GRANGER Georges, François

Par André Caudron, Jean Limonet

Né le 17 septembre 1935 à L’Étrat (Loire) ; sidérurgiste ; secrétaire général de l’Union des Métaux CFDT de la Loire et de la Fédération générale de la Métallurgie FGM puis FGMM-CFDT (1979) ; membre du bureau confédéral (1979-1985) ; président fondateur de « Mobilité et Développement » (1988-2006).

Fils d’un ouvrier des aciéries stéphanoises Bedel, Georges Granger, aîné de trois enfants, entra en 1939 à l’école communale de L’Étrat qu’il quitta en 1941 à cause des bombardements. Il continua sa scolarité à Barra jusqu’en 1949. Après une année à l’école professionnelle Mimard, il fut apprenti chez Royal, fabricant de machines à écrire, entra ensuite aux établissements Haga, spécialisés dans l’usinage de pièces de cycles, puis chez Rolls. Il fut embauché enfin dans l’entreprise Bedel en 1951 comme pilonnier sur matériel militaire avant d’être marteleur HQ (hautement qualifié) jusqu’en mai 1956. Il avait participé aux actions des Jeunesses communistes de 1950 à 1955, dans les campagnes pour la paix en Indochine.

Georges Granger fut alors appelé sous les drapeaux au 9e groupement d’escadrons de spahis algériens, à l’école de cavalerie d’Hussein Dey (Algérie), durant quatre mois, puis affecté vers la fin au 1er escadron à Blandan, au sud de Bône (Annaba). Durant ses vingt-huit mois de service, il réagit souvent contre l’armée et fut emmené plusieurs fois en prison militaire, mais il se distingua par sa bravoure lors d’une embuscade qui coûta la vie à dix soldats.

Il retrouva son emploi chez Bedel en septembre 1958. La CGT ne l’intéressait pas. La CFTC, dans la Loire, représentait un grand syndicat qui envisageait la constitution d’une très forte organisation laïque, ce qui l’attira. Il y adhéra en 1962. L’entreprise Bedel occupait à cette époque environ 400 salariés dont 280 inscrits à la CGT et 24 seulement à la CFTC. Aussitôt, Georges Granger se présenta aux élections professionnelles et fut élu avec Albert Docq et Jean Moulin, obtenant une très nette progression de la CFTC. Trois ans plus tard, il n’y avait plus d’élu CGT chez Bedel, et la CFTC devenue CFDT comptait 320 adhérents.

Au syndicat de la métallurgie de Saint-Étienne et Angénieux (Loire), présidé par Jean Faure, Georges Granger s’était engagé dans les débats internes sur l’évolution de la CFTC. Délégué au congrès confédéral de juin 1963 à Issy-les-Moulinaux (Seine, Hauts-de-Seine), il fut élu, au retour, secrétaire général de son syndicat en remplacement de Gilbert Palasse, militant à la SFAC. Entre 1963 et 1968, ce syndicat passa de 340 à 1 800 adhérents. En décembre 1964, Georges Granger avait participé à l’assemblée générale des syndicats de la Loire qui adopta les nouveaux statuts de la CFDT.

En 1965, la direction de l’entreprise Bedel fit apparaître de nombreuses baisses d’investissements, laissant penser à une volonté de fermeture. Immédiatement Georges Granger interpella la direction pour vérifier cette analyse qui se révéla juste. Le syndicat réagit aussitôt et un accord fut signé au nom des métallos CFDT sur les garanties sociales de fermeture. Ce fut le premier accord social signé par un syndicat sur la fermeture d’une entreprise. Durant cette période marquée par de nombreux conflits, l’idée de l’assurance grève se concrétisa par l’ouverture d’une caisse de résistance au service des grévistes.

Georges Granger devint responsable en 1965 de la formation au sein de la région Métaux. En septembre 1968, après le départ de Frédo Moutet*, élu secrétaire national de la fédération, il devint secrétaire général permanent de l’Union régionale des syndicats de la métallurgie de la Loire et Haute-Loire ; la même année, délégué au 34e congrès fédéral, il fut élu membre du conseil fédéral. Au congrès de 1971, il y fut réélu, ainsi qu’à la commission exécutive de cette fédération. Au 36e congrès, à Grenoble, en 1974, il fut nommé membre du conseil par l’Union régionale de la métallurgie et élu à la commission exécutive de la FGM. Le conseil fédéral l’élut alors président.

Durant ses mandats régionaux, Georges Granger avait animé de nombreux conflits dans les entreprises sidérurgiques comme la Compagnie des Aciéries et Forges de la Loire (CAFL) et dans la machine outil. Trois conflits majeurs s’étaient déroulés chez Peugeot Saint-Étienne en juillet 1973, en lien avec l’entreprise Smata d’Argentine, chez Schlumberger à Thiers (Puy-de-Dôme) et dans les quatre établissements Teyssier de la Haute-Loire, à Sainte-Ségolène, Lapte, Montfaucon et Beauzac.

En juin 1976, à la demande d’Albert Mercier* et avec le soutien de Jacques Chérèque, Georges Granger fut élu secrétaire national de la FGM. Il gagna la région parisienne avec sa famille et fut réélu en novembre 1977 au congrès de Strasbourg. Remplacé dans la Loire par Michel Vincent, il suivit particulièrement de nombreuses activités revendicatives, surtout dans la sidérurgie et la construction navale. Les négociations débouchèrent sur une Convention générale de protection sociale.

Dans les grandes entreprises, les départs massifs désorganisaient les implantations syndicales. Georges Granger poussait à organiser des formations pour les militants qui prenaient la relève et à lancer de grandes campagnes de syndicalisation. Il fut rapporteur du débat sur la convention collective nationale dans la métallurgie, allant vers le statut unique de l’ouvrier à l’ingénieur, revendication prioritaire de la fédération. En 1978, alors qu’il était responsable de la politique d’action revendicative, les actions se multiplièrent en faveur de la RAG (rémunération annuelle garantie).

Élu secrétaire général adjoint de la FGM en avril 1978, il remplaça Jacques Chérèque comme secrétaire général le 20 avril 1979, quand ce dernier rejoignit Edmond Maire* à la commission exécutive confédérale. Au congrès de 1979 il entra au bureau national confédéral où il resta jusqu’en 1985. Pendant cette période, bien des conflits éclatèrent comme à RVI, Alstom, Dassault, Thomson. Georges Granger s’efforça de développer une action revendicative coordonnée nationalement, avec des objectifs comme la RAG ou la réduction du temps de travail.

En 1981, au trente-huitième congrès, tenu à La Rochelle, il présenta le rapport général et la motion sur les prochaines élections présidentielles. André Sainjon*, secrétaire général de la FTM-CGT, répondit négativement à l’invitation de la FGM-CFDT de participer à ce congrès. Ce fut une modification notable par rapport aux dix précédentes années où Jean Breteau, son prédécesseur, était intervenu aux congrès de la fédération CFDT. À La Rochelle furent conviées de nombreuses délégations étrangères dont, pour la première fois en France, des Polonais de Solidarnosc.

La FGM à son tour fut invitée par Solidarnosc du 30 avril au 3 mai 1981, seule organisation étrangère présente à la remise de l’étendard et à sa bénédiction au syndicat national de la métallurgie à Szczecin (Stettin). Georges Granger conduisit cette délégation composée de Jean-Louis Foucault, secrétaire général adjoint, et Jean-Claude Hug*, secrétaire fédéral. Il engagea de nombreuses relations avec des organisations syndicales en pleine évolution du fait des changements survenus dans leurs pays : Chili, Argentine, Brésil, Afrique du sud, Espagne, Portugal, etc., en lien étroit avec la FEM (Fédération européenne de la Métallurgie) et la FIOM (Fédération internationale des organisations de la Métallurgie) dont il était membre des comités exécutifs. Il développa des coopérations bilatérales avec Solidarnosc, la CUT métal du Brésil, les Italiens et IGM en Allemagne, et soutint l’adhésion d’organisations de pays européens auprès de la FEM.

