GUYOT Raymond, Germain (version DBK)

Par Claude Pennetier

Né le 17 novembre 1903 à Auxerre (Yonne), mort le 17 avril 1986 à Paris ; employé ; secrétaire de la Fédération des Jeunesses communistes à partir de 1928 ; membre du Comité exécutif (CE) de l’Internationale communiste des Jeunes (ICJ) la même année, secrétaire de l’ICJ en 1935 et, la même année, élu membre du CE de l’Internationale communiste ; membre du comité central du Parti communiste de 1936 à 1985, du bureau politique de 1945 à 1972.

Le père de Raymond Guyot, charretier, mourut d’un accident du travail en 1904. Après avoir fréquenté l’école primaire supérieure de Tonnerre (Yonne) jusqu’au brevet élémentaire, il travailla à l’âge de seize ans, au bureau de la voie du PLM à Tonnerre et participa aux grèves de 1920. À la suite de cette action, il dut quitter les chemins de fer en 1921, se rendit à Troyes où il trouva du travail dans une maison d’alimentation. Membre des Jeunesses communistes, il fut élu en 1921 secrétaire de la 7e Entente couvrant les départements : Aube, Marne, Haute-Marne. Rédacteur de la « Tribune des soldats et des marins » dans l’Humanité, sous le pseudonyme de « Germain » et d’articles dans la Dépêche de l’Aube, il fut inculpé en août 1923 de « provocation de militaires à la désobéissance » et condamné à quinze jours de prison. C’est alors qu’il effectua son service militaire au 3e régiment des Chasseurs d’Afrique à Constantine puis au 1er escadron à Sétif.

À sa libération, R. Guyot adhéra au Parti communiste. Pour ce faire, il écrivit le 11 janvier 1924 à Boris Souvarine*, lettre publiée dans le Bulletin communiste dont la rédaction le félicita de s’exprimer « très clairement et correctement » et le cita en exemple : « Voilà un futur collaborateur tout indiqué pour notre journal de Troyes » et cela lui valut le surnom de « Trotsky ». Mais, rapidement, Guyot se rallia à la ligne du Komintern. Il fut appelé à Paris fin 1925 et fut affecté au travail antimilitariste avec les autres « techniques nationaux » : Simon Rolland (Marius), François Chasseigne*, André Grillot, Pierre Rougier, François Billoux*. Comptable aux magasins du Louvre, il constitua un syndicat dont il fut le secrétaire et qu’il fit adhérer à la CGTU.

Élu membre du comité central des Jeunesses en 1927, R. Guyot se rendit à Moscou afin d’assister au congrès de l’Internationale communiste des Jeunes (ICJ). Il fut alors élu membre titulaire du Comité exécutif de cet organisme. Les 15 et 16 décembre, il fut désigné comme secrétaire de la Fédération nationale des JC.
Il fut élu au comité central du PC au congrès tenu en avril à Saint-Denis. Un mandat d’arrêt fut lancé contre lui le 27 septembre 1929 pour « complot contre la sûreté de l’État » mais il disparut de son domicile dès le 30 septembre. Le 11 mars 1930, la 13e Chambre le condamna par défaut à deux ans de prison.

Raymond Guyot fit partie entre 1928 et 1931 de l’équipe de la jeunesse animée par Henri Barbé*, Pierre Celor* et Henri Lozeray*, « groupe » qui, avec le soutien de l’Internationale, appliqua sans nuance la tactique « classe contre classe ». Issu des JC, forgé dans l’action antimilitariste, Raymond Guyot était le prototype du militant dont la direction Barbé-Celor voulait assurer la promotion pour remplacer les cadres plus âgés suspects de modération. Cependant Guyot semble avoir été le maillon faible du « groupe de jeunesse » car, lorsqu’en juillet 1931, l’IC décida de condamner le « groupe » et d’envoyer Manouilski* à Paris enquêter sur ses activités « fractionnelles secrètes », c’est lui qu’elle fit contacter en premier. Clément (Eugen Fried*), un des représentants de l’IC, lui fixa un rendez-vous dans les environs de Stains. Il accepta d’accuser, devant le bureau politique, les membres du « groupe », de travail fractionnel. L’Humanité du 27 décembre 1931 publia la résolution suivante prise par le comité central les 26-28 août 1931 : « Le camarade Guyot a aidé le CC et l’IC à découvrir le groupe et a fait les premiers pas sérieux pour reconnaître et se débarrasser de ses fautes. » Par la suite, Guyot dénonça lui-même le groupe, notamment dans les Cahiers du Bolchevisme du 15 janvier 1932, groupe qu’il accusa d’avoir mené une « politique opportuniste et liquidatrice, couverte de phrases et de pratiques “gauches” et sectaires ».

