MAÎTREJEAN Rirette [née ESTORGES Anna, dite]

Par René Bianco

Née le 14 août 1887 à Saint-Maixant (Corrèze), morte le 14 juin 1968 à l’hospice de Limeil-Brévannes (Seine-et-Oise) ; correctrice de presse ; anarchiste, impliquée dans l’affaire Bonnot.

Rirette Maîtrejean avec Mauricius
Rirette Maîtrejean avec Mauricius

Petite-fille de paysans, fille d’un cultivateur devenu artrisan maçon à Tulle, Anna Estorges obtint le certificat d’études et la brevet élémentaire. Elle envisageait, encouragée par son père, de faire l’école normale pour devenir institutrice. La mort de son père l’obligea à interrompre ses études. Pour fuir le mariage et le voie que voulait lui imposer sa mère, elle gagna paris à seize ans et, grâce aux université populaires, fréquenta les milieux libertaires à partir de 1906. Proche des anarchistes individualistes, elle sympathisa avec Anna Mahé et Libertad.

Elle épousa Louis Maîtrejean, sellier de son métier, dont elle eut deux filles. Son mari fut condamné le 9 juin 1910 par la cour d’assises de Melun (Seine-et-Marne) à cinq ans de réclusion et 100 f d’amende pour fabrication et émission de fausse monnaie ; il avait déjà été condamné pour port d’arme à six jours de prison, le 6 novembre 1905. Rirette devint la maîtresse de l’anarchiste Vandamme Maurice, dit Mauricius. Elle partit pour la Belgique d’où, selon un rapport de police, elle fut, en août 1909, expulsée ainsi que son ami Kibaltchiche. Dans ses Mémoires, Victor Serge — Kibaltchiche, affirme avoir fait connaissance de Rirette Maîtrejean au siège du journal L’Anarchie dont elle fut une première fois directrice, février-décembre 1909. En juillet 1911, Rirette succéda à Lorulot à la direction du journal dont le siège, en octobre, fut transféré de Romainville (Seine) à Paris, rue Fessart, XIXe arr. ; de jeunes illégalistes y fréquentaient. Deux mois plus tard l’affaire des « bandits tragiques » commençait. (Voir Jules Bonnot)

Arrêtée le 20 mars 1912, Rirette Maîtrejean comparut devant la cour d’assises de la Seine, le 3 février 1913, sous l’inculpation de recel de malfaiteurs et fut acquittée. Elle épousa son ami Victor Serge le 4 août 1915 ; elle divorça le 14 février 1927 (Serge se serait-il remarié dès 1919 ?).

Dans Souvenirs d’Anarchie, publiés en août 1913 par le journal Le Matin, Rirette Maîtrejean condamna les illégalistes : « ... Derrière l’illégalisme, il n’y a pas même des idées. Ce qu’on y trouve : de la fausse science et des appétits. Surtout des appétits. Du ridicule aussi et du grotesque... ». À quoi Lorulot répliquait : « C’est du mensonge, de la haine, et surtout de la bêtise [...] Et dire que cette honnête dame se fait professeur de morale ! Et dire que ce sont ces gens-là qui m’ont vilipendé, qui nous ont attaqués et salis ! » (L’Idée libre, n° 23, octobre 1913).

Après la guerre de 1914-1918, Rirette Maîtrejean cessa toute activité militante. Cependant, elle collabora à la Revue anarchiste dans les années trente, et elle fut, en 1951, une des premières abonnées de la revue Défense de l’homme. Elle collabora, en 1959, au journal Liberté, fondé par Louis Lecoin.

Admise au syndicat des correcteurs le 1er janvier 1923, elle exerça son métier notamment aux journaux le Soir, Paris-Soir, puis, après la Seconde Guerre mondiale, à Libération.

En 1988, les éditions la Digitale, à Quimperlé, ont publié ses Souvenirs d’anarchie, rédigés en 1913 et dont une édition suédoise était parue en 1914 (137 p.).

Elle mourut le 14 juin 1968 à Limeil-Brévannes (Seine-et-Oise). Ses cendres sont conservées dans la case 2439 du colombarium du Père Lachaise.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75134, notice MAÎTREJEAN Rirette [née ESTORGES Anna, dite] par René Bianco, version mise en ligne le 27 avril 2021, dernière modification le 30 novembre 2022.

Par René Bianco

Rirette Maîtrejean (1913)
Rirette Maîtrejean (1913)
DR
Rirette Maîtrejean avec Mauricius
Rirette Maîtrejean avec Mauricius

ŒUVRE : Souvenirs d’anarchie, La Digitale, 2005.

SOURCES : Arch. PPo., non versées. — Jean Maitron : Histoire du mouvement anarchiste, op. cit. — Victor Serge, Mémoires d’un Révolutionnaire, 1901-1941, Paris — Le Mouvement social, n° 47, avril-juin 1964. — Gazette des Tribunaux, 3-4 février, 28 février 1913. — Y. Blondeau, Le syndicat des correcteurs, op. cit.Défense de l’homme, octobre 1968. — Bulletin des correcteurs, n° 238, septembre 1968. — Le Monde, 16-17 juin 1968. — Anne Steiner, Les en-dehors. Anarchistes individualistes et illégalistes à la Belle époque, L’échappée, 2008. — Le columbarium du Père Lachaise : M à Q. — Notes de Renaud Poulain-Argiolas.

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