CURRAN Peter Francis

Né en mars 1860 à Glasgow, Écosse ; mort le 14 février 1910 à Walthamstow, Londres ; dirigeant syndicaliste, fabien, socialiste.

« Pete » Curran est né dans une famille irlandaise catholique. Engagé à l’usine dès l’âge de dix ans (il sert alors d’aide pilonnier dans la forge d’une aciérie). Il travaille par la suite comme aide-forgeron et comme mécanicien dans plusieurs grandes usines de construction de machines de Glasgow et des alentours.

Observateur attentif des problèmes sociaux et économiques du jour, Curran prend parti pour la réforme agraire en Irlande et au début des années 1880, il se fait remarquer aux réunions de la Ligue agraire (Irish Land League, organisme qui devient plus tard l’Irish National League, puis l’United Irish League). Mais la ligue était profondément divisée sur la question de la nationalisation des terres : alors que les disciples de Michael Davitt* y étaient favorables, les partisans de Parnell dénonçaient dans la politique de nationalisation une vue de l’esprit — à leurs yeux totalement irréalisable. Curran se documente et fait de multiples lectures sur la question non sans comparer la situation de l’Irlande avec celle de l’Ecosse où prévaut une sorte de monopole de la propriété foncière. C’est pourquoi il suit avec passion les conférences données par Henry George en 1884, et le voici qui adhère à la Scottish Land League. Ce geste est mal accueilli par plusieurs des vieux adhérents de l’Irish League ; Curran n’en poursuit pas moins son activité à la Scottish League, et même à la fin de 1884 il s’inscrit à la Fédération social démocrate (Social Démocratie Federation).

Devenu un militant infatigable, très doué pour la propagande — même si parfois son zèle l’entraîne à des actions imprévisibles — Curran prend sans cesse la parole aux réunions de plein air, que ce soit dans la rue ou au Glasgow Green. Mais en 1888 il lui faut quitter la ville car sa réputation grandissante d’agitateur et de socialiste lui vaut des ennuis dans son atelier. Il part alors pour Londres où il se fait embaucher à l’Arsenal royal de Woolwich, toujours comme aide-forgeron. Là il contribue à lancer le syndicat des Gaziers (Gasworkers’ and General Labourers’ Union). Puis, en septembre 1889, il quitte Londres pour s’installer dans l’Ouest comme permanent régional du syndicat.

Lorsqu’en octobre 1890 éclate à Plymouth une grève au port charbonnier, Curran est inculpé (en vertu de la loi de 1875 sur les complots : Conspiracy and Protection of Property Act) et condamné par le tribunal local à une amende de vingt livres ou à six mois de travaux forcés. Du coup une campagne nationale de protestation se développe dans tout le royaume, campagne qui aboutit, en juillet 1891, à faire casser le jugement par le Lord Chief Justice (équivalent de la cour de cassation). Pareille décision sera considérée comme une grande victoire pour les syndicats. Peu de temps après, Curran devient le responsable national du Gasworkers’ and General Labourers’ Union.

Tout au long des années 1890 Curran apparaît comme un des leaders du « nouvel unionisme ». En même temps il milite sur le plan politique car il a adhéré à la Société fabienne peu après 1890. En 1893, il est présent lors de la fondation, à Bradford, du Parti indépendant du travail (Independent Labour Party). 11 est même l’un des quatre fabiens élus au premier comité administratif national (National Administrative Council). Lorsqu’en février 1900, la Société fabienne organise un référendum parmi ses membres pour savoir quelle attitude adopter devant la guerre des Boers, la majorité se prononce pour une politique de non-intervention dans le débat sur la guerre. En signe de protestation quinze fabiens quittent alors la société, parmi eux l’on compte Pete Curran, Ramsay MacDonald*, Walter Crane* et George Barnes*. Curran est déjà à cette époque un partisan convaincu de l’arbitrage international, conviction qui ne fera que s’affirmer lorsqu’il deviendra plus tard parlementaire. Au congrès socialiste international de Paris en 1900, il se montre passionnément hostile à la guerre des Boers.

Avec MacDonald et Keir Hardie*, Curran joue un rôle de premier plan dans la formation du Comité pour la représentation du travail (Labour Representation Committee). Pour sa part, il s’était présenté une première fois en 1895 aux élections législatives à Barrow-in-Furness, sous la bannière de l’Independent Labour Party, mais il n’avait obtenu que 414 voix. En octobre 1897 il se représente à l’occasion d’une élection partielle à Barnsley, ville minière du Yorkshire. Il mène un rude combat contre le candidat libéral, un propriétaire de mines nommé Joseph Walton. Mais celui-ci sort vainqueur, tandis que Curran ne recueille qu’un peu plus de mille voix. Commentant cette défaite sévère de l’ILP, Curran proclame « voilà bien la preuve la plus éclatante que nous ayons jamais eue qu’il faut choisir entre le socialisme et l’alliance Lib-Lab ». Curran sera battu une troisième fois, en 1906, dans une autre circonscription ouvrière, à Jarrow, près de Newcastle. Mais l’année suivante, grâce à une élection partielle provoquée par la mort du député de Jarrow, il est enfin élu député, cette fois-ci avec une majorité confortable, encore que la campagne ait été très disputée.

Cependant la carrière parlementaire de Curran est de courte durée, car il est battu, de justesse, en janvier 1910. Aux Communes, il s’était occupé, avant tout, du problème du chômage. Mais il avait perdu du crédit auprès d’une partie de son électorat à la suite d’une condamnation pour ivresse sur la voie publique, dans une rue de Londres. Malade à plusieurs reprises, Curran doit subir, peu après l’élection de janvier 1910, une grave opération. Mais il meurt soudain d’une rechute à l’âge de cinquante ans.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75390, notice CURRAN Peter Francis, version mise en ligne le 12 décembre 2009, dernière modification le 12 décembre 2009.

BIBLIOGRAPHIE : F. Bealey & H. Pelling, Labour and Politics, 1900-1906, Londres, 1958. — P.P. Poirier, The Advent of the Labour Party, Londres, 1958. — A.M. McBriar, Fabian Socialism and English Politics, 1884-1918, Cambridge, 1962. — H. Pelling, The Origins of the Labour Party, 1880-1900, Oxford, 1965. — L.Thompson, The Enthusiasts : a Biography of John and Katharine Bruce Glasier, Londres, 1971. — J. Bellamy et J. Saville (éd.), Dictionary of Labour Biography, t. IV.

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