GIRAUD Marius [Bouches-du-Rhône]

Par Gérard Leidet

Né en 1918, mort en septembre 1980 ; instituteur ; secrétaire général de la section départementale du Syndicat national des instituteurs (SNI) des Bouches-du-Rhône (1955-1957).

Marius Giraud assista le 29 mai 1957 avec Mugnier* de la Fédération de l’Éducation nationale (FEN) à un colloque organisé à Marseille (Bouches-du-Rhône) sur la pédagogie soviétique. Cette initiative présentait les travaux d’Alexis Léontiev, psychologue russe, pionnier de la psychologie soviétique, spécialiste de la psychologie du développement et fondateur de la théorie de l’activité.

Le 30 mai 1957, Marius Giraud participa au nom du SNI - avec M. Lopez de la Fédération Cornec des parents d’élèves et M. Vialle de la Fédération des œuvres laïques - à une conférence de presse ayant pour thème « l’École publique en danger ». Il rappela la nécessité de recruter 20 000 instituteurs en regard des 5 300 issus des écoles normales cette année-là et critiqua les mesures gouvernementales prises en matière de recrutement, à savoir le recours à des auxiliaires recrutés au niveau de la première partie du Baccalauréat. Il établit un bilan de la féminisation du métier qui commençait à faire sentir ses premiers effets. Les institutrices représentant 90 % des suppléances, la pression sur les rémunérations se faisait ressentir, selon lui, à travers la notion de « salaire d’appoint accepté ». Il conclut son intervention en dénonçant le non-remplacement des suppléantes, les absences pour maladie étant le signe de « la vie épuisante des institutrices ». Tous ces faits rappelés s’opposaient au développement d’un enseignement de qualité qui passait par une revalorisation de la fonction d’instituteur semblable à celle des autres catégories de fonctionnaires ; par une aide matérielle et professionnelle aux enseignants débutants enfin par un meilleur recrutement. Dans le même temps, le mouvement de grève tournante initié par le SNI sur ces questions, fut reporté à cause de la crise ministérielle. Le 21 mai 1957, le gouvernement conduit par Guy Mollet n’obtenant pas le vote de ses projets financiers (250 voix contre, 215 pour) destinés à couvrir les dépenses de la guerre, avait démissionné.

Au congrès extraordinaire de 1957 de la section départementale du SNI, les 4 et 5 juillet à Aubagne (Bouches-du-Rhône), trois motions d’orientation furent présentées : celle de la « section Bouches-du-Rhône » qui obtint 2993 mandats ; celle de la majorité-direction nationale, 83 voix ; celle de l’École émancipée défendue par Hélène Bernard et M. Menga, 422 voix. Marius Giraud, alors secrétaire général adjoint, présenta la motion « Bouches du Rhône », différente de la motion Fournial. Après en avoir évoqué le contenu somme toute assez classique et qui avait rallié l’écrasante majorité des suffrages - indépendance syndicale, unité syndicale sans exclusive, défense de la corporation et de la laïcité, unité d’action, défense de la paix et des libertés -, il engagea un discours très critique à l’encontre de la direction nationale du SNI. Elle avait, selon lui, pratiquement abandonné le programme minimum d’action laïque et avait attendu l’arrivée au Vatican du Président René Coty pour lancer sa protestation. Par ailleurs la direction nationale avait laissé passer la « réformette » de René Billères - notamment le décret de juillet 1956 supprimant l’examen d’entrée en 6e et la circulaire du 23 novembre supprimant les devoirs à la maison dans les écoles élémentaires, sans prévenir le « chaos visible qui allait suivre ». À l’issue de ce congrès, Jean Buisson*, ancien secrétaire départemental (1946-1948) et membre du bureau national du SNI, admis dans le corps des inspecteurs primaires, quittait l’équipe départementale qu’il avait animée pendant une dizaine d’années.

Lors du congrès national qui suivit, le 18 juillet 1957, Marius Giraud intervint pour critiquer à nouveau le rapport moral présenté par Denis Forestier et qualifia de « réformettes » les orientations du bureau national. Sa nouvelle responsabilité de secrétaire de la section départementale du SNI était annoncée dans L’école libératrice, le 9 mai 1958. Son adresse était alors, 23 boulevard Charles Nédelec dans le troisième arrondissement de Marseille.

Lors du conseil syndical précédant la rentrée scolaire d’octobre 1957, Marius Giraud analysa un certain nombre de difficultés scolaires locales, notamment celles qui se situaient dans le secteur de la Capelette à Pont-de-Vivaux (quartiers de Marseille) où près de 600 enfants se trouvaient sans école ; les classes fonctionnant avec 37 élèves par classe. La situation, caractérisée par une croissance continue du nombre d’élèves due aux fortes natalités observées depuis 1946, selon lui, et aux déplacements de population après la construction dans les quartiers périphériques de groupes d’immeubles, n’avait pas été suffisamment anticipée par les pouvoirs publics. Il regrettait que peu de familles laborieuses puissent s’installer à cause de loyers prohibitifs (15 000 francs par mois). Malgré les « apparences » de rénovation dues aux nouvelles constructions du parc immobilier marseillais, des milliers de familles ouvrières vivaient encore dans les bidonvilles de Saint-Barthélémy, du Merlan et de Mazargues.

