nombre de camarades responsables contre une politique de semi-collaboration avec l’occupant préconisée par la direction illégale du Parti Communiste de l’époque. Cette direction tendait à obtenir la parution légale de l’Humanité et demandait à ce que le travail du Parti se fasse dorénavant au grand jour. Ils préconisaient également l’occupation des mairies et la formation de nouveaux conseillers municipaux populaires responsables qui destitueraient les délégations spéciales nommées par Vichy à la tête des municipalités. A mon arrivée, ces déviations des principes de luttes antifascistes avaient fait long feu, mais un certain nombre de communistes qui les avaient appliquées furent arrêtés et internés. Ce fut une dure rançon du travail antifasciste à visage découvert pendant l’occupation nazie."
Frédéric Ricol fut instructeur du Parti dans le mouvement des jeunes de la région sud de Paris. Il mit au point de nombreux cours qui contribuèrent à faire des JC une organisation puissante, par sa structure, dotée d’une formation politique et de la connaissance des règles de sécurité à appliquer.
Il s’était fait inscrire au bureau du chômage d’Ivry fin septembre 1940. Le 15 mars 1941, il reçu une affectation pour travailler comme ajusteur au Mur de l’Atlantique dans une entreprise allemande et il se fit rayer du chômage le 17 mars 1941. Il obtint le 18 mars un travail de terrassier à l’entreprise Billard, chargée de la pause des canalisations pour le chauffage urbain, sur la rive gauche de la Seine.
Les travaux se situaient à cette époque au début des quais à Ivry. Les terrassiers comprenant sans lui poser de question qu’il n’était pas préparé à ce travail et qu’il était fatigué par ses nuits de militantisme clandestin, lui demandèrent de s’assoir, de se reposer et de saisir un outil dès qu’on qu’ils signaleraient l’arrivée d’un contremaître. Il quitta ce travail, car un camarade de régiment lui avait trouvé une place de contrôleur de fabrication à la Société Industrielle des Téléphones (SIT) dans le XVe arrondissement de Paris.
C’est alors que lui fut confié la seconde responsabilité dans l’organisation clandestine. Début juillet 1941, un membre clandestin du Comité central du P.C, avec qui il avait milité avant guerre dans la région Sud de Paris, le chargea de créer un réseau d’organisations qui regrouperait les Amis de l’Union Soviétique, diffuserait périodiquement des nouvelles de l’URSS pour créer un esprit favorable à toutes les actions dirigées contre les Armées d’occupation. Ces organisations devant, à l’avenir, se regrouper avec d’autres organisations de toutes tendances, de toutes sensibilités pour constituer un Front National Français qui participerait, uni, à la lutte contre les occupants.
Le secteur d’activités dans lequel devait se dérouler cette action était l’ensemble de la région parisienne. Il élargit les activités de certains de ses groupes en effectuant la collecte et l’achat d’armes ainsi que leur remise en état, en recrutant des ingénieurs chimistes qui seraient chargés de la fabrication de bombes explosives ou incendiaires.
Après avoir parlé de cette seconde orientation avec la direction du Parti, il reçut un avis favorable et eut une liaison spéciale pour la livraison des armes collectées et des explosifs fabriqués. Cette seconde activité démarra part par le recrutement de brocanteurs, ferrailleurs qui profitaient de la crainte de la population, devant les annonces réitérées de sanctions sévères contre les détenteurs d’armes non déposées aux autorités de Police, pour les acquérir à bon compte. Par ailleurs recruta le responsable du laboratoire photo du Collège de France, François Belin, ce qui nous permit d’installer une Ronéo, l’encre et les papiers nécessaires au tirage de tracts. Le responsable du labo ayant des connaissances en chimie accepta de collaborer à la fabrication d’explosifs. Rapidement une première bombe incendiaire (bombe au phosphore) fut prête et placée, par les groupes spéciaux, dans un dépôt central de la TCRP (Transports en Commun de la Région Parisienne), rue Championnet en août 1941. Elle aurait dû provoquer la destruction de l’ensemble du parc Autobus qui étaient garés pour la nuit. Mais la mise au point n’ayant pas dû être parfaite, la bombe se contenta de dégager une épaisse fumée qui envahit les locaux et permit de la faire vite repérer et neutraliser.
Après la formation du Front national, il créa un réseau militaire dans la région parisienne qui consistait à récupérer des armes, à les remettre en état, à fabriquer des engins explosifs et à les acheminer à proximité des lieux d’action
Ces activités cessèrent fin le 8 octobre 1941 à la suite de son arrestation sur son lieu de travail de la SIT et de celle de neuf autres résistants. Il se rendit rapidement compte que les arrestations étaient localisées et que la presque totalité des organisations était sauvegardée.
Avaient été arrêtés :
Son agent de liaison et amie Odette Pourchasse, Roger Lathière d’Antony ainsi que les époux Steber de Longjumeau – ces trois étaient des « amis de l’URSS ».
Cinq personnes plus particulièrement axées sur le problème des armes dont : Le responsable du laboratoire du Collège de France, Benoît Marie Belin ; deux Brocanteurs – Avram Azrak d’Ivry et Szmul Cruc d’Antony ; un ingénieur chimiste Jacob Ceaplic , ami de Cruc ainsi que l’ami de ces quatre, Bernard Reisnick du Kremlin-Bicêtre
Frédéric Ricol nia toute activité politique depuis son arrivée au régiment en 1936 mais reconnut toutes ses activités antérieures. Il admit connaître Odette Pourchasse à titre sentimental et tout ignorer de ses activités personnelles.
