CLÉMENT Ernest, Maurice

Par Annie Pennetier

Né le 13 février 1902 à Cerdon (Loiret), mort en déportation le 19 février 1943 à Birkenau (Pologne) ; cheminot, chef de train ; militant syndicaliste et communiste de Villeneuve-Saint-Georges (Seine, Val-de-Marne).

Ernest Clément à Auschwitz
Ernest Clément à Auschwitz

Fils de Jean, Ernest Clément, domestique, et de Marie, Louise Mercier, couturière, Ernest Clément était domicilié 18 rue Villebois-Mareuil à Villeneuve-Saint-Georges. Il s’était marié le 28 juillet 1923 à Cerdon avec Raymonde Massé-Simonet et devint père de trois enfants dont Maurice Clément. Il fut embauché le 1er janvier 1924 à la compagnie de chemin de fer Paris-Lyon-Marseille et travaillait comme chef de train SNCF à la gare de Paris-Lyon, région Sud-est. Il militait à la CGT et au Parti communiste.

Le 26 décembre 1939 à 23h50, avec son frère Eugène, il fut interpellé sur la voie publique à Villeneuve-Saint-Georges par des policiers du commissariat de secteur. Fouillé, il fut trouvé porteur de plusieurs documents liés au Parti communiste (brochure, journaux, carte d’adhérent), ainsi que d’une liste de souscription et de deux lettres reçues d’un camarade de travail mobilisé. Interrogé, il répondit qu’il gardait cette liste de souscription – destinée au même camarade – comme pièce comptable. À partir de ces éléments, le commissaire conclut qu’Ernest Clément maintenait « par correspondance la liaison entre les éléments communistes mobilisés et les militants de ce parti de la zone de l’intérieur ».

Les deux frères furent inculpés pour « reconstitution du Parti communiste dissous », « propagande », et écroués à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e, à la disposition de la Justice militaire. Le 27 décembre, la direction de la SNCF leur fit savoir qu’ils étaient suspendus sans traitement (cartes de circulation du chemin de fer retirées le 5 janvier 1940). Puis, le 18 janvier, ils reçurent une note les prévenant que leur suspension est changée en « absence illégale ». Bénéficiant d’un non lieu prononcé le 23 janvier 1940, libéré le 14 mars, le commissaire de police de Villeneuve-Saint-Georges demanda une mesure d’internement dans un centre de séjour surveillé. Il fut alors mobilisé comme soldat GI n°2 41e compagnie, son unité fit l’objet d’une proposition de citation à l’ordre de l’armée au motif : « a, par sa résistance sur la Loire les 16 et 17 juin 1940, permit à l’Armée de Paris de se replier par les fronts de Beaugency et de Huides ». Ernest Clément, démobilisé à Seyches (Lot-et-Garonne) le 19 juillet, de retour chez lui le 23 juillet, reprit aussitôt son travail à la SNCF.

Le 5 octobre, le commissaire de police de Villeneuve-Saint-Georges remplit un formulaire de « notice individuelle à établir au moment de l’arrestation » au nom d’Ernest Clément. Au « résumé des motifs de l’arrestation », il indiqua : « A pris une part active à la manifestation communiste qui a eu lieu le 25 juillet dernier à Villeneuve-Saint-Georges. Distributeur de tracts. Se livre actuellement à une propagande révolutionnaire active parmi les cheminots. », concluant : « Dangereux pour la sécurité publique ».

Le 12 octobre 1940, le préfet de Seine-et-Oise signa un arrêté ordonnant l’internement administratif d’Ernest Clément, qui fut appréhendé par la police française le 15 octobre et conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise,Val-d’Oise), créé pour enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes avant-guerre. Son frère Eugène l’y rejoignit.
Le 10 novembre, Ernest Clément écrit à son épouse : « Il est arrivé plus de soixante copains dont un Villeneuvois, Henri Jevaudan, employé communal. Nous sommes plus de cinq cents ». Il s’inquiète et s’informe si ses enfants ont été vaccinés contre la diphtérie. « Ce soir je vais coucher avec vous trois à côté de moi. Marcel [son frère] m’a fait un cadre dans lequel j’ai mis une photo de vous ».
Le 27 juin 1941, les frères Clément firent partie d’un groupe de 88 internés communistes de Seine-et-Oise remis aux “autorités d’occupation” et conduits à l’Hôtel Matignon, à Paris, siège de la Geheime Feldpolizei puis emmenés au Fort de Romainville (commune des Lilas, Seine, Seine-Saint-Denis), élément du Frontstalag 122. Considérés comme étant en transit, ils ne furent pas enregistrés sur les registres du camp.