L’année suivante, le 23e congrès départemental se tint à Marseille le 3 juillet 1958, dans les salons de l’Alhambra décorés - signe des temps oblige - d’une banderole « Vive la république ». Cent cinquante délégués y représentaient 4 025 syndiqués. Au-delà des problématiques corporatives, trois questions inédites alimentèrent les débats. Marius Giraud présenta la première à connotation sociale et qui concernait les responsabilités de l’École et de l’université « face aux problèmes de l’avenir de la jeunesse dans les conditions de l’évolution du monde moderne. » Une deuxième plus directement pédagogique, animée par Eugène Costa, anticipait des débats ultérieurs en évoquant un aménagement rationnel de l’année scolaire en fonction des possibilités, de la santé des enfants et des conditions de vie sociale de la fin des années 1950. Enfin la question laïque fut abordée de façon assez neuve par Georges Fournial* dans le sens d’une exigence de respect de la laïcité dans les grands moyens d’expression et de pensée tels que le cinéma, la radio et la télévision. Après les allocutions de sympathie émanant de Pluravel de la FEN, de Lopez de la Fédération Cornec et de Gianastasis des AIL, Marius Giraud, devenu secrétaire général de la section départementale, présenta un rapport moral inscrit dans un contexte alarmant : « l’heure des menaces » pointait sur des institutions républicaines auxquelles les instituteurs étaient attachées. Ce rapport fut adopté à la quasi-unanimité moins les voix des délégués de l’École émancipée et deux abstentions. Le rapport moral national présenté par Fournial fut quant à lui approuvé par 433 voix (contre 20 et 21 abstentions). Une « motion Giraud » fut adoptée à l’occasion de ce congrès : elle réaffirmait son « attachement absolu à la démocratie et à la république, à toutes les libertés, à l’école laïque, à toutes les libertés, conditions primordiales de la dignité humaine » ; elle engageait « les Républicains à s’unir pour la défense des libertés » et s’élevait « contre le principe d’un referendum qui équivalait à un plébiscite ». Cette dernière disposition fut suivie par 10 autres sections départementales - Lozère, Ardèche, Loir-et-Cher, Haute-Loire, Cantal, Eure-et-Loir, Oise, Vendée, Yonne et Marne - qui déclaraient : « les instituteurs de onze départements ont pris position contre le referendum–plébiscite et invitent tous les enseignants à dire non le 5 octobre 58 au pouvoir personnel ». La conclusion de cette motion s’inscrivait pleinement dans la défense des libertés républicaines : « …persuadés que le progrès, le développement et la grandeur d’un pays sont l’œuvre de tous, accomplie en pleine conscience et dans un climat de liberté, les instituteurs des Bouches-du-Rhône déclarent ne pouvoir accepter une quelconque limitation des libertés traditionnelles de notre pays… ». À l’issue du congrès départemental, Marius Giraud était délégué au congrès national du SNI de Brest, le 20 juillet 1958.

Lors de la journée pédagogique qui précéda le congrès, après le rapport de Jeanne Lordon sur « le caractère original de l’enseignement dans les cours complémentaires et les orientations possibles des élèves », son intervention porta sur la défense des cours complémentaires urbains concurrencés par les nouveaux collèges et lycées qui voyaient le jour. Au congrès, il fit partie de la commission des résolutions et intervint dans la discussion du rapport moral qu’il approuvait tout en le critiquant. Lors du congrès national, le 7 juillet 1959, il critiquait la direction du SNI qui n’avait pas dénoncé « le caractère rétrograde du statut de la fonction publique » ainsi que celui de la « pseudo-réforme de l’enseignement » et la « timidité » des actions de défense laïque ». Lors du congrès national de 1962, il souhaita que le SNI dénonce « la dramatique insuffisance des ouvertures de classes ».

Le 5 juillet 1958, Marius Giraud et Gabriel Vialle*, au nom du SNI, assistèrent avec d’autres dirigeants et militants de la FEN à la représentation à Marseille du 14 juillet de Romain Rolland, extraits de ce « théâtre de la Révolution » par lequel l’écrivain avait souhaité « dégager la vérité morale et rallumer l’héroïsme et la foi de la Nation aux flammes de l’épopée républicaine… »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75508, notice GIRAUD Marius [Bouches-du-Rhône] par Gérard Leidet, version mise en ligne le 20 décembre 2009, dernière modification le 13 septembre 2010.

Par Gérard Leidet

SOURCES : La Marseillaise, 1er et 3 juin 1957 ; 5 et 7 juillet 1958. — Arch. SNI Bouches-du-Rhône. — Notes de Jacques Girault.

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