Élu secrétaire général de la Fédération des Jeunesses au 7e congrès des 11-16 juin 1932 tenu à Montigny-en-Gohelle (Pas-de-Calais), il fut arrêté le 24 juin puis condamné, le 21 juillet suivant, par la 13e Chambre à trois mois de prison puis le 4 octobre par le tribunal militaire à un an de prison pour insoumission. Il fut libéré de la prison du Cherche-Midi le 23 juin à la suite d’une grève de la faim.
R. Guyot joua un rôle important aux plans national et international comme secrétaire général des Jeunesses communistes, membre du comité central du PCF à l’issue du 8e congrès du Parti tenu à Villeurbanne, 22-25 janvier 1936 et député de Villejuif en remplacement de Paul Vaillant-Couturier* décédé. Au plan international, l’action de R. Guyot fut également importante puisqu’en décembre 1933, il représenta le PC au 13e plénum élargi de l’IC et qu’en août 1935 (VIIe congrès), il fut élu membre titulaire du Comité exécutif de l’IC et membre suppléant du Présidium. En septembre-octobre, il devint secrétaire de l’ICJ à l’issue du VIe congrès. Dans un discours sur « Le chemin du salut de la jeune génération » (cf. Cahiers du bolchevisme, 15 novembre 1935), il exalta « l’œuvre grandiose de Staline*, ami des jeunes » et de « Dimitrov*, pilote de l’Internationale communiste ». En avril 1936, Guyot se rendit à Moscou prendre ses fonctions de secrétaire de l’ICJ.
L’année 1939, qui vit la signature du Pacte germano-soviétique et le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, pose quelques problèmes en ce qui concerne le rôle que joua R. Guyot. Il revint en France par Stockholm vers le 20 septembre. La rareté des contacts entre l’URSS et la France a fait penser à certains que le secrétaire de l’ICJ était le mieux placé pour transmettre au PCF les mots d’ordre de l’Internationale sur la nature de la guerre considérée comme guerre impérialiste après la signature du Pacte et il se peut qu’il ait reçu des directives de Dimitrov* à ce sujet.

R. Guyot fut mobilisé en décembre à l’hôpital militaire, centre mobilisateur de cavalerie n° 13 à Tarascon. Le 10 janvier 1940, il vint siéger à la Chambre et fut un des quatre députés du PC qui restèrent assis, refusant de s’associer à l’hommage adressé par le doyen d’âge de l’Assemblée aux armées françaises. La Chambre vota contre les quatre la censure avec expulsion temporaire et Guyot fut déchu de ses fonctions de député le 24 janvier. Vers février-mars, à la suite d’une communication de Benoît Frachon*, il passa dans la clandestinité et rejoignit Moscou via la Belgique.