Trois jours plus tard, les hommes rassemblés furent conduits à la gare du Bourget (Seine, Seine-Saint-Denis ) et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Pendant la traversée de la ville, effectuée à pied entre la gare et le camp, la population les regarda passer « sans dire un mot, sans un geste. Tout à coup nous entonnons La Marseillaise et crions « Des Français vendus par Pétain » .
Le 5 mai 1942, le préfet de Seine-et-Oise, sur avis de la police française et des responsables du camp d’Aincourt, transmit au Conseiller supérieur d’administration de guerre de la Feldkommandantur de Saint-Cloud une liste d’anciens internés d’Aincourt à la libération desquels il donnait un avis défavorable ; les fiches concernant Ernest et Eugène Clément en faisaient partie. Les deux frères furent sélectionnés avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation, en application d’un ordre de Hitler, avait été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus furent conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le convoi dit des 45 000 arriva à Auschwitz le 8 juillet, date à laquelle Ernest reçut le matricule BVF 45373. Affecté avec son frère le 13 juillet au camp de Birkenau en construction pour y appliquer la Solution finale, où les conditions de vie étaient encore plus dures qu’au camp principal Auschwitz , Ernest y mourut le 19 février 1943 (date sur le registre) gazé, selon le témoignage du codétenu Eugène Garnier. Jusqu’en mai 1943, des prisonniers considérés comme « inaptes au travail » ont été gazés à Birkenau.
Dans une lettre adressée à la veuve de Paul Faurie, Eugène Garnier raconta les conditions dans lesquelles il avait disparu : « Paul Faurie, Roger Bonnifet et l’un des frères Clément (Ernest) ont été tous les trois pris dans une sélection et destinés à passer à la chambre à gaz. (…) Ils ont été emmenés en camion et tous trois chantaient de toutes leurs forces La Marseillaise. Cet événement a fait beaucoup de bruit dans le camp de Birkenau où il eut lieu, aussi bien que dans le camp (principal) d’Auschwitz où les SS eux-mêmes furent ébranlés par l’héroïsme de nos camarades. D’ailleurs, quand nous avons été libérés par l’Armée rouge, nous avons fait (André Faudry de Saint-Maur et moi) un rapport à la Commission d’enquête soviétique dans lequel nous avons cité cet événement. »
Eugène était mort depuis le 15 août 1942.

Ernest Clément a reçu la mention « Mort pour la France ».
Son nom est inscrit sur la plaque commémorative aux morts de 1939-1945 dans l’église et sur le monument aux résistants et déportés dans le cimetière de Villeneuve-Saint-Georges où une rue porte le nom des Frères-Clément. A Paris, dans le hall de la gare de Lyon, le nom d’Ernest Clément est gravé sur la plaque commémorative aux cheminots.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article74387, notice CLÉMENT Ernest, Maurice par Annie Pennetier, version mise en ligne le 22 mars 2016, dernière modification le 22 novembre 2022.

Par Annie Pennetier

Ernest Clément à Auschwitz
Ernest Clément à Auschwitz

SOURCES : Jean-Marie Castel, Les Villeneuvois et les Villeneuvoises sous l’Occupation (1940-1944), Montgeron, Desbouis Gresil, 1990. — Site Mémoire Vive convoi des 45 000. — Site Mémorial genweb. — Claudine Cardon-Hame- Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Autrement 2005. — État civil en ligne cote 7 E 63/1, vues 79-80.

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