Par Frédérick Genevée
Né le 27 janvier 1913 à Varsovie (Pologne), mort le 25 septembre 1998 à Paris ; avocat ; militant communiste ; conseiller général de la Seine, conseiller municipal de Maisons-Alfort (Val-de-Marne) (1983-1998), sénateur du Val-de-Marne (1977-1995).
Les parents de Charles Lederman, ouvriers, immigrèrent en France trois mois après sa naissance. Boursier, il fit de brillantes études et fut même nommé au concours général en thème latin. Il s’engagea très tôt dans la vie politique et, d’après son autobiographie, adhéra aux Jeunesses communistes en 1928. Pendant ses études, il travailla comme employé de bureau. Après avoir obtenu sa licence de droit, il s’inscrivit au barreau en 1934, collabora au cabinet de Georges Pitard, avec Michel Rolnikas et Antoine Hajje et travailla avec la Ligue des droits de l’Homme. L’année suivante toujours selon son autobiographie, il adhéra au PCF.
Charles Lederman écrivit des articles de droit dans La Défense, journal du Secours rouge international (SRI), collabora au groupe parlementaire communiste. Il devint l’un des avocats de l’Union des syndicats de la Seine et était responsable de la page juridique de La Vie ouvrière. Il plaida dans l’affaire de l’assassinat d’Acherchour en 1938 lors d’une grève à Clichy. À la fin de l’année 1938, il partit pour le service militaire.
Charles Lederman fut fait prisonnier à Dunkerque en juin 1940 et emmené en Allemagne d’où il s’évada en octobre 1940. Il rejoignit alors Lyon et reprit contact avec le PCF. Il intégra le triangle de direction régional de l’Union des Juifs pour la résistance et l’ entr’aide ainsi que le Mouvement national contre le racisme. Illégal à partir de 1942, il quitta Lyon pour Toulouse.
Basé à Montauban (Tarn-et-Garonne) Lederman rencontra clandestinement à Montauban Mgr Théas dans les jardins qui jouxtaient à l’époque l’évêché. Théas était un proche de Monseigneur Saliège et diffusait publiquement l’appel à protéger les juifs. Selon l’historien Patrick Cabanel : « À partir d’août 1942, il s’agit de sauver les juifs, en étroite liaison avec les organisateurs juifs de ce sauvetage, Georges Garel et son beau-frère Charles Ledermann (futur sénateur communiste) ou encore Lucien Fayman, responsable des éclaireurs israélites puis de la « Sixième » (leur organisation clandestine). Garel met en place le réseau qui porte son nom, au sein de l’OSE (Oeuvre de secours des enfants). Il vient accompagné de Lederman, rencontrer Saliège en septembre 1942, le père de Lubac servant d’intermédiaire » (Mgr Saliège, une voix contre la déportation des juifs, Éditions Midi-Pyrénées , 2019, page 30)
Puis il rejoignit Paris où il devint l’un des dirigeants nationaux des mêmes organisations. Il participa alors à la rédaction de J’accuse et de Droit et liberté. D’avril à mai 1944, il était à Marseille dans les groupes de combat des FTP.
À la Libération, il était à Villeurbanne et participa aux combats de la libération. En novembre 1944, il apparaissait sur la liste noire des traîtres au parti. Lui étaient reprochés ses doutes sur le Pacte germano-soviétique. Il fut sans doute exclu car, à la fin de l’année 1945, la commission de contrôle proposait sa réintégration qui fut ratifiée par le secrétariat en octobre 1945. Ses états de service pendant la Résistance plaidèrent en sa faveur. Après la guerre, il continua à diriger Droit et liberté et devint président de l’UJRE et président de l’amicale FFI-FTP « Liberté-Carmagnole » – Groupes de Combat – 32e brigade. Il reprit son métier d’avocat, participa à la rédaction de Droit ouvrier et de la Revue progressiste de droit français, et anima les journées d’étude des juristes communistes en 1953. Il plaida dans de nombreuses affaires de la guerre froide (complot des pigeons), de la décolonisation et de la CGT. Son activité professionnelle fut grandement consacrée au droit social ; il défendit par exemple Alain Clavaud à l’usine Dunlop de Montluçon en 1987 et les « dix de Renault ». Dans les années 1960, il accueillit dans son cabinet Francis Jacob, co-fondateur avec Claude Michel du Syndicat des avocats de France en 1973.
Conseiller municipal de Paris et conseiller général de la Seine de 1965 à 1971, membre du conseil régional d’Île-de-France élu en 1977, conseiller municipal de Maisons-Alfort depuis mars 1983, membre du Comité pour le respect du droit à l’information télévisée, présenté en deuxième position de la liste communiste dernière Marcel Rosette et avant Hélène Luc, il fut élu sénateur du Val-de-Marne en septembre 1977 avec ces deux autres Val-de-marnais. Orateur marquant, secrétaire de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et de l’administration générale du Sénat, il intervint à la tribune dans tous les grands débats, s’occupant notamment du droit du travail (débats sur la flexibilité et l’amnistie pour les travailleurs), l’audiovisuel, les droits d’auteurs, les nationalisations, la presse, l’abolition de la peine de mort dont il fut le principal porte parole au Sénat, Robert Badinter lui manifesta sa reconnaissance. Avec Jean-Claude Gayssot, il prépara une proposition de loi créant une infraction spécifique de contestation de l’existence de crimes contre l’humanité, texte connu sous le nom de loi Gayssot. Il fut, en 1987, élu juge titulaire de la Cour de justice.
Réélu au Sénat le 28 septembre 1986, deuxième sur la liste communiste conduite par Hélène Luc, il siégea jusqu’au 1er octobre 1995, ne se représentant pas, pour raison d’âge et de santé.
Charles Lederman fut le seul avocat communiste de la période à devenir parlementaire, après Marcel Willard qui avait siégé au Conseil de la République de 1946 à 1949.
Titulaire de la médaille de combattant volontaire de la Résistance, de la Croix de guerre, de la médaille de la France libre, il était chevalier de la Légion d’honneur. En 2009, la mairie de Paris fit poser une plaque sur la face de l’immeuble où il vécut, rue Saint-Louis-en-L’île.
Par Frédérick Genevée
ŒUVRE : Moro-Giafferi, Vincent de (Me), Godart, Justin (Me), Lederman, Charles (Me), Franckel, Isidore (Me), Naj ajngewanderte ir zent niszt alain !... Nouveaux immigrés vous n’êtes pas seuls !... De Moro-Giafferi, Justin Godard, Ch. Lederman, Franckel au grand procès du 17 janvier 1948, 16 p. — Diamant, David, Les Juifs dans la Résistance française, 1940-1944 avec armes ou sans armes. Préface d’Albert Ouzoulias, colonel André, Postface de Charles Lederman, Paris : le Pavillon, 1971, 367 p.
SOURCES : Arch. du PCF, ADP D2 U8 545. — CAC, Fontainebleau, 940 461 art. 1 dos 26 (rien dans le dossier). — Notice DBMOF par Claude Willard. — La Défense, Le Droit ouvrier, Revue progressiste de droit français, Le correspondant parlementaire. — Notice par Claude Michel, Les Annales du SAF 1972-1992, tome 1, Paris, SAF-Communication, 2003, p. 71. — L’Humanité, 28, 29 septembre, 3 octobre 1998, 2 novembre 2009. — Notes de Jean-Philippe Tonneau.