Il eut du mal à comprendre comment l’intervention de la police avait été possible
et comment son arrestation avait pu avoir lieu dans l’atelier où il travaillait à la Société industrielle des Téléphones, par deux inspecteurs, revolver au poing, vers 13 heures, une heure avant la fin de ma journée d’équipe, le 8 octobre 1941.
Or ce lieu n’était connu de personne, ni de ses amis ni de sa famille ni même de son amie Odette Pourchasse. Sauf par un responsable national du PC informé du lieu de travail pour lui permettre de le contacter rapidement en cas de besoin. Au cours de sa visite, ce dirigeant lui avait appris qu’ayant été arrêté, il s’était évadé de la préfecture de police par la fenêtre des toilettes où il s’était fait accompagner, en utilisant un échafaudage monté place de la Cité sur toute la longueur de la façade. Il lui demanda, ayant perdu sa liaison, de lui procurer le contact avec la Direction du Parti. Il s’git peut-être d’André Heussler.
Frédéric Ricol fut interrogé trois fois par jour, mais ne fut confronté qu’une fois avec un seul codétenu Bernard Reisnick. Mais l’évolution des questions qu’ils posaient lui permettait de connaître la nature des aveux faits par les uns et par les autres.
Il acquit vite la conviction que, du côté de mon amie Odette Pourchasse et des trois personnes arrêtées avec elle, rien n’avait été dévoilé. Tous les quatre avaient suivi le même système de défense que lui : tout nier et jurer n’avoir jamais eu de contact avec des responsables du PC clandestin depuis la guerre.
Mais au cours d’un interrogatoire, on lui demanda des précisions sur les collectes d’armes et la fabrication des explosifs. Il ne savait pas qui était l’auteur de cet aveu qui donnait une toute autre dimension aux accusations qui étaient portées contre les arrêtés. Peu après eut lieu l’unique confrontation avec Reiznick. Au cours de celle-ci, ce dernier confirma ses aveux au sujet des armes après que les inspecteurs aient fait retourner Ricol vers le mur pour que Reiznick ne subisse pas son « regard dissuasif ».
Le sixième jour, ils furent écroués à la Santé. Ricol demanda à voir l’aumônier de la prison. Je lui expliqua les aveux de Reiznick au sujet des armes et lui demanda d’aller le voir de sa part pour lui demander de se rétracter. Il devait déclarer qu’il avait avoué à la suite des coups reçus. Il sut par son avocat que l’aumônier était allé voir Reiznick et que ce dernier se rétracta par la suite auprès du juge d’instruction.
L’affaire fut jugée par la Section Spéciale de la Cour d’Appel de Paris – juridiction spéciale anti-communiste créée par le gouvernement de Vichy pour juger « toute personne exerçant une activité ayant directement ou indirectement pour objet de propager les mots d’ordres de la IIIe Internationale ou des organismes qui s’y rattachent. Délits punis par le décret loi du 26 septembre 1939 et la loi du 14 août 1940 ». L’audience eu lieu le 20 février 1942 et l’arrêt fut prononcé le 23 mars 1942. Frédéric Ricol fut condamné à 8 ans de travaux forcés, Odette Pourchasse à 5 ans d’emprisonnement et 1200 Frs d’amende, Reiznick à 4 ans d’emprisonnement et 1200 Frs d’amende, Belin à 2 ans d’emprisonnement et 1200 Frs d’amende. Pour Szmul Cruc, l’action publique fut déclarée éteinte à la suite de son suicide par pendaison dans sa cellule de la Santé le 17 mars 1942.
Ricol fut interné à Fontevrault (Maine-et-Loire) et à Blois (Loir-et-Cher) puis déporté à Mauthausen (Autriche) où il appartint au triangle de direction du groupe des communistes français avec Maurice Lampe et Octave Rabaté.
Revenu en France, Frédéric Ricol épousa Odette Pourchasse, sœur d’Henri Pourchasse, fusillé à Châteaubriant en 1941. Elle avait été son agent de liaison pendant la Résistance et son amie, avait été arrêtée le même jour que lui et avait accouché le 17 juin 1942, en prison, de leur fille, Claudine. Détenue à la Petite-Roquette, à Fresnes (Seine, Val-de-Marne), Rennes (Ille-et-Vilaine) et au Fort de Romainville (Seine, Seine-Saint-Denis), elle avait été déportée avec Lise Ricol à Ravensbrück.
Aux lendemains de la Libération, Frédéric Ricol, élu au secrétariat d’organisation de la FNDIRP, fut à l’origine de la création du Centre médical et de formation professionnelle de Fleury-Mérogis (Seine-et-Oise). Il quitta sa fonction en 1948 à la suite de désaccords sur la gestion. Il cessa alors d’avoir des activités militantes. Il s’inscrivit aux cours du soir de l’École des Arts et Métiers d’où il sortit avec le titre d’ingénieur à l’organisation scientifique du travail.
Remarié en 1958, père de cinq enfants, il mourut le 5 mai 1990 à Paris (XIVe arr.). Il avait cessé d’être membre du Parti communiste après l’entrée des troupes soviétiques en Afghanistan.
Par Nathalie Viet-Depaule, Claude Pennetier
SOURCES : RGASPI, Moscou, 495 270 525. — Arch. Nat., F7/13185. — Arch. PPo. 89. — Notes personnelles de l’intéressé. — Témoignage de Lise London et de Fernande Guyot. — Document, "Mes activités de résistance", transmis par Olivier Ricol et largement utilisé dans cette biographie.