STERN Alain, Lazare

Par Jocelyne George

Né le 19 août 1931 à Paris (XIIIe arr.) ; ajusteur ; communiste, syndicaliste CGT ; permanent de la fédération des travailleurs de la métallurgie à partir de 1961, puis, en 1962, de la Confédération en charge de l’activité dans les organismes sociaux et de l’organisation des retraités ; en 1969 secrétaire général de l’Union syndicale des travailleurs de la métallurgie de Paris, membre de la commission exécutive de la fédération de la métallurgie, membre du comité de la fédération de Paris du parti communiste français ; en 1976 chargé de la coordination nationale des syndicats du groupe Renault ; en 1980 membre du conseil d’administration de l’Union internationale des syndicats de la métallurgie, en 1981, secrétaire général de cette organisation, en 1982, membre du bureau de la Fédération syndicale mondiale et élu à la commission exécutive confédérale de la CGT, en 1986, membre du secrétariat de la FSM puis en 1992, secrétaire général adjoint.

Hélène et Alain Stern
Hélène et Alain Stern
Les métallos et l’anticipation sociale, op. cit.

La mère d’Alain Stern, Marie-Louise Pasquet, née à Paris en 1907, était la fille d’un maçon de la Creuse et teinturière de son état ; son père, Ahiam, né en Palestine en 1907, vécut en Égypte puis vint à Paris faire des études de Lettres ; il fréquenta le milieu surréaliste et adhéra au Parti communiste ; naturalisé en 1935 il fit son service militaire en 1936 ; il était employé au ministère de l’Air. Prisonnier de guerre en 1939, il s’évada ; interné à Drancy en 1941, il fut un de ceux qui prirent l’initiative du percement d’un tunnel d’évasion qui ne put aboutir, il joua un rôle important dans la résistance du camp, il s’échappa en 1944 du convoi qui le menait en déportation.

Alain Stern fut confié à sa grand-mère dans le Limousin dès sa première année ; jusqu’en 1939 il passa son enfance entre le Limousin et Belleville où il était scolarisé. À la déclaration de guerre il était dans une colonie de vacances à la frontière italienne où sa grand-mère vint le chercher pour le ramener dans le Limousin où il resta jusqu’en 1944 et où il fut en contact avec les francs-tireurs et partisans de la région. La culture et l’engagement de son père, le milieu populaire parisien où il a vécu, le spectacle de la guerre ont contribué à sa formation politique et ont influé directement sur son engagement.

En 1944, de retour à Paris où la famille éclatée pendant la guerre s’est reconstituée, il passa son certificat d’études où il eut comme dictée un extrait de l’appel du 18 juin, puis il entra au centre d’apprentissage des Lilas où il apprit le métier d’ajusteur. En 1943, il avait adhéré aux Jeunesses communistes puis à l’Union des jeunesses républicaines de France, en 1945 il adhéra aux jeunes syndiqués de la CGT, organisation qui fut dissoute après la scission d’avec FO. En 1948, il obtint son CAP d’ajusteur et fut engagé dans un garage du XXe arrondissement ; il réadhéra alors à la CGT au local du 94 rue Jean-Pierre Timbaud.

À l’été 1951 il fut délégué au festival de la jeunesse de Berlin, en septembre il partit faire son service militaire pendant dix-huit mois en Allemagne où il suivit le peloton des sous-officiers. À son retour en 1953 il travailla à Nanterre dans l’entreprise de fabrication de camions Willème, il devint le secrétaire du syndicat CGT de cette entreprise de 1 200 ouvriers où l’organisation avait été complètement démantelée après les grandes grèves de 1952 et les licenciements qui suivirent. Il était aussi à la même époque secrétaire de la section du parti communiste de Nanterre. Il eut à appréhender la situation extrêmement difficile de l’existence du bidonville avec tous les extrémismes et les contradictions de l’époque.

En 1953 il rencontra sa femme, Hélène Sztulcman, née en 1934, militante de l’Union des jeunes filles de France, dont les parents étaient morts en déportation en 1942. Ils se marièrent en 1954 et ils eurent deux filles, Catherine et Dominique. Après leur naissance, en 1959, Hélène travailla comme secrétaire au Centre de diffusion du livre et de la presse, une maison d’édition proche du PCF, en 1964 elle devint la secrétaire du dirigeant communiste Jacques Duclos* pendant dix ans, jusqu’au décès de celui-ci, puis celle d’un autre dirigeant, Étienne Fajon* pendant six ans.

En 1961, Alain Stern devint permanent de la fédération de la métallurgie où il remplaça Marius Apostolo comme responsable à l’éducation. Il travailla alors en collaboration étroite avec Marc Piolot*, Jean Magniadas et André Barjonet. Il organisa des écoles dans la région parisienne et en province. À la même époque, en pleine période des attentats de l’OAS, il suivit une école de quatre mois du Parti communiste à Choisy qui se clôtura le lendemain des événements de Charonne.

En 1963, il devint permanent de la confédération dans le secteur social dont le responsable était Henri Raynaud* ; il fut chargé de l’organisation des retraites et des allocations familiales. Une de ses premières tâches fut l’organisation des élections à la sécurité sociale sous la direction d’Henri Krasucki*, membre du bureau confédéral. Il dut assurer la place de la CGT dans les organismes de retraite complémentaire à la fondation desquels elle n’avait pas participé. En 1964 il fut élu administrateur de la caisse d’allocations familiales et vice-président de l’Union nationale des caisses d’allocations familiales. Administrateur de différentes caisses de retraite il devint vice-président de l’association des retraites par répartition des caisses ouvrières. Il fit adopter par la CGT la création de la carte interprofessionnelle des retraités. Cette responsabilité le mit en contact avec des représentants du patronat, des compagnies d’assurances, des organismes financiers : un autre monde. Elle l’amena aussi à avoir des relations avec la commission de la santé du parti communiste où de nombreux débats sur la contraception en présence de Jeannette Vermersch* firent évoluer la position de celle-ci.

En 1967, il subit une grave opération et se vit confier, sous la responsabilité de Georges Séguy, une tâche théoriquement moins exténuante, celle de la coordination des activités des membres du bureau confédéral, mais survinrent les événements de Mai. De ce fait il vécut de près la centralisation des informations et la prise des décisions.

En 1969, il fut élu à la commission exécutive de la fédération de la métallurgie qui lui demanda de mettre en place l’Union syndicale des travailleurs de la métallurgie de Paris, conséquence de la nouvelle structure administrative de la région parisienne divisée en départements. Il devint le secrétaire général de cette organisation qui représentait alors encore 200 000 métallurgistes dont 15 000 chez Citroën et de nombreux sièges sociaux avec des employés, en majorité des femmes, des ingénieurs et des cadres. Mais la désindustrialisation de Paris qui était engagée concernait particulièrement les métallurgistes. Citroën, les entreprises du XIIIe, du XVe arrondissements, les sièges sociaux quittèrent peu à peu Paris. Membre du bureau de l’Union départementale CGT de Paris, Alain Stern vécut de près cette transformation de la capitale.

Cette année-là, il fut aussi élu au comité fédéral de la fédération communiste de Paris en charge de l’éducation ; il étudia notamment la place grandissante des employés dans la capitale. Il suivit quelque temps la section du Ve arrondissement où il rencontra de nombreux intellectuels.

Entre 1976 et 1981, à la demande de la fédération de la métallurgie et de la confédération, avec l’accord des syndicats de l’entreprise, il fut chargé de structurer et de développer la coordination naissante entre les différents syndicats des entreprises du groupe Renault à l’échelle nationale et internationale. Cette responsabilité l’amena, avec Roger Silvain*, administrateur CGT de la Régie, à effectuer de nombreux voyages en Amérique latine au pire moment des dictatures qui sévissaient alors et d’apporter une solidarité matérielle et morale aux dirigeants syndicaux victimes de la répression, en particulier à Cordoba (Argentine). En France il s’agissait de faire respecter et de développer les accords obtenus en 1968.

En décembre 1980, la direction de la fédération CGT de la métallurgie lui demanda de remplacer Pierre Baghi, secrétaire général de l’Union internationale des syndicats (UIS) de la métallurgie, appelé à d’autres activités. Il prit ses fonctions en février 1981 à Moscou, siège de cette UIS. Hélène l’accompagna et assura le secrétariat de cette organisation. Installée depuis peu à Moscou à la suite de la décentralisation des UIS qui se trouvaient presque toutes à Prague, siège de la Fédération syndicale mondiale (FSM), l’UIS de la métallurgie bénéficia de l’aide des différents syndicats de la métallurgie de l’URSS. Cela lui permit de développer son activité en direction des syndicats des différents continents, tout particulièrement dans les sociétés transnationales de la métallurgie (automobile, électronique, sidérurgie, etc.). Dans le même temps, les instances de la FSM acceptèrent les propositions de la CGT d’agir plus concrètement dans les différentes régions du monde, particulièrement en Europe, et pour coordonner les syndicats des firmes transnationales. Cette attitude nouvelle de la FSM permettait à la CGT de surmonter des désaccords avec, principalement, les syndicats soviétiques pour qui la raison d’État primait souvent les positions de classe. La CGT estima que cela lui permettait de solliciter à nouveau des postes à la direction de la FSM, postes qu’elle avait abandonnés en 1978 quand Pierre Gensous démissionna du secrétariat général de l’organisation à cause de profonds désaccords d’orientation. La CGT avait par contre maintenu ses responsabilités dans les UIS. La FSM et les UIS représentaient une force considérable qui aurait pu influer sur la situation des travailleurs, l’Organisation internationale du travail, diverses commissions de l’ONU, la coordination des syndicats, la défense de la paix.

Au congrès de La Havane en 1982, Alain Stern entra au bureau de la FSM et fut nommé président de la commission des transnationales qui disposait d’un budget. En collaboration avec Rolland Guyvarc’h , il développa une intense activité dans les transnationales de la métallurgie, du textile, de l’alimentation, du bâtiment, du commerce, etc. Lors du congrès de Berlin en 1986, sur proposition de la CGT, il devint membre du secrétariat de la FSM. Abandonnant sa charge à l’UIS de la métallurgie, Alain Stern s’installa à Prague où le Soudanais Ibrahim Zacharias assurait le secrétariat général depuis 1978. Hélène l’accompagna et travailla à la FSM.

L’écroulement des régimes socialistes d’Europe créa de sérieux problèmes à la FSM, tout particulièrement en ce qui concernait ses moyens à cause de la désaffiliation de millions de salariés, mais aussi en regard de son orientation. La question de son devenir était posée. En 1992, au congrès de Moscou, Alain Stern fut nommé secrétaire général adjoint de la FSM. La CGT voulait développer une activité syndicale internationale débarrassée des pesanteurs extra-syndicales et des clivages idéologiques qui avaient trop souvent servi de prétexte pour refuser des actions coordonnées et unitaires. En maintenant ses principes pour le moins étroits, la direction de la FSM ne permettait pas cette évolution. Les autres organisations syndicales internationales qui conservaient leur idéologie du temps de la guerre froide se révélaient incapables de coordonner à l’échelle mondiale les actions des forces syndicales d’horizons divers, coordination qu’une mondialisation économique aux graves conséquences sociales rendait nécessaire. Les prises de position de la CGT sous la responsabilité de Louis Viannet*, sur ces questions comme sur l’appartenance à la FSM, firent l’objet de débats dont Alain Stern fut à la fois témoin et acteur. En 1994, arrivé à l’âge de la retraite et compte tenu des positions de la CGT comme des blocages de la FSM, il démissionna de ses responsabilités. La CGT se désaffilia de la FSM en 1995.

Alain Stern se consacra ensuite à l’organisation des retraités de la métallurgie et devint membre du conseil d’administration de l’Institut d’histoire sociale de la métallurgie CGT.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75564, notice STERN Alain, Lazare par Jocelyne George, version mise en ligne le 29 décembre 2009, dernière modification le 9 septembre 2015.

Par Jocelyne George

Hélène et Alain Stern
Hélène et Alain Stern
Les métallos et l’anticipation sociale, op. cit.

SOURCES : Renseignements donnés par l’intéressé ; contribution de Rolland Guivarc’h au colloque de l’Institut d’histoire sociale CGT sur La place de la CGT dans le monde (1945-2000), publication de l’Institut d’histoire sociale CGT, 2006. — Tania Régin et Serge Wolikow (dir.), Les syndicalismes en Europe – À l’épreuve de l’international, IHS-CGT–Université de Bourgogne, Syllepse, 2002. — Hélène et Alain Stern, Les métallos et l’anticipation sociale, Association CRIS, 2012.

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