SAQUER Joseph [SAQUER Jacques, Joseph]

Par André Balent

Né le 25 décembre 1870 à Saint-Laurent-de-Cerdans (Pyrénées-Orientales), mort le 16 décembre 1963 à Saint-Laurent-de-Cerdans ; ouvrier tisseur à Saint-Laurent-de-Cerdans ; militant socialiste, syndicaliste et coopérateur.

Joseph Saquer (1870-1963) dans son atelier de l’
Joseph Saquer (1870-1963) dans son atelier de l’"Union sandalière" de Saint-Laurent-de-Cerdans.
Reproduction à partir de l’original et recadrage, André Balent.

Fils d’un fermier à Saint-Laurent-de-Cerdans, Joseph Saquer commença à travailler aux établissements Sans et Garcerie dès l’âge de sept ans. Comme tous les jeunes enfants employés dans les tissages, on lui confia la surveillance du bobinage du coton. Il ne fréquenta pas l’école. Peu à peu, il apprit le métier de tisserand et devint ouvrier qualifié. Il profita de son service militaire qu’il effectua à Narbonne (Aude) dans un régiment d’infanterie de ligne, puis à Perpignan, pour apprendre à lire et à écrire. Par la suite, il acquit une solide culture d’autodidacte.

De retour à Saint-Laurent-de-Cerdans, il reprit son travail chez Sans et Garcerie. Il devint maître tisserand puis contremaître. Ouvrier d’une grande habileté, il créa de nouvelles compositions de Jacquard dont il s’était fait une spécialité. Joseph Saquer poursuivit sa carrière professionnelle chez Sans et Garcerie jusqu’en 1930, date à laquelle il entra à la coopérative ouvrière de production, « l’Union sandalière » qu’il avait contribué à créer en 1923. Ainsi, à l’âge de soixante ans, il accepta de diriger les tissages que venait de créer « l’Union sandalière ». Militant convaincu des vertus de la coopération, il mit à la disposition de « l’Union sandalière » son savoir-faire. Une seconde carrière professionnelle commençait pour lui qui allait s’achever en 1955. A cette date, il avait formé des ouvriers capables de prendre le relais.

Joseph Saquer milita dans les rangs du Parti socialiste, peut-être dès 1904, en tout cas, après la Première Guerre mondiale. Au moment du congrès de Tours, comme la plupart des animateurs du mouvement ouvrier laurentin, il opta pour la SFIO qu’il n’allait jamais quitter. Toutefois, il n’occupa jamais de fonctions dirigeantes au sein de la section socialiste locale.

Joseph Saquer participa également, en mars 1904, à la fondation du syndicat CGT des ouvriers espadrilleurs, trépointeurs et tisseurs (OETT) de Saint-Laurent-de-Cerdans mais se consacra presque uniquement à la coopération. Le 29 octobre 1908, il participa à la réunion constitutive de la coopérative ouvrière de consommation, « l’Union des travailleurs syndiqués » qui s’affilia à la Fédération des coopératives. et fut élu à son conseil d’administration. Les cinquante fondateurs de « l’Union des travailleurs syndiqués » n’hésitèrent pas à hypothéquer leurs biens pour garantir le démarrage de la coopérative. Ils étaient tous mus par l’idée que la coopération était le « socialisme concret », même si, comme le soulignait Joseph Saquer qui assumait la présidence du conseil d’administration, il fallait « s’occuper le moins possible de politique » (procès-verbal de la réunion du 31 juillet 1913). Pour lui la coopération était un engagement militant de tout instant : le 13 août 1911 il rappelait qu’il ne s’agissait point, pour être un bon coopérateur, d’avoir son nom inscrit en marge d’un registre mais qu’il fallait encore avoir le sens des intérêts collectifs. De 1908 à 1930, Joseph Saquer assura par intermittence la présidence du conseil d’administration des « Travailleurs syndiqués ». Toutefois, sur sa proposition, le conseil d’administration réuni le 13 août 1913 supprima la présidence permanente.

Dès le départ, la coopérative de production, « l’Union sandalière » fut conçue comme le prolongement naturel de la coopérative de consommation, « l’Union des travailleurs syndiqués ». Joseph Saquer avait été au centre des décisions concernant sa création mais, tisserand chez Sans et Garcerie, il ne put, dans un premier temps, y travailler. A l’origine, « l’Union sandalière » ne produisait que des espadrilles : il n’y avait donc pas de place pour lui. Ayant dû faire face au patronat local qui refusait de fournir la coopérative en chanvre et en toile nécessaires à la confection des espadrilles, « l’Union sandalière » décida de fabriquer elle-même la toile. C’est alors que Joseph Saquer proposa ses services. Son patron essaya de l’empêcher de prendre la direction des tissages en lui proposant une promotion intéressante mais il refusa. Un peu grâce à lui, la coopérative ouvrière de production de Saint-Laurent-de-Cerdans fut la seule entreprise du Haut-Vallespir qui réussit à réaliser une concentration verticale associant le tissage, la tresserie, l’espadrille. Il put contribuer à l’essor de « l’Union sandalière » qui réussit à trouver des débouchés importants par le biais du réseau des coopératives de consommation. Elle fournit en espadrilles les mineurs du Nord et de l’Est jusqu’à ce que, après la Seconde Guerre mondiale, l’inspection du travail les obligeât à porter des bottes. L’armée, elle-même, fut cliente de « l’Union sandalière ». En 1936, la coopérative de production fut victime de la crise. Elle vendit une partie de ses stocks aux républicains espagnols. La Seconde Guerre mondiale fut une période active pour « l’Union sandalière ». Mais, vers 1953, la constitution de stocks pléthoriques d’espadrilles annonçait une nouvelle crise. Toutefois, lorsque Joseph Saquer prit sa retraite, en 1955, « l’Union sandalière » qui employait alors quatre-vingt-deux personnes se classait au troisième rang des fabriques d’espadrilles du Haut-Vallespir.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75157, notice SAQUER Joseph [SAQUER Jacques, Joseph] par André Balent, version mise en ligne le 8 novembre 2009, dernière modification le 28 décembre 2016.

Par André Balent

Reproduction à partir de l’original et recadrage, André Balent. "> Joseph Saquer (1870-1963) dans son atelier de l'"Union sandalière" de Saint-Laurent-de-Cerdans.
Joseph Saquer (1870-1963) dans son atelier de l’"Union sandalière" de Saint-Laurent-de-Cerdans.
Reproduction à partir de l’original et recadrage, André Balent.

SOURCES : Arch. privées François Erre, Saint-Laurent-de-Cerdans : livre de Dominique Erre, secrétaire de « l’Union des travailleurs syndiqués » ; « livre de raison » de Laurent Poch, dirigeant de « l’Union sandalière ». — P.-F. Bernard, « Un canton montagnard méditerranéen : le Haut-Vallespir », Bulletin de la société languedocienne de géographie, t. XXIX, fascicule 1, p. 79-140 ; fasc. 2, p. 417-484, Montpellier, 1958. — Jean Ribes, Haut et moyen Vallespir au fil des temps, t. II, Perpignan, 1981. — Souvenirs de Laurent Poch enregistrés par Jacques Saquer. — Entretien avec Jacques Saquer, petit-fils de Joseph Saquer.

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