VINCENT Madeleine, Georgette [épouse DUCOLONÉ]

Par Claude Willard

Née le 4 mai 1920 à Asnières (Seine, Hauts-de-Seine), morte le 22 novembre 2005 à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) ; employée (mécanographe) ; résistante, déportée ; dirigeante de l’UJFF (1946-1949), membre du secrétariat de la fédération communiste de la Seine, puis de Seine-Sud (1952-1956), membre du comité central (1954-1996), du bureau politique (1970-1990), responsable du secteur Femmes (1970-1979), puis de la préparation des élections et du travail des élus dans les collectivités locales (1979-1990) ; conseillère municipale d’Issy-les-Moulineaux (1953-1959).

Les grands-parents maternels de Madeleine Vincent étaient des ouvriers agricoles, des betteraviers du sud de l’Aisne. Ses grands-parents paternels cultivaient quelques vignes sur les contreforts de la Champagne.

Comme ses parents travaillaient, le père comme contremaître, la mère comme ouvrière, dans une usine métallurgique du XIe arr. de Paris, Madeleine Vincent passa sa prime enfance chez ses grands-parents maternels à Nogentel (Aisne). À dix ans, en 1930, elle rentra chez ses parents qui avaient pu, grâce à la loi Loucheur, construire un modeste pavillon à Boissy-Saint-Léger (Seine-et-Oise, Val-de-Marne). Là, elle continua ses études primaires. Après le certificat d’études primaires, elle suivit l’école primaire supérieure et obtint le brevet. Elle accomplit enfin une formation professionnelle de mécanographe et fut embauchée comme employée de bureau dans une entreprise du Sentier, spécialisée dans les « articles de Paris », Gissinger.

Son enfance marquée par la pauvreté qu’elle avait côtoyée et par les douloureuses traces de la guerre 1914-1918, d’autre part la genèse du Front populaire, incitèrent Madeleine Vincent à s’engager : elle adhéra en 1935 à la Jeunesse communiste à Boissy-Saint-Léger ; après la création en 1936 de l’Union des jeunes filles de France (UJFF), elle anima le foyer UJFF de Boissy-Saint-Léger. Elle décida en 1937 d’adhérer au Parti communiste français, mais, considérée comme trop jeune, elle ne reçut sa carte qu’en 1938. Elle suivit les cours de Georges Politzer* et Georges Cogniot à l’Université ouvrière. Après avoir, en février 1938, durant quinze jours, à Vitry, suivi l’école nationale du Parti communiste français destinée aux cadres de l’UJFF, elle devint membre du bureau de la région Paris-sud de l’UJFF.

Durant la « drôle de guerre », Madeleine Vincent travailla, de septembre 1939 à mars 1940, sous la direction de Lucienne Chaussinaud*, parmi les femmes de la région Paris-sud. Elle rencontra plusieurs fois Claudine Chomat et, sur sa demande, chercha quelques « planques » dans la région de Boissy. En mars 1940, elle travailla à nouveau à la Jeunesse communiste. Elle sera, dans les premiers jours de l’Occupation, avec Madeleine Gesrey, responsable de cette organisation en zone occupée. Toutes deux sortirent, au lendemain du 15 juin, un numéro de L’Avant-Garde tiré à 500 exemplaires. Elle fut, à partir de ce moment, illégale.

À la fin de juillet 1940, Camille Beynac* (secrétaire national de la Jeunesse communiste en 1939), dès son retour de l’armée, confia à Madeleine Vincent la mission de parcourir la zone occupée pour reconstituer l’organisation. En août 1940, Jean Catelas et la direction de la Jeunesse communiste l’envoyèrent en zone interdite – Nord, Pas-de-Calais, Somme, Aisne, etc. – réorganiser la Jeunesse communiste et préparer les jeunes à la Résistance, avec Germinal Martel* pour le Nord, et Julien Hapiot pour le Pas-de-Calais. Elle participa ainsi activement à la grève des mineurs (mai-juin 1941) et au passage de nombreux JC à la lutte armée (notamment les groupes de Félicien Joly*, d’Eusebio Ferrari, Tadeuz Cichy dans le Nord, de Michel Brulé dans le Pas-de-Calais). Elle aura pendant toute cette période des rencontres régulières avec Danielle Casanova. Sur dénonciation de Lucien Bailleux (condamné après la guerre à vingt ans de réclusion), elle fut arrêtée le 9 janvier 1942 en gare de Douai.

De janvier à août 1942, dont deux mois menottée, Madeleine Vincent fut internée à la prison de Loos-lès-Lille, subissant des interrogatoires brutaux. Le 5 août 1942, elle fut déportée comme « NN » en Allemagne, tournant de prison en prison : Essen (août 1942-mai 1943), Zweibrücken (mai-juillet 1943), de nouveau Essen (de juillet 1943 jusqu’au bombardement de la prison en avril 1944), Kreusburg (avril-juillet 1944). Dans cette dernière prison, Madeleine Vincent anima la grève des prisonnières françaises et belges refusant de travailler pour l’ennemi. En juillet 1944, elle fut transférée dans le camp de Ravensbrück puis, en mars 1945, à Mauthausen d’où elle fut libérée par la Croix-Rouge le 24 avril.

