Par René Lemarquis, Claude Pennetier
Née le 4 janvier 1901 à Lodz (Pologne), morte en novembre 1990 ; épouse du dirigeant communiste allemand Walter Ulbricht en premier mariage ; sténo-dactylo ; militante des Jeunesses socialistes puis des Jeunesses communistes ; responsable technique auprès du Komintern ; journaliste à l’Humanité jusqu’en 1973, correspondante à Berlin-Est.
« Rosa Michel » avait été choisi comme pseudonyme « en l’honneur de Rosa Luxemburg et Louise Michel ». Marie Wacziarg était née à Lodz (Pologne) bien que les documents officiels aient indiqué Varsovie. Ses parents étaient nés en 1877. Le père, David Wacziarg, ouvrier casquettier, déserta en 1900 pour ne pas servir dans l’armée tsariste et vint en France, où sa femme, ouvrière gantière puis ménagère, le rejoignit en 1901 quelques mois après la naissance de Marie. Ils eurent ensuite trois garçons et le père acquit en 1911 la nationalité française dont bénéficièrent les membres de sa famille. Il fut mobilisé quelques mois pendant la guerre. Il était, dès la Pologne, un militant actif, souvent gréviste ou chômeur et il faisait le récit des luttes contre le tsarisme et ses pogromes. À sa mort en 1936 il était membre du PC (SFIC). En 1931, Wacziarg avait remplacé Bonnieu comme trésorier du 3e rayon communiste de la région parisienne.
Marie Wacziarg fréquenta l’école communale de 1907 à 1914 puis l’École primaire supérieure Sophie Germain (section commerciale) pendant trois ans (de 1914 à 1918) et obtint le Brevet élémentaire. À dix-sept ans elle travailla comme sténo-dactylo dans des usines métallurgiques, ayant une bonne connaissance de l’anglais elle avait une bonne qualification.
Dès la révolution de février en Russie elle commença à suivre des réunions et adhéra à dix-huit ans à la Jeunesse socialiste et au Parti socialiste. Elle milita également dans le Comité de la IIIe Internationale (dirigé par Fernand Loriot). Elle participa à la conférence des minoritaires à Puteaux le 25 juillet 1920. Avant la scission de Tours, elle entra au conseil national de la Jeunesse communiste lors de son premier congrès national du 31 octobre 1920, ainsi qu’au comité de rédaction de L’Avant-Garde. Elle était par ailleurs trésorière des JC de Fontenay-sous-Bois (Seine) où elle résidait. De 1920 à 1922 elle milita en France : membre du comité fédéral de la Seine du PC elle fut la candidate de la section de Fontenay-sous-Bois au conseil national du parti en janvier 1922. Devenue permanente de la JC dès 1920 elle participa activement à l’organisation de la campagne pour l’aide aux victimes de la famine dans la région de la Volga. Elle était aussi membre de la Commission centrale des femmes. En 1921, Rosa Michel fut désignée pour représenter la Fédération des JC au congrès international de la Jeunesse à Iéna-Berlin et, l’année suivante, sur recommandation de Voïa Vouïovitch*, un dirigeant de l’ICJ dont elle était secrétaire, elle entra au bureau d’édition de cette organisation à Berlin comme dactylo traductrice, puis dirigeante du bureau des traductions. Elle devint alors membre du Parti communiste d’Allemagne (KPD).
En 1923, Rosa Michel participa à un travail technique pour « le petit appareil fermé du KIM » (ICJ) lors de l’occupation de la Ruhr. Elle travailla alors à l’édition d’une presse destinée aux soldats. L’année suivante elle fut auxiliaire technique au bureau du « camarade Varga » avec Stojan Stepanov*. Elle s’occupait des problèmes de l’enfance pour les JC. Elle fit son premier voyage en URSS comme traductrice à l’ICJ. Elle traduisit les Lettres à Kugelmann de Karl Marx pour le compte des Éditions Sociales Internationales. Elle adhéra alors une première fois au Parti communiste d’Union Soviétique (PC (b)) en 1925-1926 et dirigea le Club des émigrés français à Moscou. A la fin de 1925 elle épousa à Moscou Walter Ulbricht, membre de la direction du KPD et futur dirigeant de la République démocratique allemande. Ils travaillèrent souvent dans les mêmes organismes et effectuèrent alors les mêmes déplacements. Ils eurent une fille en 1931.
De retour à Berlin avec lui en 1926, elle fut de nouveau secrétaire-référent pour les questions françaises auprès de Varga et rédigea des comptes rendus de congrès. Élève en 1927 de l’École centrale du KPD pendant neuf semaines, elle étudia le travail du parti à la base et fut instructeur de cellules d’entreprises.
