SAGNIER Marcel

Par Edouard Sill

Né le 7 avril 1909 à Tergnier (Aisne), mort le 9 décembre 1962 à Villeneuve-le-Roi (Seine-et-Oise, Val-de-Marne) ; peintre en bâtiment puis employé municipal ; militant communiste ; volontaire en Espagne républicaine.

Sympathisant puis militant communiste, Marcel Sagnier était peintre en bâtiment à Paris et syndiqué à la CGTU depuis 1927 (ou 1931). Son père, Paul Sagnier, ouvrier mécanicien, fut révoqué pour son action syndicale. Sa mère était blanchisseuse. Le couple avait trois enfants. Marcel Sagnier effectua son service militaire en 1930 à Besançon dans l’infanterie et obtint le grade de sergent (caporal-chef de réserve). Costaud, il n’hésita pas jouer des poings dans les manifestations. Il fut ainsi détenu huit jours en juin 1931 à la prison de Fresnes, après un jugement en flagrant délits pour coups et rébellion à agents de la force publique. En 1932, il s’installa à Villeneuve-le-Roi avec son frère Maurice, boucher de son état. Les deux frères vécurent au 1 et au 1bis de la rue du coteau. Avec le soutien d’André Marty, il intégra la cellule « Centre ville » du parti et fréqueta l’université ouvrière en 1933.
Lorsque la municipalité fut conquise par la liste de Front populaire en 1935, il fut recruté comme cantonnier en juillet. Il s’occupait du Patronage municipal et de l’exécution de divers petits travaux qui pouvaient lui être demandés par la municipalité au sujet de l’entretien des bâtiments communaux. Mais la principale activité de Marcel Sagnier sa passion, était le sport. Plutôt que peintre en bâtiment, lui-même se disait volontiers « professeur de culture physique ». Et de fait, il fut l’un des fondateurs de la FSGT de Villeneuve-le-Roi et de Choisy-le-Roi et l’un de ses dirigeants régionaux. Il encadra les jeunes Villeneuvois, dont un certain Pierre Georges, le futur Colonel Fabien, qu’il retrouvera en Espagne. Secrétaire de cellule dès 1934, il fut également secrétaire adjoint du comité de rayon de Villeneuve-le-Roi en 1935. Il participa à toutes les grandes mobilisations, le 12 février 1934 et lors des grèves de juin 1936. Après un cycle à l’école régionale, il devint membre de la région Paris Sud en 1936.
Marcel Sagnier se porta volontaire pour l’Espagne dès la création des Brigades internationales, et quitta la France le 10 octobre 1936. Il ne rentrera chez lui que deux ans plus tard, le 12 novembre 1938, lorsque les combattants étrangers furent démobilisés. En Espagne, il fit immédiatement la démonstration de ses qualités de combattant et de meneur d’hommes. A La Roda, il participa le 13 octobre à la formation du bataillon francophone Commune de Paris de la XIe brigade internationale avec le grade de sergent. Comme chef de section dans la 1ere compagnie, il se fit remarquer par sa sérénité et son autorité naturelle dans les premiers combats du bataillon en novembre à Casa de Campo, Húmera puis la Cité Universitaire. Chef de compagnie le 13 novembre 1936, il obtint le grade de lieutenant le 10 décembre, adjoint du chef de bataillon Jules Dumont une semaine plus tard. Commandant par intérim du bataillon le 27 décembre 1936 lors des combats autour de Majadahonda et Pozuelo, lorsque Dumont fut blessé au front, il fut confirmé commandant le 2 février 1937. Il dirigea le bataillon Commune de Paris lors des batailles du Jarama et de Guadalajara. En avril, le bataillon fut versé dans la XIVe brigade. Marcel Sagnier fut chargé en mai de remettre sur pied le 13e bataillon Henri Barbusse (batailles de Balsain et de Las Navas). En septembre, il fut chargé de l’instruction des volontaires Français.
Le commandant Marcel Sagnier se forma pratiquement seul aux connaissances théoriques et tactiques attendues d’un officier supérieur. Responsable de l’instruction, il accompagna de plus la formation des sous-officiers, ainsi que 700 recrues espagnoles destinées à la XIVe brigade internationale désormais baptisée La Marseillaise. Souffrant du paludisme et en récompense de ses services, il obtint une permission d’un mois en France le 12 octobre. A son retour, il était de nouveau nommé commandant du 13e bataillon, avant de prendre la direction de la XIVe brigade La Marseillaise le 6 décembre 1937 puis de l’éphémère Agrupación La Marseillaise (XIVe et XIVe bis brigades internationales) le 21 décembre. À la dissolution de cette dernière, il reprit la tête de la XIVe brigade reconstituée, le 29 décembre. Il combattit à Caspe en mars 1938, où il fut sévèrement blessé le 14. Un rapport dans de ses officiers, René Nolot atteste alors de l’importance de Sagnier. « C’est un sale coup pour la Brigade. Le regard des copains semble dire qu’ils partagent entièrement mon avis. C’est que Sagnier n’est pas seulement le chef de la Brigade, c’est l’homme pour lequel tous sans exception sont prêts à donner leur vie, si cela est nécessaire. Enfin, Sagnier c’est Sagnier, il n’y en a jamais eu deux en Espagne ». Il reprit le commandement de la XIVe brigade dès le 20 mars après avoir fui l’hôpital. Il était présent lors des combats meurtriers du 26 mars sur le Rio Guadalope. En mai 1938, il fut nommé provisoirement à la tête de la 45e division, et ne retourna à « sa » XIVe brigade La Marseillaise le 23 juin. La brigade fut engagée dans les durs combats de l’offensive de l’Èbre à l’été 1938. Il fut démobilisé avec les survivants étrangers des Brigades internationales en octobre 1938 puis rapatrié le 12 novembre vers Paris