R. Guyot fut parachuté en France : parti d’Arkhangelsk le 7 novembre 1941 en compagnie de Daniel Georges et de Francine Fromond*, ils durent faire retour à la suite d’une avarie et attendirent à Mourmansk jusqu’à fin novembre.Ensuite, par l’Islande (Reykjavik) et l’Écosse, ils arrivèrent en Grande-Bretagne, et après avoir été entraînés dans une unité parachutiste de l’armée anglaise, ils furent parachutés deux mois plus tard dans la région de Montpellier, fin janvier 1942.
D. Georges se dirigea alors vers Toulouse tandis que R. Guyot et Francine Fromond* gagnaient Lyon, où R. Guyot sera, pour la zone sud, un des principaux responsables de la Résistance.
À la Libération, il retrouva ses fonctions tant auParti que dans la vie publique. Élu membre titulaire du bureau politique au 10e congrès tenu à Paris, juillet 1945, en 8e position hiérarchique, il le demeura jusqu’au 20e congrès, décembre 1972, passant de la 8e position en 1945 à la 7e en 1950, à la 6e en 1954. Il demeura aussi membre du comité central jusqu’en février 1982. Élu 1er secrétaire de la Fédération parisienne en juin 1946, il conserva cette importante fonction jusqu’en 1956. R. Guyot fut un des animateurs et dirigeants du Mouvement de la Paix.
R. Guyot, homme de confiance du Parti, sans briller par des dons d’orateur, montra, en toutes circonstances des qualités d’organisateur et une grande capacité de travail dont il fit preuve au poste de premier secrétaire de la Fédération parisienne du Parti. Dans l’affaire Tillon*-Marty*, Guyot n’hésita pas à dénoncer Marty* comme policier, en mars 1953 devant la conférence de la Fédération de la Seine. Cette même année 1953, éclata l’affaire dite « des blouses blanches », celle de ces médecins de l’entourage de Staline* qui furent accusés d’assassinats et R. Guyot demanda, en janvier 1953, aux médecins français les plus en vue et membres du Parti, de s’associer à leur condamnation.

Mais les plus graves problèmes pour R. Guyot, parce que personnels en même temps que politiques, furent ceux qui surgirent dans les années 1950 en Tchécoslovaquie. R. Guyot avait épousé en 1934 Fernande Ricol, sœur de Lise Ricol*, elle-même épouse d’Arthur London, militant de premier plan, ancien des Brigades internationales, « Gérard » sous l’Occupation en France, devenu vice-ministre des Affaires étrangères en Tchécoslovaquie. Victime en 1951 d’accusations dénuées de tout fondement, il se trouva au cœur du procès de 1952, échappa de peu à la potence. Sa femme, fidèle communiste, qu’on avait convaincue de sa culpabilité, s’était désolidarisée de lui. Le procès Slansky-Clementis prit fin sur onze condamnations à la peine de mort suivies d’exécutions, London et deux autres inculpés s’en tirant avec des condamnations à la prison à perpétuité. London fut libéré le 20 août 1955 puis réhabilité. Raymond Guyot, que les accusateurs de London avaient tenté de mettre en cause, aurait tout d’abord cru à la culpabilité de son beau-frère puis revint sur son jugement à la suite des preuves apportées par London et sa femme et, finalement, mit M. Thorez* au courant. Le PCF intervient pour que London soit libéré et que son départ pour la France soit autorisé, ce qui se réalisa en février 1957.
En 1968, ce fut l’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes soviétiques assistées par celles de quatre pays « socialistes ». Convoqué avec Gaston Plissonnier, à l’ambassade de l’URSS dans la nuit du 20 au 21 août 1968, ils furent avisés de l’événement. Le bureau politique du PCF manifesta « sa surprise et sa réprobation » puis le comité central, réuni le 22, fit sienne cette déclaration
R. Guyot, malade, vécut alors retiré à Paris. Il quitta volontairement le BP en décembre 1972 mais il demeura sénateur jusqu’en 1977, membre du CC jusqu’en février 1985 (25e congrès). L’âge et des problèmes de santé suffisent à expliquer cette retraite progressive. La décoration « Amitié entre les peuples » qu’il reçut à Paris à l’ambassade del’URSS en même temps qu’Étienne Fajon le 10 avril 1985 clôturait sa carrière.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75579, notice GUYOT Raymond, Germain (version DBK) par Claude Pennetier, version mise en ligne le 30 décembre 2009, dernière modification le 30 décembre 2009.

Par Claude Pennetier

SOURCES : RGASPI, pas de dossier personnel aux archives du Komintern. — Tsentralnoe chranilise sekretnych del, Fonds 5, dossier personnel Guyot, 11.51-188. — Entretien de J. Maitron et Cl. Pennetier avec R. Guyot à son domicile le 17 mars 1983. — Notice par J. Maitron et Cl. Pennetier dans le DBMOF.

Version imprimable