De nouveau en URSS en 1928 (et membre du PC (b) en 1928-1929) elle fut employée au Profintern comme référent de la question des femmes et travailla à la section d’organisation de l’IC sur la structure du PC (b) et l’organisation des cellules d’entreprises. Elle écrivit sur ce sujet un article qui paraîtra en 1930 dans la revue de l’Internationale. En 1929 elle fut secrétaire et traductrice de la délégation de l’IC au Congrès du PC anglais à Leeds. L’année suivante elle travailla comme traductrice et rédactrice sur les questions en langues française et anglaise aux Comités internationaux professionnels et elle collaborait à la Correspondance Syndicale Internationale. Elle fut traductrice aux 6e et 7e Congrès de l’IC ainsi qu’à divers plénums du CE.
En 1933 Rosa Michel entra comme aspirante à l’École léniniste internationale pendant un mois et demi sous le nom d’Anna Walter. Puis elle partit avec Walter Ulbricht, sur ordre du parti, en émigration à la suite de l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Pendant toute cette période elle avait occupé de nombreuses fonctions dans les institutions (« fermées ») du parti allemand ainsi que des responsabilités à l’échelle de l’usine et du rayon. Elle participa ainsi à la grève générale des métallos berlinois en 1930. En 1935, Walter Ulbricht se sépara de Rosa Michel et elle vint en URSS où elle fut admise de nouveau à l’École léniniste internationale jusqu’à l’été 1936.
A l’issue de ses études elle entra au secrétariat d’André Marty au CE de l’IC, comme « référent politique ». Détachée en Espagne, elle travailla à Valence pour l’organisation des Brigades internationales de février à octobre 1937. De retour à Moscou elle reprit sa fonction de référent politique (elle remplaçait soit Mingouline, soit Mayoski comme adjoint politique au secrétariat de Marty), fonction confirmée par une décision du 28 novembre 1938 du secrétariat du CE de l’Internationale (signée Dimitroff). Elle y était encore employée en mars 1941. Elle dirigeait à cette date un cercle du PC (b) en langue française et présidait le ROKK. Dans son questionnaire biographie (rédigé en russe) du 5 mars 1941, contrairement aux nombreux autres qu’elle avait remplis précédemment, elle déclarait être de citoyenneté française et de nationalité juive (jusqu’en 1938 elle mentionnait « française » aux deux questions).
Le 26 juin 1944, elle participe à une réunion d’informations à l’IMEL en compagnie de Stepanov, Ramette, Thorez et Jean-Richard Bloch notamment, ce qui tendrait à montrer qu’elle est restée toute la guerre en URSS. On rencontre plusieurs fois le prénom "Rose" mentionné en décembre-janvier 1942 dans l’agenda de Bloc, quand les Bloch revinrent à Moscou d’Oufa, mais rien ne prouve que c’est elle.
Après la Seconde Guerre mondiale, titulaire d’une carte de journaliste professionnel au titre de l’Humanité elle en fut la correspondante permanente à Berlin-Est où elle résidait d’ordinaire, mais on la rencontrait souvent à Paris. Elle collabora aussi à l’hebdomadaire France Nouvelle et aux Cahiers du Communisme. Elle prit sa retraite à soixante-douze ans et mourut en novembre 1990.
Gaston Plissonnier adressa un message de condoléance et Yves Moreau lui consacra un article dans l’Humanité du 16 novembre 1990, en concluant : « Ma dernière rencontre avec elle remonte à l’été 1989, à Berlin. Sa vivacité d’esprit et sa curiosité, ses inquiétudes pour l’Allemagne avaient marqué notre conversation. L’effondrement et l’annexion de la RDA auront sans doute douloureusement assombri ses derniers mois. »
Sa fille Rose Wacziarg se maria avec Étienne Picard (1924-1960), ingénieur du CEA, combattant des FTP.
Par René Lemarquis, Claude Pennetier
SOURCES : RGASPI, 495 270 8420 (1925 : Formulaire du KPD pour entrer au PC (b), questionnaire n° 409 ; 1928 : Questionnaire de novembre, titularisation au Profintern ; 1933 : Questionnaire du 23 décembre, autobiographie ; 1935 : École léniniste internationale, mutation ; 1936 : Nomination au CE de l’IC ; 1938 : Autobiographie du 22 décembre, questionnaire même date ; 1939 : Nomination secrétaire référent au CE de l’IC ; 1941 : Autobiographie du 5 mars, questionnaire même date). — L’Humanité, 1er mars 1921 et 14 janvier 1922, 16 novembre 1990. — Bulletin Communiste, 2 mars 1922. — Avant-Garde, 11 décembre 1980. — J. Varin, Jeunes comme JC, Paris, Éditions sociales, 1975. BnF, Fonds Jean-Richard Bloch, Varia, Agenda 1943-1944. — Notes de Rachel Mazuy.