Au printemps 1937, il fut l’auteur d’un manuscrit aux qualités littéraires étonnantes, et déconcertantes pour un simple titulaire du brevet élémentaire. Identifié dans les années 2000, ce texte fut conservé dans les archives des Brigades internationales, qui furent elles-mêmes versées dans les archives de l’Internationale Communiste conservées à Moscou au Centre russe pour la conservation des archives en histoire politique et sociale (RGASPI). Seul indice sur le tapuscrit original (couché sur un papier à l’en-tête de l’état-major de la XIVeme brigade internationale) une précision répétée trois fois : Sagnier - et : - Histoir XIV [brigade] -. Il s’agit d’un texte de commande, curieusement très littéraire, établie dans la perspective de rédiger un mémorial de la XIVe brigade internationale La Marseillaise. Des extraits furent publiés en feuilleton dans le journal du Secours Populaire Français et des Colonies, La Défense, en janvier 1939. Il s’agit d’un document historique majeur sur les Brigades internationales et un témoignage poignant sur la vie quotidienne des volontaires. Il est demeuré inédit jusqu’à sa publication en 2022.
À son retour en France, il fut honoré comme l’un des héros des Brigades internationales, considéré comme un bras droit d’André Marty auprès des vétérans, avec Jules Dumont. Le bureau politique du PCF l’affecta au service d’ordre et à sa section d’organisation. Mobilisé en 1939 au 7e Régiment d’infanterie en tant que caporal-chef, il fut fait prisonnier par les Allemands le 22 mai 1940 entre Montreuil-sur-mer et Hesdin, après un repli entamé depuis Nivelles (Belgique). Il fut interné au Stalag VIIA (Moosburg, Bavière) à partir du 16 juin 1940. Dans ce camp de prisonniers créé une cellule communiste s’étend sur les Kommandos avoisinant le camp, appuyée notamment sur des vétérans des Brigades internationales. Quelques jours avant l’arrivée des troupes américaines, le camp se soulèva sous l’action de la cellule. Les soldats alliés refusèrent de leur donner des armes.
Il reprit ses activités militantes à son retour en France comme secrétaire de la section de Villeneuve-le-Roi, chargé de différentes missions de confiance. Aux côtés d’André Marty, il s’occupa de vétérans d’Espagne au sein de l’AVER (Amicale des Anciens Volontaires Français en Espagne Républicaine) dès mai 1945. Malgré le soutien de Marty qui le poussa auprès de la Fédération de Seine et Oise, il ne retrouva pas la place qui était la sienne avant-guerre. L’historien Rémi Skoutelsky pense qu’il paya le fait de ne pas avoir réussi à s’évader de son stalag. Il semble que Sagnier ne souhaitait désormais, alors, ne plus avoir d’activités de premier plan, comme l’atteste une note de Marty à son sujet en 1945 : « [il] préfèrerait travailler à la base, ne pas être permanent ». La compagne de Marcel Sagnier, Hélène Verdeaux, qu’il avait épousé le 17 décembre 1938 à Villeneuve-le-Roi, attendait en 1946 leur premier et unique enfant. Le couple avait déménagé et s’était installé au 50 rue d’Orléans, près de la famille Verdeaux. En février 1946, on lui proposa le poste de secrétaire permanent du comité départemental de l’ARAC, avec des mensualités qui lui aurait permis de quitter son emploi civil, assorti d’une avance de 10 000 francs. Marcel Sagnier ne donna aucune suite à l’affaire ; la proposition est retirée. Sur la liste d’Union républicaine et résistante, il fut cependant conseiller municipal durant deux mandats (1947-1953), siégeant au sein de l’opposition contre le maire MRP Gilbert Cartier. Il était membre de la commission Travaux, voirie, adjudications, bâtiments.
Lors de « l’affaire Marty », tandis qu’André Marty était faussement accusé en 1952 par la direction du Parti Communiste d’avoir été un indicateur de police, Marcel Sagnier demeura un proche de son ancien chef et mentor et s’insurgea avec force. Il fut convaincu par ses anciens camarades d’Espagne, représentés par François Vittori et Roger Codou, de suivre la ligne. Il posa désormais un problème au Parti : « Sagnier, par son action passée, représente un capital pour notre part, mais un capital qu’il gaspille lui-même d’une façon absurde par ses incartades, ses écarts de langage et ses manifestations de mauvaise humeur inexcusables ». Il accepta de rompre officiellement avec André Marty, comme la quasi intégralité des vétérans, mais maintint finalement des contacts fraternels avec lui et l’accueillit à son domicile.
Devenu artisan, il ne cotisait plus au parti en 1956 mais décida de se rendre en Hongrie quelques jours à l’automne, pour assister, d’après ses déclarations, à une réunion de vétérans. Le Parti s’inquiéta de sa visite impromptue et décida de le surveiller. Gaston Plissonnier demanda à la fédération de la Seine Sud, alors dirigée par Georges Marchais, de le sonder sur ses intentions. Début 1957, le secrétaire de la section de Villeneuve-le-Roi, Maxime Kalinsky, accompagné par Lydie Gaignebet lui ont rendu visite pour « connaître ses intentions vis-à-vis du parti » et furent reçus « très vertement ».
Il ne prit cependant aucune position publique contre la PCF. En 1957, il participa à un poste clef à la réalisation et à la rédaction du livre Épopée d’Espagne. Brigades internationales 1936-1939, « recueil de récits vécus et de documents historiques » édité par l’AVER. Il était demeuré vice-président de cette association jusqu’à son décès, le 9 décembre 1962. Sa veuve continua après lui à s’occuper de la mémoire des vétérans d’Espagne. Marcel Sagnier et En 1971, son épouse était membre du comité national de l’AVER.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article74188, notice SAGNIER Marcel par Edouard Sill, version mise en ligne le 21 septembre 2009, dernière modification le 11 novembre 2022.