À son retour, après avoir été soignée dans un hôpital suisse, Madeleine Vincent fut d’abord associée au secrétariat de l’Union de la jeunesse républicaine de France (UJRF), responsable notamment des foyers de jeunes filles et de l’organisation des loisirs. Puis elle anima la reconstitution de l’Union des jeunes filles de France dont elle fut secrétaire générale jusqu’en 1949.

Madeleine Vincent se maria, le 23 novembre 1946, avec Guy Ducoloné. Le couple eut un fils : Daniel (né en 1963).

De 1949 à fin 1951, Madeleine Vincent travailla à l’Union des femmes françaises, responsable d’abord du foyer culturel Danielle-Casanova, puis adjointe à la propagande. Elle resta ensuite membre de la direction nationale.

De 1953 à 1959, elle fut conseillère municipale d’Issy-les-Moulineaux où elle habitait. Et, aux élections législatives de 1958, elle fut la suppléante de Léon Salagnac* dans la circonscription Issy-Vanves-Malakoff.

Fin 1951, Madeleine Vincent fut élue au secrétariat fédéral du PCF de la Seine et chargée du travail parmi les femmes. Lors de la décentralisation de 1953, elle fut élue au secrétariat de Seine-Sud et, successivement, responsable aux femmes et à la propagande, puis première secrétaire fédérale. Responsabilité à laquelle lui succéda Georges Marchais*.

Le XIIIe congrès (juin 1954) élit Madeleine Vincent au comité central comme suppléante. Titularisée au congrès suivant (juillet 1956), elle fut alors chargée de nouvelles responsabilités au comité central : sous la responsabilité du secrétaire à l’organisation, Marcel Servin, du travail parmi les femmes, s’attachant notamment à la promotion de cadres féminins. De 1962 à 1968, elle continua à assumer cette activité sous la direction de Jeannette Vermeersch*.

Le XIXe congrès (février 1970) élit Madeleine Vincent au bureau politique. De 1970 à 1979, elle dirigea le secteur femmes. Son intervention au XIXe congrès (« Gagner des millions de femmes aux luttes pour la démocratie, pour le socialisme ») et son article dans les Cahiers du communisme de septembre 1970 (« Femmes. Un débat ouvert ») soulignèrent le tournant qui s’opérait, après 1968, dans le Parti communiste français, tenant de plus en plus compte des aspirations des femmes à davantage de droits et de libertés. Elle participa alors à la rédaction d’un texte en faveur de la contraception et de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), adopté par le bureau politique. Au XXe congrès (décembre 1972), son intervention porta sur : « Pour changer la situation des femmes ». En mars 1975, elle publia dans les Cahiers du communisme un article intitulé : « Condition féminine : une autre politique est nécessaire ». Au comité central du 9 novembre 1976, elle présenta un rapport : « Pour les femmes, une vie heureuse, libre et responsable dans l’égalité ». Grâce en partie à ces avancées, la proportion des femmes a considérablement progressé en dix ans dans le PCF (de 26 % en 1966 à 41 % en 1976), qui opéra aussi une promotion des cadres féminins.

Madeleine Vincent participa, avec Georges Marchais*, Gaston Plissonnier, Jean Kanapa* et Georges Lazzarino* à la délégation du PCF au XXIVe congrès du PCUS (mars 1971). Elle représenta aussi le PCF à de nombreux congrès de Partis communistes, notamment polonais, bulgare, norvégien. Elle suivit de très nombreuses fédérations, notamment la Seine-et-Marne et le Pas-de-Calais.

À la demande de Madeleine Vincent, en 1979, ce fut une femme jeune, plus en prise avec les problèmes spécifiques de sa génération, Gisèle Moreau*, qui lui succéda à la tête du secteur femmes. De 1979 à 1990, Madeleine Vincent, toujours membre du bureau politique, fut chargée de la préparation des élections et du travail des élus communistes dans les collectivités locales. Elle intervint sur ces sujets lors de nombreux comités centraux et au XXVe congrès (février 1985). Les 17 et 18 novembre 1986 elle présenta un rapport au comité central, intitulé : « Les élus communistes et la gestion des collectivités territoriales face à la crise de la société ».

De 1990 à 1993, Madeleine Vincent fut responsable des comités régionaux du Parti communiste français – collectifs comprenant les secrétaires fédéraux, les responsables des élus communistes et quelques spécialistes (par exemple de l’aménagement du territoire). De 1993 à 1996, elle appartint au collectif vie des fédérations.

À partir de 1996, sur demande de Marie-George Buffet, Madeleine Vincent se voua à la recherche sur l’histoire du Parti communiste français et des femmes, recherche facilitée par l’ouverture des archives du PCF.

Madeleine Vincent était croix de guerre pour sa participation à la Résistance dans le Nord, et notamment à la grève des mineurs de 1941. Elle était officier de la Légion d’honneur au titre de la Résistance.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article74314, notice VINCENT Madeleine, Georgette [épouse DUCOLONÉ] par Claude Willard, version mise en ligne le 25 septembre 2009, dernière modification le 22 novembre 2022.

Par Claude Willard

Photos prises lors de son arrestation en gare de Douai (Nord) le 9 janvier 1942.(ADN cote 1874 W 137 dossier 4358).
Communiqué par Francis Calvet, BiMOI, Lille.

OEUVRE : Femmes, quelle libération ?, Éditions sociales, Paris, 1976.

SOURCES : Fonds Madeleine Vincent, Arch. dép. de Seine-Saint-Denis (389 J), inventaire en ligne. — Arch. comité national du PCF. — Interview de 1998.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable