THOMAS Charles, André, Marie (premier patronyme WEINGOTT André)

Par Maurice Carrez

Né le 17 décembre 1923 à Doullens (Somme), mort le 14 avril 1997 à Fesches-le-Châtel (Doubs) ; ouvrier d’usine chez Japy à Bart (Doubs) puis chez Peugeot à Sochaux ; libre penseur, militant syndical et politique ; membre du comité exécutif (1956-1980), puis trésorier de la section CGT de Sochaux ; membre du comité fédéral du Doubs du PCF (1988-1993) ; conseiller municipal de Charmois (Territoire de Belfort) de 1983 à 1995.

André Weingott naquit à Doullens dans la Somme dans un milieu très défavorisé. Abandonné par sa mère à l’âge de trois ans, il fut placé par l’assistance publique dans une famille d’accueil installée dans le même département. Mais quand il eut atteint ses dix ans (avril 1934), il fut adopté par le garde-champêtre Thomas et sa femme domiciliés à Bavans dans le Doubs. Il devint alors pour l’état civil Charles Thomas. Ses parents adoptifs étaient exigeants, mais lui apportèrent l’affection dont il avait besoin. Il en éprouva beaucoup de reconnaissance, s’occupant avec dévouement de sa mère adoptive dans sa vieillesse. Enfant intelligent, il eut une bonne scolarité primaire avant de faire un apprentissage d’ajusteur à l’école professionnelle Japy.

À quatorze ans, il entra à la casserie Japy de Bart. Mais en 1942, il dut partir sous la contrainte pour le STO, en Autriche. Ce fut pour lui une expérience douloureuse : les journées étaient de 12 heures et la nourriture infecte chez des patrons qui exploitaient au maximum cette main-d’oeuvre d’origine étrangère. Il ne put s’échapper qu’au début 1945, revêtu d’un uniforme allemand de fortune qui faillit lui coûter un lynchage en règle à son retour dans le Pays de Montbéliard. Il retrouva une place à la casserie de Bart qu’il occupa jusqu’à la fermeture de l’établissement en 1953. Il y fit, semble-t-il, ses premières armes de syndicaliste à la CGT et participa à la lutte des ouvriers pour leur reclassement au moment de la liquidation de l’usine.

Suite à son licenciement économique, il fut embauché par Peugeot, le plus gros employeur de la région. Grâce à son CAP, il entra comme ajusteur à la Forge de Sochaux, l’un des secteurs réputés les plus durs de l’immense établissement. Il y fut d’emblée très estimé par ses camarades de travail. Sa personnalité, il est vrai, était très attachante. Cet homme d’apparence menue impressionnait par son abattage : infatigable au travail, bricoleur à ses heures, il aimait aussi lire et s’instruire, fréquentant assidûment la librairie audincourtoise du Cosmos. Il avait aussi un tempérament enjoué qui lui faisait apprécier les réunions entre amis, les bals et le chant choral. Sachant éviter les excès de langage, il était réputé pour sa modestie et sa fermeté en toutes circonstances. Il savait également rédiger, d’une écriture élégante et précise, des tracts qui faisaient mouche auprès des salariés de l’usine.

Dès 1956, il fut donc élu sans surprise délégué du personnel de la Forge, l’un des lieux les plus combatifs de la grande usine automobile. Vers la même époque, il devint membre du comité exécutif de la CGT Sochaux, puis plus tard trésorier général de la section, poste qui convenait parfaitement à sa scrupuleuse honnêteté et à sa méticulosité. Il paya cet engagement de nombreux ennuis. Sa carrière professionnelle fut bloquée et son salaire amputé (ce qui fut reconnu par le jugement de 1996 défavorable à l’entreprise). Lors de la grande grève de 1961, il fit même partie de la liste des 11 délégués que la direction souhaitait licencier. Il fut réintégré toutefois, suite à l’hostilité de l’inspection du travail à ce qui apparaissait comme un règlement de compte. Après la fermeture de la forge dans les années 1960, il fut muté au secteur EGB dans lequel il resta employé jusqu’à sa mise en pré-retraite en 1980. Il y poursuivit ses activités militantes, demeurant une figure respectée du syndicalisme sochalien, célèbre pour le gros porte-monnaie qui ne le quittait jamais lors des levées de cotisations.

Son adhésion au PCF se fit lors d’un meeting tenu à Audincourt par Marcel Servin (voir notice)à l’occasion du 40e anniversaire de la Révolution d’Octobre. Il devint l’un des animateurs de la cellule de la Forge puis de l’EGB, et participa au comité fédéral du Doubs, si bien que sa notoriété fut désormais associée à celle d’un communiste militant. Charles Thomas était aussi libre-penseur depuis qu’Ernest Lelache, maire socialiste de Bavans, l’avait convaincu de rejoindre les rangs de l’organisation qu’il animait à l’échelle locale. Mais ses convictions ne l’empêchaient pas d’être tolérant par rapport aux idées d’autrui. Après qu’il eut épousé en 1961 Jeannette Villaumé, cultivatrice à Charmois (Territoire de Belfort), il sut, en homme de dialogue, se faire accepter par les gens de son village d’adoption, attachés pour la plupart à la religion catholique. Il ne cachait pourtant pas ses opinions puisqu’il fut, dans les années 70, candidat communiste aux élections cantonales. Il est vrai que Charles Thomas plaisait à ses concitoyens en raison de son double labeur d’ouvrier et de paysan et de sa serviabilité ; en 1983, ceux-ci l’élirent conseiller municipal à une confortable majorité. Selon Robert Courtot, maire de la commune à cette époque, « il fut très apprécié de ses collègues. C’est à lui que revint le rôle ingrat de secrétaire de séance. Compétent, disponible, il fut un membre influent de la commission d’aide sociale de la commune, toujours animé d’un esprit de justice et d’égalité qui lui valut l’estime des habitants ».

Cet esprit de dialogue se retrouva lors des événements tumultueux de la scission du PCF dans le Doubs en 1988. Bien que partisan du respect de la ligne fixée au plan national et de la discipline qu’impliquait, à ses yeux, le « centralisme démocratique », il tint toujours des propos mesurés et chercha jusqu’au bout à éviter la fracture. Cette attitude lui valut d’être choisi par la majorité fédérale comme membre de la commission de contrôle financier lors de la houleuse conférence fédérale de décembre 1987. Mais en 1988, il opta avec la minorité pour l’appartenance maintenue au PCF. Il rejoignit la nouvelle fédération où il fut élu membre du comité fédéral. Adhérent de la cellule d’Étupes, il participa activement à la reconstruction difficile du PCF dans le Pays de Montbéliard entre 1989 et 1993. Parallèlement, il poursuivit ses activités au sein des retraités CGT dont il assura le secrétariat. Il fut de toutes les manifestations pour l’emploi et la défense de la protection sociale.

À partir de 1992, toutefois, son état de santé empira brusquement. Il dut mettre un frein, malgré lui, à son militantisme. Très affecté par la mort précoce de son épouse en 1994 (l sétait marié le 22 avril 1960 à Charmois, Territoire de Belfort avec Jeanne Guillaume), il subit plusieurs opérations et s’éteignit le 14 avril 1997 à Fesches-le-Châtel dans une famille d’accueil. Il laisse auprès de ceux qui l’ont connu le souvenir d’un homme droit et dévoué, éloigné de tout carriérisme.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75559, notice THOMAS Charles, André, Marie (premier patronyme WEINGOTT André) par Maurice Carrez, version mise en ligne le 29 décembre 2009, dernière modification le 29 janvier 2010.

Par Maurice Carrez

SOURCES : Entretiens avec messieurs Marcel Guyot, René Caburet (25 mars 1999) et Joseph Adami (25 mars 1999 et 17 octobre 2003). — Témoignages de madame Hallé (26 mars 1999) et de messieurs Gilbert Carrez (26 mars 1999) et André Vagneron (16 février 2004). — Archives personnelles de Joseph Adami et Maurice Carrez. — Le Pays de Montbéliard, 1989-1993, L’Est Républicain, 1989 et 1997. — État-civil de la mairie de Fesches-le-Châtel.

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