Par Edouard Sill

ŒUVRE  : Avec le bataillon Commune de Paris en Espagne, Angers, Zeitgeist Editions 2022. 93 pages.

SOURCES : Archives PCF CCCP DOSSIER SAGNIER Marcel chemises SAGNIER Marcel 2250 et 3921. — Archives RGASPI 545.6.1390 Dossier biographique SAGNIER. — Archives municipales de Villeneuve-le-Roi, documentation transmise par Mme Gillingham, archiviste à Villeneuve-le-Roi. — RGASPI 545.3.394 « 23 mois au service de l’Espagne Républicaine », Rapport Nolot, consultable en ligne.
Biografia de Militante PCE 1938. — L’opinion des Travailleurs de Longjumeau du 13 avril 1938 . — « Ceux des Brigades internationales. Marcel Sagnier, ouvrier du bâtiment, commandant de la brigade « La Marseillaise » par Dumont L’Humanité du 15 avril 1938, p.4. — « André Marty accueille les blessés des Brigades internationales sauvés par l’URSS », L’Humanité du 27 septembre 1946, p. 2.— Brochure ARAC XXIIe congrès national de Montreuil des 6,7 et 8 juillet 1945. — Rapports présentés par Jean Duclos (SG de l’ARAC) et Jacques Duclos (président d’honneur de l’ARAC). 32 pages.
Albert Ouzoulias, Les Bataillons de la jeunesse : les jeunes dans la Résistance, Les Éditions sociales, coll. « Histoire », 1966, 495 p. — Brochure, Épopée d’Espagne. Brigades internationales 1936-1939. Recueil de récits vécus et de documents historiques édité par L’Amicale des Anciens Volontaires Français en Espagne Républicaine. Paris, 1957, 220 pages.
Paloma Fernandez, Le Retour et l’action des anciens volontaires français des Brigades internationales en région parisienne de 1937 à 1945, mémoire de maîtrise, 1984, Paris I. —Rémi Skoutelsky, L’Espoir guidait leurs pas. Les volontaires français dans le Brigades internationales 1936-1939, Grasset, 1998. — IHOVAM, Brigades internationales. L’apport du Val-de-Marne et d’ailleurs, 2001. — DBMOF, Maitron, notice Marcel Sagnier par Claude Pennetier.
Notes d’Eric Panthou.

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