Après l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République en mai 1981, Georges Granger prit de nombreuses responsabilités dans les nouvelles tâches du mouvement syndical. Les nationalisations et l’institution de politiques industrielles de branche transformèrent les rapports sociaux. Il participa en commission à l’élaboration de la loi sur la démocratisation du secteur public et nationalisé puis s’efforça de la mettre en œuvre.

La liquidation de l’entreprise Creusot Loire en 1983 entraîna de nombreuses luttes pour défendre l’emploi. Les revendications pour le reclassement se développèrent grâce à une nouvelle structure associative, l’ARFACE dont Gilbert Fournier et Dominique Gillier furent les chevilles ouvrières respectivement en Saône-et-Loire et dans la Loire.

Puis vint en 1984 le congrès extraordinaire de Torcy, Le Creusot et Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire), réunissant la Fédération des Mineurs et la Fédération des Métallurgistes. Georges Granger fut élu premier secrétaire de la FGMM, Fédération générale des Mines et de la Métallurgie CFDT.

Les négociations débouchaient souvent sur des accords nationaux spécifiques. Restructurations et suppressions d’emplois se poursuivaient. Les réflexions s’approfondissaient sur l’accompagnement qui permettrait aux salariés de retrouver un emploi : ce fut en 1985 la création d’une nouvelle structure de reclassement : l’ARS ou Association de réinsertion des salariés.

Au bureau national confédéral, Georges Granger prit part aux débats d’orientations d’actions sur les flexibilités en 1984 et ouvrit une tribune dans le journal Ouest-France où il déclara qu’il fallait « débarbouiller le projet CFDT au gant de crin ». Ce propos entraîna des réactions négatives. Défini comme le moderniste de droite, il ne fut pas réélu au bureau au congrès de Bordeaux (1985). À l’approche de celui d’Angers en 1987, il annonça sa volonté de quitter la fédération. Il démissionna en juin, souhaitant son remplacement par Jean Limonet, aussitôt élu secrétaire général, alors qu’un autre candidat, Jean-Louis Foucault, avait été présenté précédemment comme le futur successeur de Georges Granger. Une voix sépara les deux candidats, ce qui n’apaisa pas le débat interne.

Georges Granger mena ensuite de nombreuses actions pour lancer un organisme destiné à poursuivre l’accompagnement des personnes ayant perdu leur emploi. Fondateur de M et D (« Mobilité et développement »), société voulant permettre le reclassement du maximum de licenciés, il en fut président directeur général de 1988 à 2006.

Marié en octobre 1958 avec Germaine Roche, divorcé, remarié en juillet 1975 avec Bernadette Escot qui lui donna deux fils, François et Philippe, il divorça une nouvelle fois et se remaria avec Marie-Annick Lamarre en juin 1995. Il habita successivement à Saint-Étienne, Soisy-sous-Montmorency (Val-d’Oise), Le Creusot, Vincennes (Val-de-Marne), Paris et Bernay (Eure). Il fut membre du Parti socialiste de 1974 à 1980. Son frère Claude Granger a été permanent CGT de la métallurgie dans la Loire.

Georges Granger, fait chevalier de l’Ordre national du Mérite par Édith Cresson, ministre de l’Industrie, en reçut les insignes des mains de Jacques Chérèque, alors préfet délégué pour le redéploiement industriel en Lorraine (1984). S’étant fait remarquer lors d’accrochages en Algérie, il avait été nommé le 12 octobre 1956 pour la Médaille commémorative des opérations en AFN. Cette distinction lui fut remise le 5 décembre 2009 par le sénateur-maire de Bernay.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75532, notice GRANGER Georges, François par André Caudron, Jean Limonet, version mise en ligne le 21 décembre 2009, dernière modification le 2 octobre 2010.

Par André Caudron, Jean Limonet

SOURCES : Archives confédérales, interfédérales CFDT. — Notes de Gilbert Palasse, 4 avril 2004. — Entretiens avec Georges Granger, mai-juin 2009.

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