BRADLAUGH Charles

Né le 26 septembre 1833 à Londres, mort le 30 janvier 1891 ; propagandiste radical et libre penseur.

Né dans le quartier populaire de Shoreditch au cœur de Londres, Charles Bradlaugh est l’aîné d’une famille de sept enfants. Son père, commis dans une étude, le fait engager par son patron comme garçon de courses, quand il atteint l’âge de douze ans (son instruction est donc restée rudimentaire). Puis, à quatorze ans, Bradlaugh trouve une place d’employé dans une maison de commerce de charbon. Cependant il continue de s’instruire tout seul et le pasteur local, en le voyant si doué, l’exhorte à devenir instituteur de l’école du dimanche. Mais Bradlaugh s’interroge sur sa foi. Le doute l’envahit, et après un débat public avec un libre penseur lui-même cesse de croire. Il a alors seize ans et se sépare de sa famille. La veuve de Richard Carlile, le libre penseur radical, l’accueille chez elle quelque temps. Bradlaugh se met à fréquenter les cercles de la libre pensée à Londres ; il donne alors des conférences et publie une brochure où il réfute les croyances du christianisme. Mais comme il est sans ressources, il s’engage en 1850 dans l’armée et sert pendant trois ans dans un régiment de dragons.

Rendu à la vie civile, Bradlaugh travaille pendant dix ans chez un avoué. De tempérament ardent et industrieux, il se lance à fond dans la lutte pour le laïcisme (Secularist Movement), publiant, sous le pseudonyme d’ » Iconoclaste », nombre brochures de propagande en faveur de la libre pensée.

C’est en 1860 que Bradlaugh prend la direction du journal National Reformer (Le Réformateur national) dont il acquiert la propriété deux ans plus tard : excellent moyen pour lui de faire passer ses idées dans l’opinion. À la suite d’un long conflit avec George Holyoake à propos de la ligne du périodique, il rompt avec cet ami au caractère difficile, mais l’affaire ne lui porte guère préjudice car il dispose de soutiens nombreux, notamment en province. Lorsqu’en 1866 est fondée la National Secular Society, c’est lui qui est tout naturellement choisi pour présider le nouvel organisme conçu comme groupe de pression des « laïques ». Durant cette période Bradlaugh a beau tenter sa chance en affaires en lançant plusieurs entreprises, il se retrouve perpétuellement endetté. Sans doute tire-t-il quelque revenu de ses conférences, en particulier de ses tournées aux États-Unis, car c’est un orateur de première force, et par ailleurs il reçoit une aide appréciable d’amis athées mieux nantis que lui. Mais son activité l’amène à être sans cesse en procès, tantôt comme plaignant, tantôt comme accusé. La cause la plus célèbre est celle où il fut poursuivi avec Annie Besant pour avoir édité une brochure en faveur de la limitation des naissances : les deux accusés, reconnus coupables, sont condamnés à six mois de prison. Mais, grâce à son habileté dans le maniement du droit, Bradlaugh parvient à faire casser la sentence pour vice de forme. L’affaire, qui fit beaucoup de bruit en 1877 (c’est même l’exploit de Bradlaugh qui a laissé le souvenir le plus durable), ne représente pourtant qu’un épisode parmi d’autres au cours d’une carrière bien remplie.

Bradlaugh a été mêlé à la plupart des grandes batailles du radicalisme entre 1870 et 1890. On le voit tour à tour soutenir l’idée d’un régime républicain, le mouvement coopérateur, le principe de l’arbitrage dans les relations industrielles, la réforme agraire, le Home Rule pour l’Irlande, la réforme des prisons, sans compter bien entendu l’enseignement primaire gratuit, laïque, obligatoire ainsi que le suffrage universel. En même temps il mène campagne contre le système du serment prêté sur la Bible. Lorsqu’il est élu député de Northampton en 1880, il refuse de prêter ce serment, comme c’était la coutume pour chaque nouvel élu aux Communes, ce qui le fait du coup exclure de la Chambre. Il faudra à Bradlaugh cinq années de lutte ponctuées de multiples péripéties pour être admis, au début de 1886, à occuper le siège auquel, dans l’intervalle, des électeurs de plus en plus nombreux à relever le défi l’avaient avec obstination plébiscité au cours de trois élections partielles. Désormais il restera député jusqu’à sa mort.

Paradoxalement, alors que l’on avait tout tenté pour l’exclure du Parlement, sa carrière de parlementaire va l’auréoler de prestige ; seulement c’est au détriment de son radicalisme dont les audaces s’atténuent. Bradlaugh, par exemple, combat le socialisme : à ses yeux, les idées socialistes sont incompatibles avec les principes de liberté. Aussi préfère-t-il faire confiance au parti libéral pour mettre en œuvre un programme effectivement radical. Au début des années 1890, on pensait de plusieurs côtés que Bradlaugh aurait sa place dans un nouveau ministère Gladstone. En particulier, en fonction de son intérêt pour le sous-continent indien, on l’envisageait comme sous-secrétaire d’État pour l’Inde. Mais la mort a coupé court à ce projet.

L’importance de Bradlaugh réside surtout dans le rôle qu’il s’est assigné lui-même : celui d’un iconoclaste. Il a contribué au déclin de plusieurs tabous de l’Angleterre victorienne et préparé le terrain pour de nouvelles conceptions de la société.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75327, notice BRADLAUGH Charles, version mise en ligne le 12 décembre 2009, dernière modification le 13 décembre 2010.

ŒUVRE ET BIBLIOGRAPHIE : Bradlaugh a écrit de multiples opuscules et articles. Une bibliographie de dix pages se trouve dans le livre de J.P. Gilmour ed., Champion of Liberty : Charles Bradlaugh, Londres, 1933. Voir également H.B. Bonner et J.M. Robertson, Charles Bradlaugh, 2 vol., Londres, 1895. — W.L. Arnstein, The Bradlaugh Case, Oxford, 1965. — D. Tribe, President Charles Bradlaugh MP, Londres, 1971. — People for the People, éd. D. Rubinstein, Londres/New York, 1973. — E. Royle, Victorian Inftdels, the Origins of the British Secularist Movement, 1791-1866, Manchester, 1974. — E. Royle éd., The Infidel Tradition : from Paine to Bradlaugh, Londres, 1976. — R. Manvell, The Trial of Annie Besant and Charles Bradlaugh, Londres, 1976. — S. Budd, Varieties of Unbelief : Atheists and Agnostics in English Society, 1850-1960, Londres, 1977. — R.A. Soloway, Birth Control and the Population Question in England, 1877-1930, Londres, 1982. — J. Bellamy et J. Saville (éd.), Dictionary of Labour Biography, t. VII.

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